Bien qu’il ne souffre d’aucune contestation à propos de ses performances sportives à l’heure actuelle, combinant 26,9 points, 8,1 rebonds et 7,2 offrandes par matches, le quadruple MVP LeBron James traîne les vestiges d’une communication délicate, voire douteuse, qui a terni considérablement son image. Scénario n’ayant rien à envier à la saga “Game of Thrones”, TrashTalk vous propose ici une interprétation picturale du séisme ambulant “King James”, d’un drame à l’américaine qui déchaîne profondément les passions.
La naissance d’une icône
Phénomène unique, prototype d’une espèce rare à laquelle est souvent apposée une connotation religieuse, prophétique que l’on eût pu prêter notamment à des figures emblématiques telles que Michael Jordan, ou plus récemment, Carmelo Anthony et Kobe Bryant, un paradoxe récurrent se dresse devant nous. En effet, à la moindre évocation de son nom singulier, à la réflexion de son statut au-delà de la simple réalité des statistiques et de la qualité montrée sur les parquets, on ne peut s’empêcher de s’interroger, d’essayer de comprendre et d’interpréter “l’histoire en marche” dictée par ce joueur toujours aussi détonant.
Car dès l’éclosion légendaire opérée dans sa croisade avec le lycée Vincent Saint-Mary à Cleveland dans l’Ohio (29 points, 8,3 rebonds, 5,7 passes décisives lors de sa deuxième année), l’universalité dégagée par LeBron James n’a cessé de se faire sensible, palpable au toucher de la planète Basket, si bien que l’épanouissement logique en NBA, aux Cleveland Cavaliers jusqu’à l’obtention du titre de “superstar”, traduit une unanimité qui lui est propre au regard de son talent d’ordre divin; le surnom “The Chosen One” (l’élu) se lie peu à peu sur toutes les lèvres. Plus qu’une espérance, LeBron James, enfant prodige de son Etat, marque alors au fer rouge son lieu de naissance sur les visages conquis d’une ligue ensorcelée par autant de puissance: de 2003 à 2010, il a affolé les compteurs avec une fiche statistique de 27,8 points, 7 passes et 7,1 rebonds par rencontre.
De plus, cette ascension fulgurante dans le coeur des fans justifie les principes baignés de justice, de loyauté, d’amour et de fraternité qui parfont et subliment son culte de la personnalité. A mesure que sa reconnaissance croît, ses “disciples” se disent chanceux de l’opportunité de choyer un tel représentant de leur cause, en somme de vivre leur passion sous “l’ère LeBron James”.
Le “schisme” de 2010: allégorie d’une image tourmentée
Cependant, après sept ans de bons et loyaux services en terre natale, une couronne manque cruellement à son palmarès; les premières onces de déception éclatent au grand jour à la suite du sweep (un violent 4-0) concédé face aux Spurs en 2007, celles-ci contrastant avec des critiques de plus en plus vives qui poussent LeBron James à une remise en cause permanente. Dès lors, quel chemin emprunter pour accéder au titre NBA et à une consécration totale, sans faille ? Rester et essayer jusqu’au bout ? Ou changer d’univers, d’entraîneur, de coéquipiers n’étant pas à sa hauteur, de systèmes de jeu ?
Dès lors, cette phobie insoutenable de l’échec dessine le bouleversement éthique de toute une carrière, au point que le trouble provoqué dégrade le portrait façonné par ses “apôtres”, eux-mêmes dupés par l’aveuglement volontaire en un conformisme illusoire, respectable en soi mais, à l’inverse, extrêmement naïf.
Le 8 juillet 2010, le glas sonne, et l’image si féerique de Lebron dévoile une facette sombre du personnage, gorgée de honte, d’une violation obscène de la confiance donnée par la plupart des fans de la NBA: “The Decision” souligne l’action maladroite, humaine d’un simple mortel dont l’opinion générale eut visiblement oublié la condition originelle. Manipulé par une emprise significative des médias, le phénomène se retrouve pris au piège, mis à nu en antenne nationale (ESPN), où l’attention de toute une communauté à travers le monde est poussée à son paroxysme. Là, il commet l’erreur si discutée de céder aux appels trompeurs de l’arrogance et de la facilité, plutôt que d’honorer son engagement fier et symbolique, autrement dit de rester fidèle à la terre de Cleveland et à ses hommes devant lesquels il eut prêté serment.
Entre un surplus d’attentes et de désirs nobles qu’il ne peut malheureusement pas contenir à lui seul, LeBron laisse de manière contradictoire libre cours à son ego au lieu de rester proche de ses principes. Ainsi, ce choix crucial inscrit un nouvel acte fondateur pour l’industrie médiatique et sportive américaine car il crée, au moyen d’une science bien rodée du suspense et de la mise en scène dramaturgique, une énième polémique dont le souvenir demeurera impérissable pour les décennies à venir. En conséquence, James, de même que ses comparses du Miami Heat, devient, à chaque nouveau pas dans sa quête du back-to-back, la cible d’une triste campagne de “vilainisation” qui, encore de nos jours, n’a pas trouvé sa finalité.
Vers un nouvel ordre royal
En revanche, n’oublions pas en l’occurrence, et ceci sous aucun prétexte, que LeBron James est bel et bien champion en titre ! Galvanisé par cet accomplissement, on retrouve cette année un homme métamorphosé, sorti plus fort et plus sage, sans crainte cette fois-ci, comme immunisé de toute critique, de toute injure à caractère raciale, anciens fragments d’une fracture colmatée.
” N’ayez pas peur de l’échec. C’est le chemin à suivre pour réussir.”
Grâce à l’obtention de cette première bague si désirée, acquise après avoir terrassé une équipe insuffisamment disciplinée du Thunder d’Oklahoma City sur le score de 4 victoires à 1 en finale, on en déduit qu’un changement s’est matérialisé dans la démarche de “King James” servant à restaurer son image de marque auprès des fans de la ligue. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait de manière héroïque. Après avoir échoué une première fois face aux Mavericks de Dallas en 2011, beaucoup considéraient la comparaison avec Jordan comme définitivement abjecte et craignaient pour la suite de sa carrière. Mais épris d’une rage de vaincre éblouissante, il brise un à un les démons qui le hantent, dont le plus marquant reste l’épique match 6 des finales de conférence de l’année passée, où il crucifie à lui seul ses pires ennemis, à savoir les Celtics de Boston, en signant 45 points et 15 rebonds.
En choisissant ainsi de faire valoir l’unique vérité qui est celle du jeu, LeBron recentre alors les vociférations à son sujet sur ce qui compte réellement, c’est-à-dire sur les performances réalisées sur le terrain, sur sa condition de joueur de basket-ball. Plus préparé à en découdre que jamais, il semble avancer avec une grande détermination, sans peur ni doute apparent, afin d’oublier, ne serait-ce que pour un court instant, les souffrances écloses lors d’un certain mois de juillet 2010.
Malgré tout, l’engouement autour de la personnalité du “Chosen One” ne désemplit pas, bien au contraire et ce pour notre plus grand plaisir. Ce roi si particulier, promis à une gloire longue et pure, un temps déchu, considéré comme “sans honneur” et voué au bûcher, qui a su braver les ruses les plus élaborées jusqu’à son couronnement, cultive une apparence complexe et focalise toujours autant notre attention la plus précise à son égard. De plus, les rumeurs les plus folles d’un hypothétique retour à Cleveland en 2014 prolifèrent, dénonçant une dévotion toujours aussi vive pour l'”Iron King”.
En un mot, la seule certitude émanant de cette analyse est que le débat reste ouvert, de même qu’il faut permettre au temps de juger la véritable valeur de ce personnage paradoxalement charismatique, à savoir notamment, si, comme annoncé, son règne s’exaltera au rythme des saisons.