Mitch Richmond : une légende oubliée

Le 13 févr. 2013 à 17:30 par Bastien Fontanieu

“Mitch Richmond est le joueur le plus dur contre lequel j’ai joué, en attaque comme en défense.” Le propriétaire de cette citation n’est pas trop mal placé pour savoir de quoi il parle. Après tout, Michael Jordan en a vu des wagons d’arrières qui tentaient de lui barrer la route durant sa dictature des années 1990. Souvent oublié dans les livres d’histoire, rarement apprécié à sa juste valeur, Richmond a pourtant dominé la dernière décennie du deuxième millénaire aux côtés de Sa Majesté. Sa défense intraitable alliée à un bagage offensif écœurant ont fait du natif de Fort Lauderdale un des poste 2 les plus complets de l’histoire du jeu. Story.

Le 30 juin 1965, la Floride voit la naissance d’un beau bébé du nom de Mitchell James Richmond. Comme de nombreux récits américains à succès, le nouveau-né se retrouve sans père, avec Ernell O’Neal en charge de tout ce qu’il existe d’imaginable pour mère. Les deux deviennent de ce fait aussi proches que possible, et cet enfant est la fierté d’Ernell. “On a toujours été comme des meilleurs amis,” se souvenait O’Neal lors d’une interview avec Sports Illustrated. “Je ne le laissais même pas dormir chez ses amis, je voulais savoir tout ce qu’il faisait.” Sous la surveillance de sa mère, Mitch chantera alors dans le choeur de sa paroisse et apprendra vite les joies du basket-ball. C’est également elle qui lui enseigne les valeurs qui feront de lui une star au niveau professionnel : le travail paie, pas de place pour les flêmards. En regardant les grands se tabasser sur les playgrounds de Floride, le gamin s’imprègne ainsi de chaque mouvement, chaque action, et les colle rapidement à son jeu : ses potes d’enfance l’appellent déjà ‘Smooth’, car avec lui le basket semble si facile. Seulement, son parcours scolaire ne suit pas son surnom. Passant par trois lycées différents, Mitch n’a pas la tête aux cours et se retrouve sur le point de ne pas valider son premier diplôme. Envoyé au Moberly Area Junior College du Missouri, l’adolescent se retrouve par la même occasion loin de ses amis et de sa mère, mais cette dernière pense que ce choix sera déterminant dans sa construction personnelle. Premier coup dur. Mitch y rencontrera alors son coach, Dana Altman, qui lui servira non seulement de mentor, mais aussi de figure paternelle. Envoyé à la salle de muscu et au gymnase tous les matins, le jeune homme a soif de succès et allie cette détermination naturelle à de nets progrès chaque midi dans ses études. Soir après soir, Mitch grandit et montre une progression fulgurante, ses notes lui permettent également d’être transféré : direction Kansas State University.

Culminant à 1m96 et plus de 95 kilos, Richmond propose alors un combo exceptionnel de puissance, d’agilité et de précision, qui fait un malheur d’entrée et martyrisera les adversaires de KU pendant deux années scolaires. Ses 1,327 points en seulement deux saisons sont un record pour l’Université, et il finit l’année 1978-88 avec 22.6 points de moyenne à 51.4 % de réussite au tir, en y ajoutant 6.3 rebonds et 3.7 assists. Rien que ça. Cette efficacité renversante pour un arrière lui accordera sa présence dans le meilleur 5 de l’histoire de l’Université en 2003, et un spot de luxe dans la Team USA des Jeux Olympiques de 1988. Son diplôme en poche, Mitch va alors se présenter à la Draft 1988, où il sera choisi en 5ème position par les Golden State Warriors. Les scouts bavent déjà en voyant ce prototype de l’arrière du futur, sorte de char d’assaut près à encaisser tout contact mais aussi capable de sanctionner à distance.

Danny Ainge : “Il n’a pas de défauts dans son jeu, il est comme Michal Jordan en fait”

L’ère TMC peut alors commencer. Le fameux trio Tim Hardaway / Mitch Richmond / Chris Mullin met le feu aux défenses adverses et la mode est au run and gun de la Bay Area. Don Nelson coach le basket champagne à merveille : tous les kids des Etats-Unis veulent jouer comme les arrières de Golden State et le ‘Run TMC’ fait encore plus de boucan que la Linsanity. Hardaway met tout le monde à terre à coup de crossovers mortels, Mullin enquille les bombes de loin et les coupes de cheveux suspectes, et Richmond agresse le panier à volonté sur jeu rapide comme posé. Si leur défense est malheureusement absente, les Warriors découvrent en Mitch un arrière au potentiel immense, qui conclue sa première saison par le titre de Rookie de l’Année. Les deux campagnes suivantes verront Richmond continuer sa domination sur les arceaux, avec minimum 22 points de moyenne dans tous les registres possibles et imaginables, mais l’équipe ne décolle pas. Sans présence au rebond, la franchise de Golden State décide de jouer le coup de poker ultime en envoyant Richmond au Nord de la Californie à Sacramento, en échange de Billy Owens, un ailier rugueux mais qui n’offre pas de quoi se toucher non plus. Deuxième coup dur.

Depuis l’arrivée de la franchise dans la ville en 1985, aucune star ne s’est révélée chez les Kings, et Richmond est bien décidé à changer la donne. Si le transfert est difficile à vivre pour l’intéressé, passant d’un joueur respecté et aimé dans une franchise bien exposée à un leader esseulé dans une équipe paumée sur la côte pacifique et qui n’a jamais eu de bons résultats, son professionnalisme prend vite le dessus et la plus belle partie de sa carrière l’attend. Toujours aussi à l’aise en attaque, c’est sa défense qui lui permets de devenir désormais l’arrière le plus complet de la Ligue derrière un certain Michael Jordan. Ce dernier est d’ailleurs constamment embêté par Richmond lors de leurs duels, pour sa science offensive et sa ténacité défensive. Les Kings n’arrivent pas à atteindre les Playoffs, mais Richmond sort des performances qui rendraient même jaloux les Dwyane Wade et autres Jerry West : 26 points de moyenne sur sa saison 1996-97, six fois All-Star, il en est même le MVP en 1995, membre de la Team USA des Jeux d’Atlanta en 1996, chaque équipe qui l’affronte sait que le seul bon joueur des Kings se nomme Richmond mais cependant personne n’arrive à l’arrêter. Double-team, triple-team, boîte, rien à faire. Et quand bon nombre de joueurs deviendraient insupportables dans les vestiaires devant tant de défaites, au point de demander un possible transfert, Mitch arrive en premier à la salle et éteint sagement derrière lui.

Respecté de tous pour sa loyauté et son approche du jeu, il impose un style à Sacramento qui transpire le respect. Fluide derrière l’arc, il passe sa carrière dans les 40% de réussite et se positionne comme un des meilleurs purs shooteurs que le jeu ait connu. Sur ses dix premières saisons professionnelles, le natif de Fort Lauderdale est un des 7 joueurs de l’histoire à avoir mis au moins 21 points soir après soir. Ses camarades statistiques ? Wilt Chamberlain, Kareem Abdul-Jabbar, Michael Jordan, Oscar Robertson, Shaquille O’Neal et Allen Iverson. Please. Au poste d’arrière, seuls Jerry West, Michael Jordan, Goerge Gervin, Oscar Robertson et Pete Maravich ont marqué autant de points en moyenne avant lui. Il atteint alors les 23.1 points, 4.3 rebonds et 3.9 passes en carrière, mais surtout à des pourcentages jamais vus pour sa position : 46% au tir, 40% de loin, et 85% sur la ligne. Un véritable artiste du fouetté, qui ne cessera de rendre ses défenseurs malades avant l’an 2000, mais dont le nom n’a jamais vraiment circulé à cause de sa situation dans une franchise tout simplement pourrie. Enfin frustré après tant d’années d’échec, l’homme demande à changer de décor, pour tenter de réaliser de belles performances en Playoffs et remporter un titre. Son vœu est à peine exaucé, l’arrière est échangé contre Chris Webber à…Washington en 1998. Webber transforme les Kings en favoris pour le titre, tandis que Richmond se morfond dans une énième équipe de bas de tableau. Troisième coup dur.

Phil Jackson : “Mitch peut sortir n’importe quel joueur vu son bagage offensif. Il vous fera commettre des fautes auxquelles vous ne vous attendez pas, et défensivement il est aussi bon que Michael. C’est un des rares joueurs dans cette Ligue qui essaye et arrive à le stopper.”

Désespéré par cet énième virage malencontreux, Mitch perdra sa touch dans la capitale, au point que sa carrière chute complètement au début des années 2000 : les blessures et un manque de réussite étonnant au tir lui font toucher le fond de la piscine. Repêché par les Lakers pour le minimum salarial, une honte quand on sait la production du joueur quelques années auparavant, ‘The Rock’ ne joue presque pas chez les Angelinos, Phil Jackson préférant même mettre Devean George devant lui. Crime ultime, quatrième coup dur. Toujours prêt, tel un vrai professionnel, Richmond dribblera alors les dernières secondes de sa carrière sur le parquet des Nets, sweepés par les Lakers lors des finales de 2002. Envoyé pour le garbage time, son aventure se termine donc dans l’oubli, mais la bague au doigt.

Arrière de rêve dans un corps de tank et avec des mains de pianistes, Mitch Richmond serait sûrement considéré au même niveau qu’un Clyde Drexler ou un Dwyane Wade si sa carrière n’avait pas été semée d’embûches dont il n’avait aucun contrôle. Et si les années 1990 resteront à jamais gravées par les lettres MJ, seuls les vrais savent que Richmond appartiendra pour toujours à la crème de la crème au poste 2. Si Jordan le dit, on peut bien le croire.


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