Les Washington Capitols emboîtent le pas des Boston Celtics et draftent Earl Lloyd
Le 31 oct. 2024 à 17:40 par David Carroz
Le 25 avril 1950, le propriétaire des Celtics Walter Brown a chamboulé l’histoire de la NBA en sélectionnant Chuck Cooper au second tour de la Draft. En ouvrant la porte aux Afro-américains, il a rendu possible les choix de Earl Lloyd et Harold Hunter quelques tours plus tard par les Washington Capitols. Et même si la franchise de D.C. ne fait office que de suiveur, elle posait les bases de cette intégration depuis quelque temps.
Une ouverture question business
Pourtant, cette ouverture n’était pas gagnée chez les Capitols dont le proprio Max Uline n’a pas hésité dans le passé à appliquer une politique ségrégationniste dans son enceinte. En effet, en plus d’être le boss de la franchise de D.C., il est aussi propriétaire de la salle dans laquelle joue les Capitols, baptisée sobrement Uline Arena. Durant une bonne partie des années quarante, il a décidé d’interdire l’accès à son arène aux Afro-américains, en dehors des combats de boxe mixtes. Une politique qui entraîne logiquement un boycott de la salle même pour ces événements – à la demande du Washington Tribune – la communauté afro-américaine refusant de donner de l’argent à une personne pratiquant la ségrégation.
Changement de stratégie pour le boss des Capitols en 1948, avec la levée de cette interdiction justement pour un match de la franchise. Il faut dire que les affaires ne sont pas florissantes avec des affluences médiocres. La population afro-américaine augmentant dans Washington et ses alentours, Uline y voit un levier pour faire venir du public et gonfler les audiences – ainsi que son portefeuille. Mieux – ou pire si on considère le cynisme de ses décisions – il se dit que les Afro-américains seront encore plus enclins à venir dans l’enceinte si des membres de cette communauté font partie des acteurs sur le terrain. Si bien qu’avant même de permettre l’intégration de sa franchise de basket, Max Uline accueille dans son arène le CIAA Tournament à partir de 1949. Cette compétition qui se déroule déjà à Washington – au sein de la Turner Arena – depuis 1946 regroupe les meilleures équipes des Historically Black Schools and Universities. Ce qui signifie donc la crème des ballers universitaires afro-américains.
Les Capitols testent Earl Lloyd et Harold Hunter…
Parmi eux, Earl Lloyd qui évolue à West Virginia State University et Harold Hunter de North Carolina College (devenu depuis North Carolina Central University) lors de la finale de 1950. Un match remporté par NCC du coach légendaire John McLendon et qui couronne Hunter comme Most Outstanding Player du tournoi. Les deux jeunes hommes ne le savent pas, mais ils sont observés par Bones McKinney, l’entraîneur-joueur des Capitols. À l’époque, le scouting est loin d’être développé et les franchises considèrent avant tout les joueurs du coin, sans se soucier des Afro-américains. Le tournoi est donc une exposition inespérée pour Earl Lloyd et Harold Hunter qui se voient proposer un workout par Washington.
Une première étape que les deux joueurs passent avec brio. Mais entre réussir un essai et être drafté, il reste quelques étapes. Pour s’assurer que le vestiaire ne régira pas négativement à l’arrivée d’Afro-américains, le coach et le General Manager des Washington Capitols interrogent leurs joueurs pour savoir si cela leur pose un problème. La réponse la plus fréquente est pleine de bon sens : s’ils sont bons, pourquoi s’en priver. Les voyants sont donc au vert pour que les Capitols participent à l’intégration de la NBA, souhaitée et réclamée par les journalistes du coin qui connaissent le rôle majeur de D.C. dans l’histoire du basketball afro-américain, entre la démocratisation de ce sport par Edwin B. Henderson et les succès éphémères mais conséquents de Black Fives comme les Twelfth Streeters, Howard University et les Washington Bears.
…puis les draftent
Il reste alors cet ultime pas, sélectionner un joueur afro-américain lors de la Draft. Pas que les Washington Capitols font en s’inspirant des Celtics. Certainement libérés du poids d’être les premiers à briser la barrière raciale, ils misent sur Earl Lloyd au neuvième tour puis Harold Hunter au round suivant. Deux pionniers, deux profils et deux histoires différentes. Si Lloyd l’intérieur physique va avoir sa chance et réaliser une belle carrière de role player en NBA, Hunter le meneur rapide n’aura pas cette chance puisqu’il va être coupé au camp d’entraînement. Sans avoir d’autre chance plus tard. Il était probablement encore trop tôt dans cette Amérique ségréguée pour pouvoir garder deux joueurs afro-américains en 1950.
Pour autant, difficile de dire que la Draft d’Earl Lloyd est une surprise. Les mentalités changent – même lentement – et quand il sort de son essai avec les Capitols, il se rend bien compte qu’il a le niveau. Ce qui ne l’empêche pas d’être déconnecté puisque c’est une camarade sur le campus qui lui annonce qu’elle a entendu son nom à la radio parce qu’il a été drafté par une équipe professionnelle appelée Washington Capitols. Une nouvelle qui n’enchante pas Abe Saperstein car malgré l’absence d’accord, il était persuadé qu’il ne s’agissait que d’une question de temps avant que Lloyd ne rejoigne les Globetrotters. À tort tant le joueur a peu apprécié les conditions réservées aux joueurs afro-américains par Saperstein.
À partir du moment où les Capitols ont décidé de miser sur lui, Earl Lloyd sait qu’il doit tenter le coup, tout donner pour saisir cette opportunité. Des années après, il mesure la chance qu’il a eu quand d’autres – dont Harold Hunter – n’ont pas pu jouer en NBA :
“En sortant de CIAA, il y avait un paquet de gars qui auraient pu le faire [jouer en NBA] et je crois fortement au timing. On a joué le tournoi de conférence dans l’enceinte d’une équipe pro et ils m’ont observé sans que je le sache. Me voilà, un gamin d’Alexandria, et j’étais au bon endroit au bon moment.”
Quelques semaines plus tard, le timing sera encore favorable à Earl Lloyd : des trois pionniers a débuté la saison régulière NBA 1950-51, il est celui dont l’équipe joue le premier match le plus tôt. Ce qui fait de lui le premier Afro-américain a disputé une rencontre NBA.