Flashback : Russell Westbrook face aux Nuggets en 2017, la fin parfaite d’une soirée historique

Le 09 avr. 2024 à 17:10 par Julien Vion

Russell Westbrook 9 avril 2024
Source image : YouTube

Si quelqu’un avait tenté d’écrire un scénario, pas sûr qu’une telle magie aurait pu se produire. La soirée de Russell Westbrook le 9 avril 2017 à Denver est parfaite en tous points. La combinaison de l’émotion, du contexte et de l’adrénaline fait de cette rencontre l’un des plus grands moments de l’histoire du basketball des années 2010. 

Il y a des scènes de films qui marquent. La fameuse douche dans Psycho, le vélo qui fend le ciel dans E.T. ou la réplique de Dark Vador dans Star Wars V n’en sont que quelques exemples. Mais dans le petit monde de la NBA, le souvenir de l’uniforme orange fluo d’un Westbrook en transe est inscrit au plus profond de la mémoire des fans. Les visages déconfits sur le banc des Nuggets également.

“This is cinema.” – Martin Scorsese

Difficile de dire si le réalisateur était devant sa télévision ce soir-là, l’histoire ne nous le dit pas. Même la citation est peut-être apocryphe. Mais il aurait été bien inspiré de prendre quelques notes ou de mettre une caméra derrière les paniers du Pepsi Center en ce jour d’avril 2017. Des paniers justement, le meneur d’Oklahoma City en score seize avant les deux dernières secondes. Moment critique cinématographique, sponsorisé par Allu Ciné.

Le parcours d’un personnage principal qui crève l’écran

La lumière décroît, les chuchotements dans la salle aussi et le projecteur commence à tourner pour révéler l’antépénultième match du Thunder de la saison 2016-17. Mais avant ça, et pour que le spectateur soit bien à son aise, le narrateur rappelle le contexte.

La première partie du film est consacrée à l’ascension du jeune Russell dans son cocon familial. Adopté en 2008 à Oklahoma City, il devient petit à petit une star aux côtés de ses frères d’armes James et Kevin. Si le premier continue sa route dans le Texas en 2013, le duo Westbrook – Durant marque durablement l’histoire de la franchise. Et le spectateur s’y attache.

L’exercice 2015-16 est celui de tous les espoirs pour les bleus et blancs. Après une très belle régulière à 55 victoires et deux séries de Playoffs maîtrisées, la montagne Golden State se dresse devant eux. Le surpuissant méchant du film a battu le record all-time du meilleur bilan sur une saison (73 victoires – 9 défaites) et compte bien aller chercher sa bague. OKC joue crânement sa chance, mène 3-1 dans la série… et s’effondre. Plus de détails ici sur le jour où tout a basculé.

L’élément perturbateur survient le 4 juillet 2016, le jour où Kevin Durant annonce son “Next Chapter”. Le numéro 35 décide de quitter son foyer pour rejoindre… ces même Warriors. Bande sonore touchante, et gros plan sur un Brodie désormais orphelin de ses frères d’armes. Dans la manière, le départ est encore plus douloureux, pour les fans comme pour le numéro 0 :

“Je l’ai appris comme vous l’avez appris. Dans les médias, sur les réseaux sociaux.” – Westbrook, via The Athletic

La saison 2016-17 commence dans une ambiance très particulière dans l’Oklahoma. La vedette n’a plus aucun compère qui peut prétendre à un oscar dans un second rôle. Sans faire offense à un jeune Victor Oladipo et à ce bon vieux Steven Adams, les autres acteurs ne crèvent pas l’écran. Peu se souviennent probablement de Semaj Christon ou d’Alex Abrines, qui ont pourtant joué 64 matchs chacun.

Néanmoins, Russell Westbrook sort le grand jeu et impressionne tous les observateurs semaine après semaine. Des triples-doubles à gogo, plus de 31 points de moyenne (record en carrière) et un sentiment de one-man show quotidien. C’est simple, il est le meilleur de son équipe au scoring, au rebond, à la passe et à l’interception.

Avant la fameuse rencontre face aux Denver Nuggets, Brodie est dans les principaux candidats au titre de MVP avec Kawhi Leonard, LeBron James mais surtout James Harden. L’ancien frère devenu rival avec le protagoniste – ficelle un peu facile du scénariste – compte bien rafler la statuette à sa place.

Mais deux jours avant le match à Denver, le 7 avril, Westbrook marque un grand coup face aux Suns en validant statistiquement un triple-double de moyenne sur la saison : 31,6 points, 10,7 rebonds et 10,4 passes. Seul Oscar Robertson avait réalisé cet exploit en 1961-62. Russ égale aussi Big O grâce à un 41è triple-double sur la saison, avec trois rencontres pour le dépasser.

Moteurs, action : 2,9 secondes pour tout faire basculer

Malgré la campagne historique du meneur, OKC affiche un bilan de 45 victoires pour 34 défaites et pointe à la sixième place de l’Ouest. Les dernières rencontres de régulière sont cruciales. D’autant que les Nuggets ont tout à perdre, puisqu’une défaite les éliminerait de la course aux Playoffs.

Le casting des bleus et blancs est fidèle à celui de la saison : Westbrook, Oladipo, Andre Roberson, Taj Gibson et Steven Adams pour débuter. Cela n’empêche pas Westbrook de faire du Westbrook, et il affiche 23 points, 12 rebonds et 6 passes à la mi-temps. Il parvient ensuite à décrocher son 42è triple-double, synonyme de record all-time. Mais les Nuggets mènent 93 à 103 à 2 minutes 32 du terme.

C’est à ce moment-là que la musique épique retentit et que le personnage principal prend les choses en main. Brodie inscrit dix points à lui tout seul pour revenir à 103-105, avant que Nikola Jokic ne manque un shoot mi-distance à 2,9 secondes de la fin. Deux points de retard pour OKC, qui n’a inscrit que cinq tirs derrière l’arc dans toute la rencontre (5/24, soit 20,8% de réussite). Évidemment, quatre d’entre eux viennent de sa star.

La suite, c’est le mythe : un shoot depuis Neptune au buzzer qui climatise la salle.

Après une remise en jeu de Kyle Singler vers Steven Adams, Russell Westbrook se la joue Clint Eastwood et est Impitoyable. La boussole ne sait plus quelle direction indiquer, les commentateurs perdent le nord. Brian Davis, au micro, trouve la bonne formule : “Quelle fin parfaite pour une journée historique”.

9 avril 2017.
50 points, 16 rebonds et 10 passes.
42ème triple-double de la saison, nouveau record all-time.
Et le légendaire tir au buzzer qui va avec, pour éliminer Denver.
Monsieur Russell Westbrook. #MVP pic.twitter.com/9GkECRmACk

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) April 9, 2018

Mais l’après-buzzer est tout aussi marquant. Alors que le public est sonné sur son strapontin, Russell Westbrook sautille comme une pile électrique, envoyant un chest-bump qui en aurait fait flancher plus d’un. Cet ultime tir donne 50 points au meneur (en plus de son triple-double), délivre la victoire aux siens et envoie les Nuggets en vacances. Le tout en même temps, parce qu’au cinéma tout est permis.

“Il a rentré un tir fou. Jamal (Murray) était juste devant mais il a rentré le tir. C’est ce que fait un MVP.” – Nikola Jokic

Bref, quand personne ne pouvait l’imaginer, il a encore tout fait. Pour donner un peu de perspective : les quatre autres joueurs du cinq majeur tirent à 11/34 sur le match, le banc à 12/30, Westbrook à 17/32. Il compte au moins pour quatre ou cinq, mais il est bien tout seul. Quelques semaines plus tard, il remporte le trophée de MVP, fort de son incroyable performance. 

Ligne de stats finale : 50 points (18 dans le quatrième quart), 16 rebonds, 10 passes et une interception pour seulement deux pertes de balle.

Mais une fois n’est pas coutume aux États-Unis, la séance ne se termine pas en happy end. Au premier tour des Playoffs, James Harden vient pour se venger du trophée perdu. Les Rockets, trop forts, ne font qu’une bouchée du Thunder. Dans le game 5 décisif, Russ West pose 47 points, 11 rebonds et 9 passes en vain. OKC ne passera plus un tour de postseason avant le départ du MVP en 2019.

Que l’on regarde pour la première, deuxième ou huitième fois la campagne 2017 de Russell Westbrook, on ne peut que se dire qu’il mérite toutes les récompenses académiques possibles. Il a même fait mieux que l’Oscar (celui des années 60), dans un final en apothéose. Générique de fin.

Sources texte : The Denver Post, Basketball Reference, NBA


Dans cet article