Le tir légendaire de Ray Allen, raconté par les principaux protagonistes

Le 18 juin 2023 à 10:35 par Nicolas Meichel

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Le 18 juin 2013, dans les dernières secondes d’un Game 6 exceptionnel entre le Heat et les Spurs en Finales NBA, San Antonio semblait sur le point de l’emporter avant que Ray Allen n’enfile son costume de “Jesus Shuttlesworth” pour sauver Miami. Son tir à 3-points égalisateur est devenu le shoot le plus clutch de l’histoire, shoot qui reste gravé dans la mémoire des fans et surtout des principaux protagonistes. 

Quoi de mieux, pour revivre ce moment mythique, que d’entendre les principaux acteurs en parler. Ceux qui étaient sur le terrain à l’instant T, sur le banc, ou en tribunes, dans le camp de Miami ou dans celui de San Antonio. Avec l’excitation d’un côté et les regrets éternels de l’autre.

Du héros Ray Allen au pauvre Tim Duncan, des coachs Erik Spoelstra et Gregg Popovich aux stars LeBron James et Dwyane Wade, en passant par Pat Riley, Tony Parker et Chris Bosh, on a rassemblé les meilleures quotes pour vous raconter à nouveau, d’une manière originale, ce moment qui a véritablement marqué l’histoire de la NBA.

28,2 secondes à jouer, 94-89 pour San Antonio

Mené de dix points à l’entame du dernier quart-temps, le Heat a réussi à remonter son retard sous l’impulsion d’un LeBron James absolument exceptionnel. Mais dans les deux dernières minutes, alors que Miami mène de trois points, Tony Parker et Manu Ginobili refroidissent la chaude arène floridienne, et plusieurs turnovers du King mettent le Heat dans une position très critique avec cinq points de retard (94-89) à 28,2 secondes du buzzer. Une position tellement critique que la corde jaune (habituellement utilisée à la fin des Finales NBA pour éviter que des fans aillent sur le terrain) est de sortie, et que le Larry O’Brien Trophy fait son apparition à la sortie du tunnel menant aux vestiaires.

Pat Riley (président du Miami Heat) : Tout d’un coup, on était menés de cinq points, et j’étais comme assommé.

Ray Allen (joueur du Miami Heat) : Il y avait tellement de signes, de mauvais signes pour nous.

Dwyane Wade (joueur star du Miami Heat) : On voyait les fans des Spurs agiter leur maillot, on voyait leur banc (prêt à célébrer), et c’est quelque chose que vous connaissez car vous l’avez déjà vécu.

Brett Brown (assistant du coach Gregg Popovich aux Spurs) : J’ai vu la corde jaune, le trophée, et puis je me suis dit, “On va le faire, on va battre LeBron pour gagner le titre !”

Chris Bosh (joueur star du Miami Heat) : Quand j’ai vu qu’ils sortaient la corde jaune, ça m’a énervé. J’ai eu des flashbacks des Finales 2011 (perdues contre Dallas, NDLR.).

Patty Mills (joueur des San Antonio Spurs, alors sur le banc car blessé) : Dans le quatrième quart-temps, la sécurité avait sorti la corde jaune pour éviter que les gens aillent sur le parquet, et puis ils ont sorti le Larry O’Brien Trophy. On se disait, “Wow, on est sur le point de gagner ce titre”.

LeBron James (joueur star du Miami Heat) : Vous commencez à douter à ce moment-là. Mais en tant que compétiteur, vous vous dites qu’il reste un peu moins de 30 secondes et que vous avez encore l’opportunité de relancer le match.

Dwyane Wade : J’avais tellement de pensées qui me traversaient l’esprit à ce moment-là, et elles n’étaient pas du genre positives. Et puis lors du huddle, vous voyez votre coach et il vous redonne de la confiance.

Erik Spoelstra (coach du Miami Heat) : Tout ce que je disais à mes joueurs, c’est “Regardez ma plaquette, gardez vos yeux sur ma plaquette !” Car si vous pensez à ce qui vient d’arriver, ou ce qui peut arriver, vous perdez le contact avec le moment présent.

Pat Riley : Quand vous affrontez ce genre de situation, la seule chose qui vous reste est votre fierté, votre caractère. Vous ne pouvez jamais, jamais, jamais abandonné.

“REBOUND BOSH, BACK OUT TO ALLEN, HIS 3-POINTER, BANG !”

L’espoir renaît pour le Heat quand LeBron James marque un 3-points et que les Spurs manquent deux lancers-francs, un par Manu Ginobili et l’autre par Kawhi Leonard. Le score passe ainsi à 95-92 avec la possession pour Miami et une vingtaine de secondes à jouer.

Mario Chalmers remonte le ballon pour l’ultime possession. Il trouve LeBron derrière la ligne à 3-points, qui prend le tir pour tenter d’égaliser. Les Frenchies Tony Parker et Boris Diaw contestent le shoot du King tandis que Chris Bosh, alors seul vrai intérieur sur le terrain, suit le ballon des yeux pour prendre le rebond en cas d’échec.

Chris Bosh : Je ne regardais rien d’autre que la balle. Tony Parker et Boris Diaw ont tous les deux tenté de contester le tir de LeBron, cela m’a ouvert la voie pour prendre le rebond. Tim Duncan n’était pas sur le terrain, mais c’était leur stratégie pendant toute la saison pour les fins de match. Quand vous pouvez regarder la trajectoire du ballon, et que vous n’avez personne pour vous bloquer, 9 fois sur 10 vous savez où ira la balle.

Et ce fameux rebond, Chris Bosh le prend après le shoot raté de LeBron. L’intérieur de Miami profite alors de son avantage de taille, et surtout de l’absence de Tim Duncan. Le Hall of Famer des Spurs est en effet sur le banc à ce moment-là, Gregg Popovich souhaitant privilégier les switchs défensifs pour défendre la ligne des 3-points.

Mario Chalmers (joueur du Miami Heat) : L’action la plus importante du match, c’est quand Gregg Popovich a sorti Tim Duncan. Quand j’ai vu ça, je me suis dit, “Ah ok, c’est bizarre, ils n’ont pas un seul rebondeur sur le terrain”. En faisant ça, ils voulaient tout switcher mais je savais que quelqu’un serait ouvert. LeBron a pris le tir, CB est allé vers le panier, il n’avait personne de sa taille pour le box-out, et il a pris le rebond.

Manu Ginobili (joueur star des San Antonio Spurs) : On a un très bon coaching staff, Pop est un grand coach. S’il a fait ces changements, c’est qu’il avait de bonnes raisons de les faire. Il a sorti Timmy pour qu’on puisse switcher partout. Croyez-moi, il avait une bonne raison de le faire.

Tim Duncan (joueur star des San Antonio Spurs) : C’est ce qu’on a fait toute l’année dans ce genre de situation. On voulait tout switcher. Il n’y a rien à remettre en question.

Tony Parker (joueur star des San Antonio Spurs) : Je fais toujours confiance à Pop.

La suite, c’est tout simplement l’un des plus grands moments de l’histoire du basket, le genre de moment où l’on se souvient de l’endroit où on était et avec qui on se trouvait. Suite à son rebond, Chris Bosh trouve Ray Allen dans le corner, qui recule pour dégainer derrière la ligne à 3-points. BANG !

J’ai refusé de partager cette vidéo pendant 10 ans.

Mais pour le livre de @nicolasmeichel, je le fais aujourd’hui.

Pas merci Ray Allen, à retrouver dans “LES HEATLES”.pic.twitter.com/NZXmVuoP2p

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) April 24, 2023

Chris Bosh : Quand j’ai pris le rebond, la seule chose que j’ai entendue malgré tout le bruit dans la salle, c’est “CB !”. J’ai entendu Ray m’appeler, et j’ai vu ses yeux, l’expression sur son visage, pendant qu’il reculait pour shooter. Il a fait le reste, et on a pu vivre un jour de plus.

Mario Chalmers : Sur le moment, je voulais prendre le dernier tir. Je m’en fous s’il y a Michael Jordan sur le terrain, LeBron ou Jésus-Christ, je voulais prendre ce tir. Dans ma tête, j’étais ouvert alors j’ai levé les mains quand il a pris le rebond. Mais au final, Ray Allen a mis le tir et tout est arrivé comme ça devait arriver.

Dwyane Wade : Tout était parfait. Quand il a lâché la balle, j’étais en dessous du panier et je me disais, “Oh mon dieu, ça va rentrer”.

Norris Cole (joueur du Miami Heat, celui qui saute depuis le banc) : Une fois qu’il avait posé les pieds au sol, je savais que ça allait rentrer. Je pouvais le voir de là où j’étais, je sautais tellement j’étais excité.

Ray Allen : Avec ce tir, c’est comme si une bombe était tombée, car tout le monde a sauté en l’air. C’était un sentiment incroyable. J’en avais la chair de poule.

Pat Riley : À ce moment-là c’était comme une explosion, puis on a tous soufflé un grand coup en se disant, “On a une chance”.

Shane Battier (joueur du Miami Heat) : Je n’oublierai jamais mon sentiment quand j’ai vu la balle en l’air pour ensuite rentrer dans le panier, je me disais, “On a une chance, on a une chance”.

Patty Mills : Le shoot de Ray Allen, c’était brutal pour nous.

Erik Spoelstra : Pour nous, c’est le plus grand shoot de l’histoire. 

Pat Riley : Dans chaque série de Playoffs, et c’est ce qui est super en NBA, au Super Bowl, lors des World Series ou à la Stanley Cup, il y a du drama.

Ray Allen : Quand vous êtes gamin, c’est le genre d’action que vous imaginez. Vous comptez “5, 4, 3, 2, 1” pour mettre le shoot au buzzer. Mais sur le moment, je n’arrivais pas vraiment à réaliser l’ampleur de ce tir, car on avait encore un Game 7 à jouer.

Après le tir égalisateur de Ray Allen, les arbitres arrêtent le jeu pour vérifier s’il s’agit bien d’un tir à 3-points, ce qui rend Gregg Popovich furieux, ce dernier voulant profiter des cinq dernières secondes pour partir en transition, sans devoir affronter la redoutable défense du Heat sur demi-terrain. Pendant ce temps-là, Ray n’est pas serein. Il prie pour ne pas avoir mordu la ligne sur son shoot.

Ray Allen : Même si je savais où j’étais placé sur le terrain, j’étais nerveux à l’idée de toucher la ligne. Les arbitres avaient indiqué un 3-points mais ils voulaient vérifier à la vidéo pour voir si j’avais mordu la ligne. J’étais tellement nerveux à ce moment-là. Car si mon pied avait touché la ligne juste un petit peu, ça aurait tout changé.

Le panier est finalement validé. 95-95, prolongation à venir après un échec de Tony Parker sur l’ultime possession. Si personne ne sait ce qu’il va se passer ensuite, c’est d’ores et déjà le shoot le plus clutch de la carrière de Ray Allen. Un shoot qu’il a bossé encore et encore à l’entraînement, pour être prêt le moment venu.

Ray Allen : J’ai bossé ce tir tous les jours avant les matchs, donc j’étais en terrain connu. Quand la balle a quitté mes mains, c’est comme si elle flottait.

Erik Spoelstra : Ce dont je me souviens avant tout par rapport à cette action, c’est que le premier jour où Ray Allen est arrivé chez nous, lors d’un workout avant le camp d’entraînement, il a réalisé cet exercice où il était couché au sol dans la raquette, pour ensuite se relever et reculer derrière la ligne à 3-points pour shooter. Je lui ai demandé pourquoi il faisait ça, il m’a dit, “Je veux me préparer pour le moment où il y aura un rebond offensif, et que je devrai reculer pour marquer à 3-points, sans devoir regarder où sont placés mes pieds”.

Ray Allen : J’ai reculé tellement vite, mais c’était comme dans un film, où tout était au ralenti. J’ai laissé mon corps prendre le dessus, car il savait exactement quoi faire.

LeBron James : Il a de la glace dans les veines. Ray peut être à 0/99 au tir dans un match, mais s’il a un shoot ouvert en fin de match, ça rentre. Il a une telle confiance en lui, il se prépare pour chaque match, on a confiance en lui, et on l’a vu par le passé. On est contents de l’avoir avec nous.

Chris Bosh : Je lui ai demandé, “Tu t’entraînes pour ce genre de tir ?”. Et il m’a répondu, “Ouais bien sûr”. Suite à ça, je me suis entraîné à rentrer des shoots difficiles, car vous ne savez jamais quand vous en aurez besoin.

Ray Allen : Pour moi, c’était écrit, ça devait arriver. Si je dois donner un conseil, c’est de toujours rester concentré, rester prêt car vous ne savez jamais quand un tel moment peut arriver. De tous les shoots que j’ai mis dans ma carrière, c’est le tir dont les gens parleront le plus. C’est un super sentiment de savoir que j’ai fait mon boulot, et plus que ça même, quand l’équipe avait besoin de moi.

L’après Ray Allen

Suite à l’énorme shoot de Ray Allen, le Miami Heat prend le dessus sur les Spurs lors de la prolongation pour l’emporter 103-100, et ainsi forcer un improbable Game 7 à l’American Airlines Arena. Les Floridiens sont en vie, les joueurs de San Antonio sont K-O debout.

Tony Parker : J’étais dévasté, j’avais envie de pleurer. Je ne voulais plus jamais ressentir ça après un match.

Manu Ginobili : Tout le monde sait à quel point on était proches de gagner, on pouvait presque toucher le trophée.

Tim Duncan : On ne s’est pas du tout relâchés. On a continué à jouer. Oui on a raté quelques lancers-francs mais on a fait un stop défensif, malheureusement la balle n’a juste pas rebondi de notre côté, et Ray a mis un 3-points. C’est le basket.

LeBron James : On a eu un peu de chance. Ils ont raté une paire de lancers-francs, on a mis deux tirs, on a pris une paire de rebonds offensifs, et on avait Jesus [Shuttlesworth] de notre côté.

Manu Ginobili : Je ne sais pas comment on va retrouver de l’énergie. Je suis dévasté.

Retrouver de l’énergie, se remettre la tête à l’endroit, récupérer physiquement mais surtout mentalement, voilà le challenge rencontré par les Spurs après le shoot de Ray Allen et la terrible défaite du Game 6. Mais comment rebondir d’un scénario aussi cruel, quand vous étiez aussi proche du titre suprême ?

Gregg Popovich : Je les fait monter dans le bus, on arrive à la salle, on descend du bus, on va sur le terrain et on joue. C’est comme ça qu’on se prépare.

Tim Duncan : On va se reposer pendant les 48 prochaines heures pour être bien physiquement. On va faire ce qu’on fait d’habitude, regarder un peu de vidéo, et faire quelques ajustements.

Manu Ginobili : On n’a pas le choix. Il n’y a pas de Game 8 après ça. Il va falloir qu’on joue notre meilleur match. Il n’y a pas de recette miracle pour rebondir plus vite.

LeBron James : On a un Game 7 à la maison pour remporter le titre. C’est le dernier match de la saison, il faut tout donner. Ce n’est plus une question de systèmes. Ils savent comment on joue, et on sait comment ils jouent. Le plus important, c’est d’être là mentalement, de défendre, de ne pas perdre la balle, et marquer des shoots. La meilleure équipe gagnera jeudi soir.

Lors du Game 7, les Spurs offriront une belle résistance face au Heat malgré le terrible scénario du Game 6, mais Miami finit par s’imposer 95-88 derrière un immense LeBron James (37 points), pour remporter le back-to-back. Un scénario qui permet au tir de Ray Allen d’entrer encore dans une nouvelle dimension jusqu’à devenir le shoot le plus clutch de l’histoire de la NBA.

Ray Allen : Une fois qu’on a gagné le match décisif, j’ai senti l’impact de ce tir. Aujourd’hui encore, les gens en parlent, et ils en parleront pour toujours.

Tony Parker : Ce sera toujours un souvenir douloureux. Mais c’est le basket, c’est la vie. Parfois vous gagnez, parfois vous perdez. Bien sûr, à 90 ans, sur mon lit de mort, je penserai à ce Game 6. Mais vous ne pouvez pas laisser cela dominer vos pensées.

Matt Bonner (joueur des San Antonio Spurs) : Le fait d’être arrivé jusqu’ici, où vous voyez le trophée et vous pensez que vous allez gagner, et puis de devoir revenir à la case départ d’un claquement de doigts après le 3-points égalisateur de Ray Allen, c’est dur à décrire comme sentiment.

Ray Allen : Si je ne mets pas ce tir, il est évident qu’on ne gagne pas le titre. Et les choses auraient été bien différentes. C’est pour cela que ce shoot a fait le tour du monde, car ça aurait pu changer la trajectoire de la NBA.

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Sources déclarations : conférence de presse d’après match (Game 6), podcast “Four Years of Heat”, “Together We Rise” Miami Heat 2012-2013 Documentary, Inside The HEAT: “28.2”, San Antonio Spurs 2014 NBA Champions Documentary

Comment LeBron a-t-il rejoint le Heat ?
Erik Spoelstra a coaché en D2 allemande ?!
Ray Allen avait-il préparé son shoot face aux Spurs ?

Toutes ces questions, vous aurez les réponses dans “LES HEATLES”, par @nicolasmeichel ! 📕 💛

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— TrashTalk (@TrashTalk_fr) April 24, 2023

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