Moi, fan des Spurs, je repars pour un tour
Le 17 mai 2023 à 19:00 par Giovanni Marriette
Hier soir j’ai crié, hier soir je suis redevenu fan. Hier soir je n’étais pas devant le basket, enfin “pas vraiment”. Je m’appelle G.M., je suis rédacteur pour TrashTalk, fan des Spurs depuis plus de 20 ans, et hier soir j’ai vécu ma plus belle émotion de fan depuis presque dix ans.
C’est peut-être pour ça que ce sport est si particulier. Parce que son entertainment, le sens du spectacle qu’il s’affaire à donner, est à ce point millimétré que l’on s’y laisse prendre à chaque fois. Hier soir avait lieu la fameuse Loterie NBA, cérémonie semblable dans un premier temps à Motus, et dans un deuxième au reveal des éliminés de Koh-Lanta, enveloppe ouverte face caméra et gros plan sur un homme au sourire Colgate et fan des UV. Une cérémonie qui avait pour but de décider quelle franchise NBA allait récupérer le first pick de la prochaine Draft, qui avait pour but de décider quelle franchise allait récupérer l’Alien Victor Wembanyama, jeune pépite française de 2m24 considérée par un paquet de mecs qui s’y connaissent comme l’un des prospects les plus excitants de l’histoire de ce sport. Rien que ça.
L’histoire d’un jeune fan français qui prend subitement l’accent texan
Retour 22 ans plus tôt.
4 janvier 2001, petite salle de Bourg-en-Bresse, le hangar comme ils l’appellent. Tony Parker et le Paris Basket Racing s’inclinent face à la JL Bourg et celui qui est encore un jeune coq qui se prend pour un américain se prend de plein fouet la défense des Fabrice Serrano ou autres Jean-Luc Tissot. Une autre époque, dans une équipe de Paris où évolue le regretté Thierry Rupert, père d’un jeune homme – Rayan – qui sera également drafté dans quelques mois. Les boucles, toujours bouclées.
Quelques mois plus tard et malgré les huées du public bressan qui retournera vite sa veste (coucou, c’est moi), Tony Parker partira aux Etats-Unis, dans la grande NBA, concept encore un peu lointain pour les fans de basket en France. Pour ma part ? Je plonge dans le grand bain, dans le grand bain des Spurs, du Spurs basketball. Tim Duncan et ses moves presque robotiques me questionnaient, l’arrivée de Tony Parker à San Antonio me permettra de les voir beaucoup plus souvent, et quelques temps plus tard Tim Duncan deviendra mon joueur préféré et il l’est toujours, 22 ans plus tard.
22 ans. En 22 ans ? Il s’en est passé des choses. Se refaire le film de 1999, j’étais un peu jeune, puis vivre la bague de 2003, la première de Tony et la dernière de David Robinson. George Eddy qui hurle à la sortie définitive de l’Amiral, lui-même en pleurs dans les bras de Kevin Willis, téma les grognards. Tony qui vit sa meilleure vie et, moi, je découvre ce que veut dire le mot “fan”, avec mes VHS et mes jerseys de contrefaçons achetés au marché de Vintimille à la frontière franco-italienne. Quelle époque.
2003, 2005, 2007, Tony est MVP des Finales, ma fierté c’est d’avoir été là dès le début. Puis un petit tunnel, les Clippers, les Lakers, le Thunder ou les Grizzlies me saoulent, mes Spurs vieillissent et me font plus souvent du mal que du bien, mais c’est donc ça être fan, même Obispo le dit. Mais toute cette tristesse ? Elle n’est rien face au grand traumatisme d’un soir de juin 2013 quand, de son corner fétiche, Ray Allen claque un moonwalk de l’espace pour marquer l’un des plus gros tirs de l’histoire des Playoffs. Dans mes grosses chicos. Les larmes en 2013, je déteste LeBron et je cherche l’adresse de Mario Chalmers pour le démarrer, mais un an plus tard le contre-pied est tellement beau qu’il me fait tout oublier. 2014, dernier titre des Spurs, avec Tony, vieux Tim, très vieux Pop, très cool Boris Diaw, l’apogée de ce fameux Spurs Basketball, celui qui procure à l’esthète plus de plaisir que… je vous laisse terminer la phrase.
Fin du bal, on paie les artistes, on fait monter des maillots au plafond de l’AT&T Center – la salle des Spurs – et on commence à regarder un peu plus dans le rétro que dans le viseur. Fin d’un cycle mais quand on est fan on le reste, sinon on n’en est pas vraiment un. 2015, 1016, 2017 et 2018, Clippers, Zaza Pachulia et Kawhi Leonard font mille misères à ma franchise de toujours, Tony Parker la quitte pour une autre, bref, passons. Et au tournant des années 20 (quelle phrase…) la promesse d’un avenir à nouveau scintillant pointe le bout de son nez. Cette promesse rapporte très gros au Scrabble et elle s’appelle Wembanyama.
On repart pour un tour
30 octobre 2022, me voilà à nouveau à Bourg-en-Bresse, pour voir – à nouveau – la JL Bourg affronter une équipe parisienne, les Metropolitans de Boulogne-Levallois. La JL n’évolue plus rue Charles Robin mais à Ekinox, je n’ai plus 17 mais 38 ans, je ne fais plus 73 kilos mais “un peu plus”. Pour le reste ? De vraies similitudes. Je suis en tribunes pour voir de mes propres yeux le phénomène, celui qui – ça y est c’est sûr – va débouler la saison prochaine en NBA avec le statut de n°1 de la Draft. Un Français. Numéro un de la Draft.
Et voilà que votre serviteur se sent de retour à l’âge d’adolescent, perdant toute notion de dignité en prenant l’anomalie en photo à moins de deux mètres, tel un fanzouze incapable de regarder son idole dans les yeux. Oui, j’ai de nouveau 17 ans. Victoire des Mets ce soir-là mais peu importe, je n’ai pas peur de le dire j’ai passé la soirée les yeux rivés sur le grand Victor, le si talentueux Victor. Pourquoi ? Parce que je l’admire, déjà, parce qu’il y a quelque chose chez lui qui semble dépasser le simple postulat du basket. Oui Victor fait 2m24 et dribble comme s’il était meneur et shoote comme s’il était ailier, mais il y a quelque chose… de plus. Dans sa manière de s’exprimer, de se mouvoir, puis plus tard de communiquer, d’évoluer. Il est si différent.
Quand je pensais avoir perdu la flamme, si seulement j’avais su
C’est l’histoire d’un jeune devenu vieux, qui s’est souvent demandé les derniers mois si son amour pour ce sport, pour cette Ligue, ne commençait pas sérieusement à s’estomper. De longues nuits de saison régulière, beaucoup trop longues parfois. Alors, oui, il y a l’aventure incroyable de ce média que je représente depuis maintenant dix ans. Mais tout de même. Les nuits, les jours, tout le temps, toute l’année, est-ce bien raisonnable. Et ce 145-138 entre mes Spurs et les Wizards, est-ce que ça ne me tendrait pas un tout petit peu ? Parce qu’il y a un peu de ça aussi, depuis une grosse année les objectifs de “mes” – j’ose – Spurs sont logiquement revus à la baisse. Oui c’est pour aller chercher le bijou Wemby à la Draft, oui les Spurs sont loin d’être les plus soporifiques dans l’exercice du tanking (perdre un peu volontairement le plus de matchs possible), mais tout de même, on va dire les termes… je trouve ça un peu chiant, et là où je cherche depuis quelques semaines la force de me lever avant le soleil, ma condition de fan des Spurs n’agit pas comme un accélérateur.
Saut dans le temps, nous sommes… hier, nous sommes le 16 mai 2023.
Et en ce 16 mai 2023 j’ai compris que ma relation avec la NBA, avec les Spurs, était un vieux couple certes mais un couple solide. Car cette nuit les Spurs ont hérité du premier choix de la prochaine Draft, car cette nuit les Spurs ont donc donné rendez-vous à Victor Wembanyama. Car cette nuit, les Spurs viennent de me faire la promesse de quinze années supplémentaires de joie, de peine, de peur, d’excitation. quinze années de plus à être un fan. Ce n’est qu’une promesse mais c’est déjà fou.
Cette nuit j’ai vu un grand tunnel, une grande lumière blanche, et un très vieux monsieur dans la fumée. Cet homme c’était Gregg Popovich et il me souriait. Cette nuit je me suis refait 20 ans de souvenirs et aujourd’hui je me sens repartir pour 20 ans de plus. Je me sens revivre dans ma peau de fan, de fan des Spurs. Et être fan de quelque chose c’est beau, c’est bon. Cette nuit j’ai célébré l’ouverture d’une enveloppe comme un shoot marqué au buzzer d’un Game 7, rendez-vous compte de ce que cette condition de fan peut nous faire vivre. Cette nuit j’ai pensé à mes gars sûrs, de la première heure. J’ai pensé à ceux qui m’ont accompagné parfois sans les connaitre , car à plusieurs on est plus forts. J’ai pensé à VT, bougon mais essentiel à mes premières années sur les réseaux, j’ai pensé à VG, tu dates toi, j’ai pensé à JPN, je vois tes galères et te donnes ma force, j’ai pensé à toi BF, viens on rajoute un putain de F.
Quand on pense avoir fait le tour mieux vaut éviter de rester trop près du feu, car bien attisé sa vigueur aura vite fait de vous redonner… la flamme. Habile manière de te dire, San Antonio Spurs, que tu m’as bien eu, vieux frère, et que me voici fin prêt à repartir pour un tour à tes côtés. Merci Vic, merci la NBA, merci mes Spurs, viens on repart pour un tour.