Alonzo Mourning : Zo le kamikaze, Zo le survivant, Zo tout simplement
Le 08 févr. 2020 à 12:12 par Alexandre Martin
20 juin 2006. Les Mavericks reçoivent le Heat pour le Game 6 des Finales. Miami mène 3-2 dans la série et 77-72 dans le match à 9 minutes de la fin. Gary Payton monte la balle pour Miami. Il la donne à Dwyane Wade qui veut la lui redonner de suite mais ce bon Gary n’est pas sur le coup car il échange quelques amabilités avec Steve Javie, l’arbitre… Balle perdue. Tout va très vite. Jerry Stackhouse sert Jason Terry qui contourne James Posey et pense n’avoir plus qu’à déposer le cuir dans le cercle. Mais une masse de 110 kilos surgit. De nulle part. Et envoie la gonfle au dixième rang, atterrit dangereusement avant de célébrer, au sol, en se frappant férocement la poitrine. Du Alonzo Mourning dans le texte.
Revenons à l’origine de la séquence. L’ami Zo est en train de se positionner au poste bas, un certain Nowitzki est dans sa zone. Dès la perte de balle, le pivot du Heat entame son repli. Quand Stackhouse – l’ex nouveau Jordan – accélère et sert Jason Terry, Mourning se lance dans un gros sprint. Il est encore loin du ballon mais il sait. Il sait qu’il doit foncer pour revenir protéger SON cercle. Et le fait que Terry ait à éviter Posey, donne les quelques dixièmes de secondes nécessaires à Alonzo pour rattraper son retard, calquer ses appuis sur ceux de l’arrière des Mavs, qui est désormais comme pris dans les mailles d’un filet. Terry est lancé, en l’air il n’a plus qu’une option et l’un des meilleurs contreurs de tous les temps l’attend au tournant. Ce genre de situation ne peut pas trouver d’issue positive pour l’attaquant. Impossible. Balle qui vole au loin et lourde chute donc pour Zo car il est passé par-dessus Stackhouse dans le feu de l’action. C’est spectaculaire mais l’énergie et l’intensité proposées par Mourning le sont encore plus. Ah oui, petite précision : Zo a plus de 36 ans au moment des faits. Il revient de très loin (sur cette phase de jeu et dans sa carrière en général) mais son instinct défensif et sa mentalité de kamikaze sont intacts. Ils vont grandement contribuer à offrir au Heat le premier titre de son histoire, le seul d’Alonzo Mourning.
Oui, Alonzo Mourning revient de très loin en ce 20 juin 2006… Il a débarqué dans la Grande Ligue en 1992, drafté en deuxième position par les Hornets de Larry Johnson. Tout de suite, la NBA a fait connaissance avec ce pivot capable de dominer des deux côtés du terrain. La première saison de l’ami Zo ? 21 points, plus de 10 rebonds et 3,5 contres de moyenne. C’est très solide mais pas suffisant pour être élu Rookie de l’Année, titre qui est revenu logiquement au numéro 1 de cette Draft 1992, un certain Shaquille O’Neal. On vous laisse allez jeter un œil à la ligne de stats du gros Shaq pour son premier exercice avec le Magic. Dès sa deuxième saison, Alonzo a été en toute logique convoqué au All-Star Game. Les saisons en double-double s’enchaînent, les sélections pour le match des étoiles aussi. L’ambiance n’étant pas au beau fixe – avec Larry Johnson notamment – chez les Hornets, Zo sera transféré à Miami à l’été 1995. En Floride, il continue à envoyer du sale comme on dit. La vingtaine de points, la dizaine de rebonds et du contre à foison. Au bout de la saison 1998-99, il sera élu Défenseur de l’Année. Ses 3,9 contres de moyenne ont dû peser dans la tête des votants… Au bout de la saison 1999-00 : re-belote pour Alonzo qui rentre donc dans le club assez fermé des double DPOY d’affilée et s’affirme comme l’un des plus grands contreurs de tous les temps, un kamikaze qui va se retrouver sur quelques énormes posters mais que les joueurs adverses vont craindre plus que tout.
Après une saison 2001-02 encore bien sérieuse avec le Heat et alors qu’il n’a que 32 ans, Zo ne jouera pas un match sur 2002-03 à cause d’une grave maladie rénale dont il semble s’être remis à l’été 2003, à tel point que les Nets lui offrent un contrat sur quatre ans. Alonzo joue quelques matchs dans le New Jersey mais, victime de complications, il n’a d’autre choix que d’annoncer qu’il va se retirer des parquets. Nous sommes le 24 novembre 2003. La stupeur est totale dans le microcosme NBA. Comme le soulignera le New York Times, pas moins de 500 personnes vont proposer de donner un rein pour sauver Mourning ! Des fans, des amis notamment et aussi le grand Patrick Ewing – un ancien de Georgetown comme Alonzo – qui a toujours été proche du pivot du Heat malgré quelques affrontements bien tendus en Playoffs sur la fin des années 90 (Heat versus Knicks…). Sauf que malheureusement, il faut trouver un donneur compatible. Et cela va arriver le 25 novembre 2003 par le biais d’un cousin qui n’avait pas vu Alonzo depuis 25 ans ! Jason Cooper était venu rendre visite à la grand-mère d’Alonzo gravement malade. Il ne connaissait Zo qu’à travers les quelques matchs qu’il pouvait voir à la télévision. Présent le même jour, le père de Zo informa Cooper de la situation dans laquelle se trouvait son cousin. Cooper n’hésita pas : “Je suis O positif. S’il y a quelque chose que je peux faire, s’il te plait contacte-moi.” L’histoire raconte que quand Alonzo l’a appelé deux semaines plus tard – au moment du décès de sa grand-mère – Cooper lui a dit : “Je te rejoins à l’hôpital”. Des tests ont confirmé la compatibilité de Jason Cooper avec son cousin Alonzo Mourning et une transplantation eut lieu le 19 décembre 2003.
Le 3 novembre 2004, soit moins d’un an plus tard, Mourning retrouve les parquets ! Il sort du banc des Nets pour jouer 13 minutes dans une large défaite contre… le Heat. Mais l’essentiel est ailleurs : Alonzo est de retour sur les terrains ! Pour autant, les Nets vont l’envoyer chez les Raptors dans un échange le 17 décembre suivant. Ces mêmes Raptors vont le couper au mois de février 2005. Pendant quelques semaines on se dit que cette histoire de comeback est probablement trop belle pour être vraie. Jusqu’à ce que le Heat et Pat Riley n’entrent en jeu et proposent un contrat à Mourning le 1er mars 2005. Un contrat que Zo va accueillir avec la plus grande joie évidemment car Miami, c’est chez lui. Dès le 3 mars, il rentre sur le parquet avec un maillot Heat, seulement deux minutes mais le symbole est là. Alonzo participera à la plupart des matchs de Miami sur la régulière et à tous les matchs de Playoffs d’une campagne qui se finira en Finales de Conférence face aux Pistons. C’est ainsi que Monsieur Zo va remonter une pente sacrément raide. Sa volonté, son mental d’acier et son incroyable capacité à revenir à un haut niveau physique vont lui permettre de devenir le remplaçant parfait pour Shaquille O’Neal. C’est ainsi que Mourning va jouer 65 des 82 matchs du Heat sur la régulière 2005-06 dont 20 en tant que titulaire. C’est ainsi qu’il va devenir un gros facteur dans les Finales de 2006. Car dans cette série, la seule équipe qui dispose d’un vrai pivot défensif, c’est le Heat avec Alonzo ! Et il va le montrer tout au long des six matchs en étant le le meilleur contreur de la série avec une moyenne de 1,5 block par match. Précision : Zo n’a joué que 11 minutes par rencontre soit le quinzième temps de jeu parmi tous les joueurs de ces Finales.
Il ne lui faudra d’ailleurs que 14 minutes sur le parquet dans ce Game 6 pour apporter 8 points, 6 rebonds et CINQ contres ! Dont celui très important sur Jason Terry. Un survivant, toujours un kamikaze et surtout, toujours aussi crucial défensivement, le message est clair. En ce 20 juin 2006, Alonzo Mourning revient de très loin et valide un des plus grands comeback de l’histoire NBA. Le comeback d’un gars qui, comme il le dira lui-même lors de l’annonce de sa retraite officielle le 22 janvier 2009 :
“J’ai 38 ans et j’ai le sentiment que que physiquement j’ai fait tout ce que je pouvais pour ce sport.”
Seulement un mois après son départ en retraite, le Heat annonce qu’il va retirer le jersey au numéro 33 porté par Alonzo Mourning tout au long de sa carrière. Avec ce jersey sur ses larges épaules, il a tout donné, il a été cinq fois All-Star, deux fois Défenseur de l’Année et a distribué une grosse part de ses 2356 contres (onzième all-time). Depuis ce jour et pour toujours, ce maillot accroché au plafond du côté de South Beach honore parfaitement le lien sacré qui lie ce joueur à Miami et l’importance qu’il a eu pour la franchise.
Il n’a jamais été un joueur très flashy, à part quand il s’agissait de transformer le parquet du Madison Square Garden en ring de boxe. Il n’a qu’un seul et unique surnom mais il aurait pu en avoir 20 comme : le kamikaze, no entry, don’t come back, même pas peur, le survivant, Zo said no… Alonzo Mourning est “Zo”, tout simplement et il n’y a pas besoin de plus quand on sait ce qu’il y a derrière.