Analyse du transfert entre Kings et Blazers : Bazemore, Ariza, Tolliver, à qui l’avantage dans ce genre de deal ?
Le 19 janv. 2020 à 16:54 par Bastien Fontanieu
Ce samedi, en fin de soirée, Kings et Blazers se sont entendus pour réaliser un transfert incluant plusieurs joueurs et choix de Draft. Le genre de bordel qui peut impacter les franchises de manière conséquente, mais qu’est-ce qui a motivé cette décision ? Et qui va repartir avec l’avantage dans cette opération ?
Pour celles et ceux qui débarqueraient par ici après une grosse cuite, ou qui n’ont tout simplement pas checké l’actualité NBA ces 24 dernières heures, sachez que Sacramento et Portland ont donc réalisé un trade. Pas de Lillard ou de Fox dans l’affaire, ne vous inquiétez pas. Les joueurs inclus sont au nombre de 5, les picks de Draft sont au nombre de 2, et le tableau final est le suivant :
- Sacramento reçoit : Kent Bazemore, Anthony Tolliver et 2 futurs second tour de Draft
- Portland reçoit : Trevor Ariza, Caleb Swanigan et Wenyen Gabriel
Drôle de transfert pour de nombreux observateurs, à première vue, mais des motivations et des intentions qui sont aisément compréhensibles lorsqu’on décortique la chose. Pour ce faire, prenons les deux équipes et tentons de dessiner le paysage pré et pos-transfert.
# Sacramento
Soyons clairs. Le coup de poker Ariza n’a pas marché cet été, alors que l’enthousiasme était évident chez les fans des Kings au moment de sa signature. Vétéran respecté, considéré comme un des piliers des Rockets ayant été jusqu’en finale de conférence face aux Warriors en 2018, Trevor Ariza avait ensuite vécu un bad trip à Phoenix, puis Washington, avant de rejoindre les Kings. Immédiatement, on se frottait les mains dans la capitale californienne, en atteste ce fameux déplacement en Inde qui voyait Ariza rassembler ses coéquipiers en plein camp d’entraînement, persuadé qu’il devait hausser le ton pour montrer aux jeunes comment faire. Pas de Playoffs depuis l’âge de pierre à Sacramento, entre l’impact de Trevor dans le vestiaire et les phénomènes qui peuplent l’équipe de Luke Walton, ça devrait le faire. Hélas, aujourd’hui, une vidéo d’Ariza gueulant sur ses coéquipiers ressemblerait davantage à un troll qu’autre chose. Au bout du rouleau, impactant le jeu de manière fantomatique, Trevor n’a pas du tout eu l’effet espéré sur les Kings et le board de Californie était donc prêt à l’échanger, sachant parfaitement que son nom résonnerait dans de nombreux bureaux au sein de la Ligue. Caleb Swanigan et Wenyen Gabriel, clairement pas utilisés de manière régulière et importante, étaient eux aussi transférables et un package pouvait être composé.
Mais parler des joueurs uniquement et de manière isolée ne permet pas de parfaitement comprendre ce qui a motivé les Kings cette semaine. Il faut, évidemment, prendre un peu de recul et observer la situation d’un point de vue collectif. Depuis des mois, Sacramento n’a qu’une obsession en tête : retourner en Playoffs. Ce n’est pas arrivé depuis 2006, le désespoir est réel lorsque le printemps arrive, sauf depuis l’an passé où De’Aaron Fox et compagnie se sont calés à la 9ème place de la Conférence Ouest. Dans la suite logique de cette campagne prometteuse, Vlade Divac et ses associés ont décidé de renforcer leur effectif en espérant définitivement retourner en Playoffs. Et puis… patatrac. Blessures pour Fox et Marvin Bagley, négociations contractuelles avec Buddy Hield, affaires pénales autour de Luke Walton, impact limité des nouveaux signés comme mentionné plus haut, l’éclaircie entrevue au printemps 2019 disparaissait en un claquement de doigts… so Kings. Le bonheur dans cette désillusion ? Un putain de bouchon au sein de la Conférence Ouest, entre les places 7 et 14. Thunder, Grizzlies, Spurs, Suns, Pelicans, Blazers, Wolves et donc Kings vont se battre pour ces deux dernières places du Top 8. Ce qui pousse forcément certains à se défoncer encore plus, pour aller chercher un spot qualificatif en Playoffs. Les Kings n’ont donc pas vraiment hésité, voyant ce qu’il se passait à l’Ouest et dans leur vestiaire. En voyant ce que Portland proposait et ce dont ils avaient besoin, les copains de Sacramento se sont renforcés et ont ajouté deux vrais joueurs dans leur groupe.
Financièrement parlant, il est clair que ce sont les Kings qui se prennent la plus grosse part dans ce deal, entre les 19 millions de Bazemore et les 2 millions de Tolliver. Des contrats qui expireront cet été, et qui vont droit dans la ligne directrice de la franchise californienne. On veut tout faire pour retourner en Playoffs, quitte à augmenter notre masse salariale pendant une demi-saison. Ainsi, Kent et Anthony intégreront l’équipe de Walton dans les jours à venir et auront pour mission de faire ce que Ariza n’a pas vraiment géré avec Dewayne Dedmon, qui a publiquement demandé son transfert il y a quelques semaines : assurer un quotidien stable à Sacramento. Les Kings, qui sont sur 4 défaites de suite, jouent enfin rapidement ces derniers temps, et le duo Baze-Tolli s’ajustera sans problème dans ce système go-fast. Leur caractère et leur attitude devraient poser aucun problème, les deux hommes étant respectés et voulant eux aussi jouer au mois d’avril plutôt que de glander devant la téloche. On peut donc parler d’un transfert réussi pour le management de Sacramento, quand on connaît leur dynamique et la bataille qui va se jouer dans le bas de la Conférence Ouest. Maintenant, on sait comment ce trade pourrait devenir un énorme succès ou un vrai fail : si les Kings vont en Playoffs… ou pas.
# Portland
Réaction instantanée qui a été partagée par de nombreux observateurs, comment Portland peut lâcher deux joueurs de leur rotation en plein milieu de saison, pour un vétéran qui semble sur le déclin, et deux jeunes qui chercheront à obtenir quelques minutes dans les plans de Terry Stotts ? Avant toute chose, il faut comprendre ceci du côté des Blazers. Si Tolliver avait un impact réel dans le modèle smallball permettant à Portland d’espacer au maximum le terrain, Bazemore n’était pas forcément le 3 and D que la franchise de l’Oregon espérait récupérer en lâchant Evan Turner cet été. Bon slasher et joueur capable sur pick and roll, Kent n’a malheureusement pas été le plus régulier et efficace en attaque, shootant en-dessous de sa moyenne en carrière à distance (32%, tout comme Tolli qui lui aussi, en shootant à 34%, était sous sa moyenne en carrière). De plus, l’ailier a été testé dans différents moules, que ce soit en tant que titulaire ou en tant que remplaçant, et la mayonnaise n’a jamais semblé vraiment prendre. En défense, on a vu Bazemore prendre quelques grosses missions face à des attaquants de haut-niveau, mais on en est souvent venus à obtenir les mêmes résultats qu’offensivement : parfois bon, parfois juste moyen. Et le problème pour les Blazers, qui sont en ajustement depuis quelques mois (Whiteside pour prendre le spot de Jusuf Nurkic blessé, Melo récupéré en mi-saison, beaucoup de départs de cadres à la free agency), c’est que l’ami Kent n’a pas représenté la menace au shoot qui aurait pu offrir des espaces grandiose aux CJ McCollum et Damian Lillard du coin. Petit embouteillage qui a rendu l’ancien des Hawks disponible, sans oublier de mentionner l’aspect financier que l’on va développer tout de suite ci-dessous.
On ne va pas se mentir, les Blazers ont aussi réalisé ce transfert dans un but d’allègement monétaire. Bazemore, échangé contre Turner, touchait 19 millions de dollars et des poussières cette année, la dernière de son contrat. Tolliver, signé cet été au minimum, coûtait 2,5 millions de dollars. Sachant ce qui a été mentionné à l’instant concernant les deux joueurs et leur manque de réussite à trois-points cette saison, récupérer un vétéran capable de bien tirer et défendre intelligemment était ultra-tentant, c’est ensuite devenu primordial quand Portland a compris que le vétéran en question ne toucherait que 12 millions cette saison. Ajoutez à cela le contrat minimum de Gabriel et le deal rookie de Swanigan (moins de 4 millions en duo), et vous obtenez un package à environ 16 millions de dollars contre les 22 millions donnés à Bazemore et Tolliver. Pour une franchise qui a été dans le rouge ces dernières années suite aux contrats distribués aux joueurs sur place, effectuer ce type de réduction a toute son importance, tout en sachant les deals qui ont été signés par Lillard et McCollum cet été. La réduction de la luxury tax donne une vraie bouffée d’air frais pour les agents financiers de l’Oregon, ce qui peut faire grimacer les supporters de Kent et Anthony, mais on ne peut décemment prendre uniquement l’aspect sportif en compte dans ce type de transaction.
Maintenant, quel impact pour Portland, et qu’espérer pour la suite ? De la même manière que Sacramento, avec un peu plus d’avance dans la course grâce à un meilleur bilan, les Blazers veulent squatter le Top 8 de la Conférence Ouest et sont au beau milieu de cet embouteillage entre les places 7 et 14. Tout le monde veut s’armer pour le run de la deuxième partie de saison, et Terry Stotts ne veut clairement pas suivre une épique campagne de Playoffs 2019 avec… pas de Playoffs du tout. Du coup, le postulat est assez simple. La base Lillard – McCollum – Carmelo – Whiteside est en place, il y a encore des ajustements à faire entre eux sur le terrain, mais à ce quatuor on va ajouter un Trevor Ariza qui pourrait être le ciment liant tout le monde. Vivant naturellement sans le ballon, menaçant à distance (35% cette saison), Ariza représente le coéquipier idéal sur le papier, celui qui pourrait régler quelques problèmes connus par Portland sur ce début de saison, en défendant les gros adverses, en apportant son expérience, et en étant le facteur-X permettant aux Blazers de trouver leur vitesse de croisière. Mais on a bien dit idéal sur le papier, car vu ce qu’il a montré ces derniers mois, le Trevor actuel est loin du Trevor qu’on a connu à Houston. Le pari est clair dans l’Oregon, espérer qu’Ariza va retrouver la forme en intégrant un groupe sérieux et rempli de vétérans, utiliser ses qualités pour faire un gros run en deuxième partie de saison, compter sur Stotts pour le mettre dans de bonnes conditions, et aborder les Playoffs avec un 5 majeur au top. Si l’ailier se retrouve dans un tel cadre, l’idée est de recroiser celui qui cimentait notamment les Rockets d’il y a quelques années, alors que dans des franchises bancales comme Phoenix, Sacramento et Washington, on a plutôt croisé un flemmard voulant prendre son chèque. Swanigan, de retour à l’envoyeur, devrait obtenir du temps de jeu lui aussi en sortie de banc après avoir montré de belles choses en début de carrière à Portland, à voir pour Gabriel. Le banc de Portland devra trouver son rythme dès que possible compte tenu des mouvements récents.
Deux équipes qui veulent aller en Playoffs, deux équipes pas très contentes de leur recrutement estival, deux équipes qui espèrent créer un déclic en réalisant ce transfert. Kings et Blazers seront à suivre de très près dans les 4 prochains matchs, car le scénario est déjà écrit : si une de ces deux équipes va en Playoffs, on sait déjà qui sera applaudi pour avoir remporté ce deal.