Kawhi Leonard et les Raptors : il est venu, il a gagné , il est reparti, ça manque de pétales de rose sur le lit mais la vie continue
Le 26 déc. 2019 à 17:19 par Giovanni Marriette
Si la NBA est devenue depuis quelques années une Ligue où les désirs de victoire immédiate sont pour beaucoup plus importants qu’une quelconque appartenance à une quelconque franchise ou région, l’histoire d’amour express entre Kawhi Leonard et les Raptors est clairement représentative du tout pour la gagne. L’ancien joueur des Spurs voulait une bague de plus, quitte à passer pour une diva, mais il n’a rien promis à Toronto et un an plus tard le garçon a donc dit au revoir poliment à tout le monde et est reparti rouler sa bosse et poursuivre sa quête de succès, loin de toute considération affective. C’est comme ça, c’est la NBA en 2019, et il faudra s’y faire.
18 juillet 2018, le couperet tombe. Un an après le début de la friture sur la ligne entre le MVP des Finales 2014 et la franchise texane, Kawhi Leonard prend enfin la poudre d’escampette et est échangé à… Toronto. Les désirs de soleil et de Californie sont bien loin et à l’époque on s’amuse même à imaginer que Gregg Popovich a participé à envoyer son ancien poulain le plus loin possible de Los Angeles, histoire de lui apprendre de quel bois on se chauffe quand on chie sur l’institution Spurs. Ce qu’il faut également savoir ? Que les Raptors se sont eux-aussi assis sur toute forme de bienséance en larguant leur franchise player de longue date DeMar DeRozan sans même éprouver le besoin de le lui annoncer auparavant. T’es tranquillement en train de commander ton tacos douze steaks, ton téléphone se met à convulser et t’apprends que tu quittes ta franchise de toujours illico pesto rosso, bienvenue dans l’univers impitoyable du sport business… Le meilleur scoreur de l’histoire de la franchise canadienne emmène avec lui Jakob Poeltl et croisera à l’aéroport Kawhi et Danny Green, envoyés expressément dans le Grand Nord dans l’opération.
La suite ? Disons que tout va aller… très vite.
Kawhi Leonard à Toronto, c’est tout d’abord l’histoire d’un doute. Le doute d’un staff et d’une fan base envers une équipe qui fait clairement un pari en récupérant un mec dont l’état de santé reste mystérieux et qui la joue solo dans sa communication. Un oncle un peu envahissant, un faciès dont on a du mal à savoir s’il caractérise une sorte de poker face continuelle, un réel mal-être ou un véritable je m’en foutisme de tout ce qui se rapproche de cette fameuse bienséance “obligatoire” quand on est une personnalité publique. Voilà où on en est à l’été 2018, et on imagine aussi que les Spurs sont alors soulagés de s’être débarrassé de leur Castafiore tout en récupérant l’un des meilleurs attaquants du pays.
Les doutes sur la forme, l’envie ou les envies de The Klaw ne seront d’ailleurs pas levés tout de suite au Canada. On apprend à utiliser le mot load management à toutes les sauces, l’ailier aux dreadlocks ne joue pas les back-to-backs mais… Toronto détonne et cartonne grâce à Kawhi mais également à un Camerounais qui apprend vite. Neuf victoires consécutives pour débuter la saison, le meilleur ami de Pop qui commence à monter doucement en régime sans esquisser le moindre sourire, et on se dit alors, ici et ailleurs, que si le garçon joue un minimum et reste en bonne santé… ces Dinos risquent d’emmerder pas mal de monde. Kawhi Leonard bonifie tout ce qu’il touche, c’est désormais une certitude. Quelques milliers de kilomètres plus au sud, DeMar DeRozan est devenu un joueur altruiste mais ne daigne toujours pas shooter à plus de six mètres du cercle, une belle intégration au collectif texan mais sans commune mesure avec le step passé par Toronto, qui se place quasi immédiatement comme un contender pour… le titre NBA, rien que ça, d’autant plus que l’ombre imposante du botteur de culs de l’Ohio est désormais stationnée à l’Ouest, pour ne rien gâcher. Comme un bonheur n’arrive jamais seul ? We The North accueillera en février un certain… Marc Gasol, pièce parfaite pour compléter un puzzle qui ressemble de plus en plus à une image des joueurs de Toronto soulevant le trophée Larry O’Brien. Le soldat Valanciunas est sacrifié pour la cause mais on en parlait plus haut, aujourd’hui la quête d’une bague prend le pas sur les sentiments.
Bilan de la saison régulière ? 22 matchs de repos pour Kawhi, tranquille pépère, et un bilan de 58 wins pour les Raptors. Deuxièmes à l’Est derrière les Bucks, la prophétie est en marche. Le premier tour face au Magic sera une formalité malgré un Game 1 offert histoire de perpétuer la tradition, et dès les demi-finales de Conférence… le monstre Kawhi Leonard va actionner un levier de plus dans sa terrible panoplie de winner sanguinaire. Sa série face aux Sixers est monumentale (plus de 34 points de moyenne et une pointe à 45 dès le Game 1) et l’issue en sera mythique, avec un tir devenu iconique au buzzer du Game 7. Kawhi le savait mais c’est désormais toute une franchise, tout un pays qui le sait : le type est venu pour gagner, et il VA gagner. Les Bucks seront d’ailleurs balayés en six manches après deux premiers matchs à chercher la bonne formule et quatre autres à l’avoir trouvée avec pertes et fracas. Next step ? Les terribles Warriors mais plus rien ne semble impossible pour ce monstre de Kawhi, qui ne cache plus avec ses potes son ambition de terrasser la planète basket…
Les Finales seront légendaires de par leur scénario (blessures de Kevin Durant et Klay Thompson, Drake qui devient le masseur préféré de Nick Nurse, Fred VanVleet qui se transforme en… Steph Curry et, évidemment, le héros local qui monte encore d’un cran dans le leadership). Nous sommes le 14 juin 2019 et c’est désormais officiel, et ce pour la 25ème saison de l’histoire de la franchise : les Raptors ont mis fin au règne californien et Kawhi Leonard a réussi son pari en devenant de nouveau champion NBA et, bien sûr, MVP des Finales. Il n’a jamais fait aussi chaud au Canada depuis Roch Voisine en tête du Top 50, mais le contrat était connu d’avance, il va désormais falloir décuver – tous sauf Marc Gasol, encore bourré à l’heure de ces lignes – et tenter de draguer le demi-dieu afin qu’il prolonge l’aventure avec les Dinos.
Sauf que Kawhi est ce qu’il est, et qu’il ne changera sans doute jamais.
Rapidement on apprend qu’entre les performances dantesques… le joueur et son entourage ont entamé depuis longtemps les tractations avec à peu près tout ce qui ressemble à un contender évoluant dans un gros marché. Kawhi veut continuer de gagner mais il veut désormais le faire sous les spotlights, évolution logique d’une carrière qui le mènera peut-être un jour à New York, puis Brooklyn, puis Chicago pour gagner son douzième titre. Très vite Los Angeles apparaît de nouveau comme la destination privilégiée de Monsieur, et très vite le couperet tombera, à nouveau, pour des Raptors rejoignant ainsi les Spurs dans le tiroir des femmes aimées puis abandonnées sans un regard. Le 6 juillet 2019, soit moins d’un an après son arrivée, Kawhi Leonard reprend donc une valise qu’il aura à peine eu le temps d’ouvrir et file direction les Clippers en emmenant avec lui… Paul George, dont on apprendra très vite que la venue était l’une des conditions sine qua non pour que Sieur Kawhi accepte l’offre de Steve Ballmer et son staff de cravates. Rebelote, le peuple canadien n’a que ses yeux pour pleurer mais ne peut cette fois-ci pas en vouloir à son héros, lui qui a offert en quelques mois seulement la plus belle page de l’histoire de la franchise.
Il est comme ça Kawhi. Il sort en boîte, il compare les nanas, en choisit une, lui fait un merveilleux enfant et lui laisse le bénéfice de l’héritage pour migrer vers des contrées plus lucratives. Sans jamais rien promettre semble-t-il, mais tout simplement en poursuivant son but de sportif professionnel, gagner par tous les moyens. Le procédé est discutable, vide de tout amour propre, mais finalement terriblement efficace. Kawhi vient, il gagne, il part, il gagne et il repart. La seule chose à faire avec ce bandit des temps modernes ? Ne surtout pas s’attacher, car certains ne s’en sont toujours pas remis.