Joe Harris s’installe comme titulaire cette saison : efficace et pas cher, c’est le barbu qu’on préfère à Brooklyn
Le 29 nov. 2018 à 19:39 par Victor Pourcher
La barbe s’est allongée, les minutes aussi. Et Joe Harris sait les utiliser. Après avoir bien vagabondé entre la NBA et la G League ces dernières années, il a finalement trouvé un pied-à-terre à Brooklyn. Du vagabond, il n’a gardé que le style et cette saison, c’est même dans le cinq majeur qu’il s’est installé. Allez Joe, déballe tes affaires, on s’occupe de regarder les photos souvenirs.
Joe Harris est tout aussi loin d’être une superstar que les Brooklyn Nets d’être une superteam. Joe Harris n’est pas arrivé très jeune et très fort en NBA. Il ne fracassait pas les cercles à la fac ou ne lâchait pas des bombes du milieu de terrain. Joe Harris est sage, sérieux et on est presque sûr qu’il aide les grand-mères à traverser dans New York. Tout ça pour vous dire que ce n’est pas le genre de joueur sur lequel on s’attarde dans la Ligue, en tout cas pas assez. Mais à force de persévérance, Joe Harris s’est affirmé jusqu’à devenir titulaire aux Nets. Alors ok ça ne vous impressionne pas plus que ça et c’est peut-être un détail pour vous, mais pour lui ça veut dire beaucoup. Parce que l’ancien de l’Université de Virginie vient de loin, du début du second tour de la Draft 2014 plus précisément, choisi par Cleveland pour… Bah on ne sait pas trop, pas pour jouer beaucoup visiblement : pas de place en poste 2 derrière Dion Waiters puis Gérard et Iman Shumpert, encore moins au poste 3 complètement bouché par The King. Des statistiques faméliques pour sa première année en NBA, une cinquantaine d’apparitions pour 9 minutes de temps de jeu moyen. Surtout, des allers-retours incessants avec la G League et une disparition totale pendant les Playoffs 2015 lors desquels il n’apparaît qu’à six reprises. Et on dit “apparaît” pour être sympa, parce qu’avec 2,7 minutes de moyenne, autant dire qu’il a juste eu le temps de dire coucou à la caméra pour ses parents avant de repartir. Rookie life, pourrait-on dire. La saison suivante débute de la même façon puis, juste après la galette du Roi (il ne peut y en avoir qu’un à Cleveland), les Cavs l’échangent avec 15 centimes et un chewing-gum (du cash et un second tour protégé qui ne sera pas transmis) contre un vieux réglisse (un second tour 2020 protégé). On est à deux doigts du manque de respect. On aurait aimé vous dire qu’il atterrit à Orlando aux côtés de Victor Oladipo, mais en fait le Magic lui épargne le voyage et le coupe immédiatement. Six mois de chômage puis Brooklyn, let’s go.
Bon ok, les Nets d’il y deux ans, c’était pas non plus le Club Med : la moitié du roster n’avait pas quatre ans d’expérience dans la Ligue, Brook Lopez essayait de faire semblant d’être un franchise player et Jeremy Lin continuait son long combat contre son corps et la poisse. Une faible défense pour une attaque cataclysmique et personne dans la salle : 20 victoires pour 62 défaites, allez hop, 15ème de l’Est. Mais ça, ce n’est pas le problème de Joe. Au moins, il joue et il profite bien de ses minutes : 52 matchs dont quelques titularisations pour sa première saison, 8,2 points, 2,8 rebonds et 1 passe en 22 minutes de moyenne. On ne parle pas de la révélation statistique de la décennie, bien sûr, mais pour moins d’1 million de dollars par an, c’est-à-dire un peu d’argent de poche pour cette Ligue, la production est très honnête. Car avant de parler du joueur en lui-même, voilà une caractéristique de Joe Harris : il est rentable, vraiment, si bien qu’il commence à frapper à la porte du Trophée Joe Ingles du meilleur contrat de cette saison. Un passage à 25 minutes par rencontre en 2017-18 et les 10,8 points, 3,3 rebonds et 1,6 passe de moyenne révèlent un shooteur à trois-points extrêmement fiable (42 % de loin sur la saison !), un défenseur sérieux et un gars qui fait les efforts sans jamais broncher. De quoi lever, en plus, une petite hype autour d’un joueur qui a le physique de ton pote hipster, caché entre sa barbe et son bonnet, qui te parle à chaque fois du même artiste electro inconnu. Et cet été, quand Joe Harris, étant agent-libre, a re-signé un contrat de 16 millions sur deux ans (toujours pas très cher au vu du marché) aux Nets, vous, fans de Brooklyn et de l’ailier, vous êtes dits plein d’inquiétude : “Se révéler c’est bien, maintenant il faut confirmer.” Eh bien sachez que Joe boit vos paroles et la concurrence, peut-être même sans changer de verre. Désormais dans le cinq majeur, il avoisine les 30 minutes pour 12,9 points, 3,4 rebonds et 2,2 assists à 44% du parking ! Dans la défaite contre les Warriors en début de mois, il s’est même permis de poser 24 points en 21 minutes, histoire de soigner les stats face aux champions en titre. Si vous cherchez une des raisons du relativement bon début de saison des Nets (8-14 et dixièmes de l’Est), en voilà peut-être une. Dans une équipe où le collectif est mis en avant, encore plus depuis la blessure du nouveau leader d’attaque Caris LeVert, Joe Harris est un de ces lieutenants et role player qui font tourner la machine sans faire de bruit et que peu voient progresser. Au final, cette équipe de Brooklyn ressemble dans le caractère à son ailier : pas très impressionnante, certes, du talent sans que ça déborde, accrocheuse et appliquée peu importe l’adversaire.
Les superstars, c’est sympa. Ça balance des statistiques venues d’un autre monde, ça fait rêver les fans et ça nous pousse à gueuler devant un écran à 4 heures du mat’. Mais on a tous ce petit joueur que l’on voit progresser, galérer, tomber et se relever. Joe Harris est l’un d’eux : il ne dunk pas fort, il ne cross pas grand-monde et il joue aux Nets. Par contre, il a la main chaude et, avec ses potes, il commence à sortir Brooklyn d’un tunnel dont on ne voyait plus la fin.