Jason Kidd au Hall of Fame : un magicien des parquets, tout simplement l’un des meilleurs de tous les temps

Le 07 sept. 2018 à 07:03 par Aymeric Saint-Leger

Jason Kidd
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À l’occasion de l’intronisation au Naismith Memorial Hall of Fame cuvée 2018, il est temps de rendre hommage aux heureux lauréats de cette année. Parmi eux, Jason Kidd est l’un de ceux qui a le plus marqué l’histoire de la Grande Ligue. Joueur ultra-complet malgré un physique qui peut ne pas paraître incroyable (1m93 pour moins de 100 kilos), il incarne le basket comme on l’aime, l’organisation, la pureté, le sens du jeu, un QI énorme, un joueur all-around. Il est temps de rendre hommage à Tonton Jason, en regardant dans le miroir vers son énorme carrière de basketteur.

UN TALENT INOUÏ DES LE PLUS JEUNE AGE

Le petit Jason Frederick Kidd est né le 23 mars 1973 à San Francisco. Le jeune Californien a grandi à Oakland, proche de Gary Payton, celui qui prononcera son discours de présentation ce soir lors de la cérémonie du Hall of Fame. Le petit Jason adore le sport dès petit, mais son premier amour, c’est le football. Une discipline qu’il débute avec ses copains à l’école, qu’il pratiquera jusqu’en quatrième. Le basketball, il l’a attaqué un peu par hasard, lorsqu’il était en CM1. Le professeur de CM2 arrive dans la classe de Kidd, et demande si certains veulent venir renforcer l’équipe de l’école. Il ne dit rien, mais son meilleur ami de l’époque lève la main pour y aller. Jason Kidd suit donc son ami et commence à jouer avec la balle orange. Pendant quatre années, il cumulera les deux sports, et finira, de par son talent sur le parquet, et grâce au fait qu’il s’entendait mieux avec ses collègues du gymnase que du terrain de foot, par choisir le sport inventé par un certain James Naismith. Le talent est déjà là, mais le déclic va venir d’une rencontre avec un habitant du quartier, qui a cinq ans de plus que lui, qui joue à Oregon State. Un certain Gary Payton. The Glove était à Oregon State, alors que J-Kidd n’était qu’entre le collège et le lycée. Papa s’arrêtait pour voir jouer les jeunes, et a commencé à discuter avec le jeune blanc-bec. Le père de Gary encourage Kidd à aller jouer avec GP et ses collègues, pour apprendre le jeu, et progresser avec des plus grands. Le petit Jason suit alors de partout celui qui le considère comme son petit frère. Il joue contre des plus grands en permanence, est surclassé dans toutes les catégories, jusqu’à son entrée au lycée de St. Joseph Notre Dame à Alameda, où il va devenir LA  star, le leader de son équipe, un rôle qu’il assume totalement.

La machine se lance alors comme une évidence. Deux titres d’Etat consécutifs, et une saison senior exceptionnelle : 25 points, 10 passes, 7 rebonds et 7 interceptions par rencontre. Il remporte tous les honneurs individuels dans cette saison 1991-92 : meilleur joueur de Californie, nommé meilleur joueur de l’année par Parade et USA Today, le prix Naismith pour le meilleur lycéen du pays, et devient pour la deuxième année consécutive un McDonald’s All-American. Un des top prospects qui s’apprête à entrer à la fac, ça attire des badauds : Arizona, Kentucky, Ohio State, Kansas… Mais Jason Kidd ne choisit aucun de ces programmes prestigieux. Non, au lieu de cela, il préfère rester proche de chez lui, avec ses amis et parents, et va à la non moins prestigieuse Université de Californie, à Berkeley. Cette dernière avait, à cette époque, de moins bons résultats que les facs de l’élite. Pourtant, avec l’arrivée du meneur, les Golden Bears vont au tournoi NCAA, et se font sortir par Kansas au Sweet 16, après avoir éliminé Duke, double tenant du titre. Ses statistiques sont bonnes lors de sa saison freshman, mais elles le sont encore plus lors de son année sophomore : 16,7 points, 6,9 rebonds, 9,1 assists et 3,1 steals par rencontre. De quoi ramener son équipe au tournoi NCAA, qui en sera sortie dès le premier tour par la fac de Wisconsin-Green Bay. Déception pour celui qui avait une bonne touffe de cheveux à l’époque, qui se consolera avec une élection dans la First Team All-American. Le meilleur joueur de la Pac-10 Conférence en 1993-94, c’est lui. Il verra d’ailleurs son maillot retiré par Cal dix ans après. Juste à la suite de cette élimination, tant pis, Tonton Jason ne gagnera jamais le trophée NCAA, il se lance et prend la décision de se présenter à la Draft NBA à l’été 1994.

UNE CARRIÈRE EXCEPTIONNELLE, UNE LONGÉVITÉ INCROYABLE

The Engine, bien que n’ayant fait que deux ans à la fac, fait partie des plus gros prospects de sa cuvée. Il est ainsi choisi en deuxième position par les Dallas Mavericks, juste derrière Glenn Robinson et devant Grant Hill. NBA-ready ou pas ? Si certains avaient peur que le physique ne suive pas, c’est qu’ils n’ont pas bien regardé la bête. Certes, le meneur ne fait qu’un mètre 93, mais il est déjà bien solide pour un rookie. Avec ses 97 kilos à son arrivée dans la Ligue, le contact ne l’effraye pas. Cela donne une première saison très correcte, à 11,7 points, 5,4 rebonds et 7,7 assists de moyenne, en déjà 33,8 minutes de temps de jeu par soirée. Il affiche déjà une belle régularité, ce qui lui vaudra le titre de co-rookie de l’année, qu’il partagera avec un certain Mister Nice Guy. La NBA découvre alors peu à peu la science du jeu, le QI basket de Jason Kidd, qui a des yeux partout et la tête bien sur les épaules pour un jeunot. Sa deuxième saison dans le Texas est superbe, puisqu’il augmente ses statistiques de cinq points, un rebond et demi, et deux passes. Cela lui vaudra la première de ses dix nominations au All-Star Game, à seulement 22 ans. The Kidd est encore un jeune premier ultra-athlétique, un meneur qui peut bénéficier de son physique. Il est à la fois rapide, puissant, explosif, précis et altruiste. Le numéro 5 fait déjà des ravages avec sa vision de jeu, son ball handling parfait, sa vitesse en montée de balle. Mais J-Kidd n’est pas qu’un attaquant. Capable de défendre sur les postes 1, 2 voire 3 selon les cas, c’est un pitbull, dur sur l’homme, qui fait les efforts au box-out et au rebond. Malin comme tout, faire des interceptions, c’est son dada. Il pouvait même poser une ou deux petites bâches avec un timing sympa. Malheureusement, même s’il progresse vite, les résultats ne sont pas au rendez-vous à Dallas, et il ne connaît pas la postseason avec sa première franchise.

Jason est ainsi transféré vers Phoenix au milieu de la saison 1996-97. Il restera quatre saisons et demie chez les Cactus, où on le responsabilisera vraiment, puisqu’il ne jouera pas moins de 38 minutes de moyenne. C’est chez les Suns qu’il tapera ses deux seules saisons de moyenne en double-double, et où il va devenir une machine statistique. C’est à partir de cette époque, autour de ses 25 ans, qu’il commencera peu à peu à prendre le surnom de Mr Triple Double. Il sera trois fois All-Star dans l’Arizona, sauf en 1998-99, lors de l’épisode du lock-out. Il goûte enfin aux Playoffs, à cinq reprises. Les Soleils se feront sortir à quatre reprises au premier tour, et une fois en Demi-Finale de Conférence. Coaché par Danny Ainge, il grandit dans la Ligue, et voit débarquer dans le même roster un autre des plus grands meneurs de l’histoire, Steve Nash. Il commence à glaner de nombreux titres de meilleur passeur en saison, récompense qu’il obtiendra à cinq reprises. Malgré des coéquipiers aux noms ronflants, comme Kevin Johnson, Antonio McDyess, Shawn Marion ou encore Clifford Robinson, Jason Kidd reste loin du titre suprême, le trophée Larry O’Brien. C’est ce qui va le conduire vers une troisième franchise, les New Jersey Nets.

Pendant six saisons et demie, tout le New Jersey va avoir droit au prime de J-Kidd. Il est le franchise player des Nets, et va assumer ce rôle de la meilleure façon possible. L’équipe est faible, mais il porte tout le monde sur ses larges épaules, ce qui lui offrira pas moins de cinq sélections au match des étoiles pendant cette période. Sa saison 2002-03 restera sa plus prolifique au scoring, avec 18,7 points de moyenne. Son passage dans cette franchise marquera l’essor de cette dernière, sa meilleure période. En effet, dès son arrivée, les Nets vont disputer les Finales NBA 2002. Ils seront sweepés par les Lakers d’un Kobe Bryant intraitable. The Engine n’abandonne pas, et emmènera ses copains jusqu’à la première place de l’Est. Il les ramènera même jusqu’au titre de la Conférence la saison 2002-03, mais butera sur les Spurs sans démériter, le squad coaché par Byron Scott s’inclinant définitivement au Game 6. C’était clairement les meilleures années de Mr Triple Double, qui finira quand même avec 107 unités au compteur, soit le troisième meilleur total de tous les temps, en attendant un certain Russell Westbrook qui devrait le dépasser sous peu. Ce qu’on peut également retenir du passage de celui qui a perdu ses cheveux dans le New Jersey, c’est son association avec Kenyon Martin, qui nous offrira quelques uns des plus beaux alley-oops de ces années-là. Malgré des qualifications en Playoffs à répétition, la franchise qui sera délocalisée à Brooklyn par la suite ne reverra pas les Finales de Conférence. C’est ainsi qu’à 34 ans, en 2008, Jason Kidd retourne à Dallas pour, pense-t-on, finir sa carrière et boucler la boucle.

Sauf que The Engine a encore de l’essence dans le moteur. Et ouais, faudrait pas oublier que Tonton Jason est cinquième au classement du plus de minutes disputées en carrières, avec 50 116 ! Il jouera ainsi quatre saisons et demi supplémentaires à Dallas, où ses statistiques décroissent peu à peu. Mais papy fait de la résistance, et obtient sa dernière sélection All-Star aux côtés de Dirk Nowitzki en 2010, à l’âge de 36 ans. Son influence sur le terrain ne s’atténue que très peu, et s’il n’y a plus un poil sur le caillou de J-Kidd, le cerveau est toujours là. En mode mentor, gestionnaire, et plus shooteur qu’en début de carrière, il est un élément essentiel des Mavericks, et fait partie de la belle aventure de 2010-11, lors de laquelle il jouera 80 rencontres, en titulaire s’il vous plaît. Loin d’être un ring chaser, il remportera enfin sa bague à 37 ans sous les ordres de Rick Carlisle, une consécration pour celui qui aurait pu faire partie des monstres sans bague. Lors de sa dernière saison dans le Texas, il se blesse plus et ne prend part qu’à 48 oppositions sur les 66 possibles. On sent que Mr Triple Double est au bout du roulax, mais la passion du jeu l’anime encore. C’est ainsi qu’au lieu de prendre sa retraite à l’été 2012, il signe un improbable contrat de trois ans avec les Knicks, le tout à 38 ans. Il n’honorera qu’une année de son contrat à New York, que certains qualifieront de trop, même s’il a eu la chance d’aller disputer une dernière fois les joutes printanières, qui s’arrêteront en Demi-Finale de Conférence pour NY. L’essentiel est ailleurs, Jason Kidd achève sa carrière longue de 19 saisons à l’été 2013. Sauf qu’il reste un amoureux de la balle orange, et ne prend pas ses distances avec la Grande Ligue, bien au contraire.

Un QI basket énorme, une logique reconversion dans le coaching

Lorsque l’on est deuxième meilleur passeur de l’histoire avec 12 091 unités, et deuxième intercepteur all-time avec 2 684 prises, on a forcément un petit peu d’intelligence de jeu. Un fort joueur, très malin, un patron sur le terrain, ne fait pas forcément un grand coach, nous sommes d’accord. Dans le cas de J-Kidd, des preuves restent encore à faire.  C’est sûr que s’il est sur le point d’être intronisé au Hall of Fame cuvée 2018 pour sa carrière de joueur, il n’est pas prêt de l’être en tant qu’entraîneur. Mais sait-on jamais, cela pourrait arriver à l’avenir. Ses premières années au coaching ont été correctes, même si actuellement au chômage, il souhaite prendre en main les Warriors (en 2035 peut-être). The Engine a carburé, puisqu’à l’été 2013, il arrête sa carrière sur les parquets, et passe directement sur le banc de Brooklyn en tant que head coach. Avec Pierce, Garnett, Terry, Deron Williams et Brook Lopez, l’effectif se hisse jusqu’en Demi-Finales de Conférence, stoppé par les Heatles. L’année suivante, il prend les commandes des Bucks aux côtés du GM John Hammond. Un core de jeunes à développer, une jolie mission pour Jason Kidd, surtout que les résultats de la saison précédente de Milwaukee (15 wins – 67 losses) n’ont rien d’enviable. Il ramène le bilan à 50% dès son premier exercice, et va jouer un tour de Playoffs avec les jeunes Daims. Il atteindra ce stade par deux fois, et tiendra pendant trois saisons et demie (ouais, le bonhomme aime bien les virgule 5, cela lui rappelle sans doute son numéro mythique). Limogé en milieu de saison dernière, il sera regretté de Giannis Antetokounmpo, et ne devrait pas coacher lors de l’exercice 2018-19 en NBA. Nul doute qu’on l’apercevra à nouveau sur un banc en costard dans les prochaines années, le bougre est assez intelligent pour arriver à faire son trou.

Passeur spectaculaire, malin intercepteur, petit tank à la longévité impressionnante, iron-man, leader, les mots ne manquent pas pour décrire ce qu’était Jason Kidd sur un parquet. De sa plus tendre enfance jusqu’à ses 39 ans, il fut un joueur talentueux, collectif, altruiste, intelligent, physique, agréable à voir jouer. Comme Steve Nash de la cuvée 2018 du Hall of Fame, il est et restera un des plus grands meneurs de tous les temps, et sera introduit par son mentor et ami, Gary Payton, au temple de la renommée du basketball. On ne peut que s’incliner devant l’immense carrière et l’énorme bonhomme qu’est J-Kidd, et rendre hommage à tout ce qu’il a apporte à la NBA, aux fans, et aux générations futures. Merci Tonton Jason.

Sources texte : Basketball Reference, Youtube / NBA Got Game TV