Quai 54 – Bilan de l’édition 2018 : si la transition ne plaît pas à tout le monde, elle fait bien son bout de chemin
Le 10 juil. 2018 à 05:48 par Bastien Fontanieu
Samedi et dimanche, TrashTalk était au Quai 54 édition 2018 pour prendre part au plus gros événement streetball de l’été sur Paris. Et parce que c’est devenu une coutume sur ce site, un petit bilan s’impose à tête reposée pour résumer ce weekend et aborder sereinement l’année prochaine.
Le scénario, pour ceux qui l’auraient zappé, n’avait pas changé pour cette nouvelle édition. Retour sur la Pelouse de Reuilly à Paris, retour sur un tournoi mélangeant joueurs pros et amateurs, retour des animateurs connus par les habitués du Quai 54, il était davantage question de continuité que de bouleversement pour cette session 2018. Il faut dire qu’après les échauffourées de 2015 à la Concorde, l’annulation imprévue de 2016 et la finale non-terminée en 2017, c’était assez compréhensible. Compréhensible et malin de la part des organisateurs. Objectif ? Voir ce que cela peut donner, quand tous les feux sont enfin au vert, et assumer une transition qui se fait petit à petit, année après année. Voici donc, en quelques points appréciables comme améliorables, le bilan de ce Quai 54 édition 2018.
Rappel : ce papier a pour but de pousser les idées plus loin et
créer un débat sain autour de ce bel événement, pas taper pour taper…
# Compétition
Si on reviendra un peu plus bas sur l’identité ‘pure’ du Quai 54 qui taquine certains anciens, difficile de faire les fines bouches ou les grandes gueules concernant le niveau de compétition de ce weekend. On en parlait déjà pour l’édition 2017, ça joue dur et ça joue street, comme on aime. De l’intensité à tous les étages, du jeu physique, du trashtalking et des équipes déterminées à remporter le tournoi, impossible de quitter le Quai en se disant que certains mecs ont traîné des pieds ou joué peinards. Bonus très appréciable, le challenge attire aujourd’hui de plus en plus de poids lourds du circuit pro qui jouent le jeu à 100%. L’an passé, Evan Fournier avait ouvert les portes en étant un joueur de NBA acceptant de se frotter sur le bitume parisien pour la plus grande peur de sa franchise, on a remis ça avec Bismack Biyombo cette année (et Boris Diaw notamment). Et autant vous dire que le Congolais s’est défoncé des deux côtés du terrain, montant au contre et au alley-oop avec détermination pour parfois finir sur le cul en plein milieu des spectateurs. Assister à ça, c’est bonheur pour n’importe quel fan de basket qui se respecte. Surtout quand des joueurs moins connus lui rentrent dedans de l’autre côté.
# Cadre
Bis repetita, on est retourné sur la Pelouse de Reuilly pour un back-to-back très appréciable. Deux points qui reviennent en tête en ayant discuté avec des gens de la communauté : l’absence de véritable coin d’ombre pour éviter que les gens crament en dehors des gradins, et des buvettes parfois en rupture de stock de boissons alors qu’on est sur un des weekends les plus chauds de l’année. Sinon, rien à redire puisque le cadre est vraiment canon pour vivre l’événement intensément. Quelques arbres pour décorer le tout, des transports à disposition dès qu’on sort du Quai 54, il aurait peut-être pu y avoir davantage d’indications pour signaler où se situait l’event car on en a vu certains finir paumés dans l’immensité du parc. Mais avec l’ambiance audible à 8 kilomètres, il fallait vraiment faire exprès (ou tomber sur la mauvaise porte d’entrée) pour galérer à entrer. Bonus très cool pour cette année, un plus grand shop Jordan avec des ventilos, qui permettait à pas mal de monde de tester des paires de pompes comme des fringues aux couleurs du Quai 54 (le rose-vert était particulièrement lourd) quand on voulait faire une pause relaxante entre deux matchs. Si vous ajoutez à cela une sécurité qui a été clairement renforcée depuis le fiasco de 2015, vous vous retrouvez dans un endroit assez bien géré par l’orga de l’événement. Conclusion : après avoir bougé en 2014 et 2015, le Quai a peut-être trouvé son nouveau nid en 2017 et 2018. Et c’est pas plus mal ainsi.
# Tarification
C’est là qu’on en vient au point le plus… sensible de cette édition 2018 du Quai 54, un point qu’on développera encore plus ci-dessous mais qui doit être discuté ensemble. Déjà parce qu’on l’a fait sur place avec des copains avec qui on a pu parler en direct, mais ensuite parce que c’est le sujet qui a fait le plus polémique sur les réseaux. Installons les bases d’entrée, pour ne pas tourner autour du pot pendant 800 ans : les 90 euros nécessaires pour assister au weekend complet (ou 40-50 la journée) ont refroidi pas mal de curieux qui auraient aimé prendre part à l’événement, et c’est compréhensible. Entre le tarif lui-même et l’augmentation de celui-ci au fil des années, les gradins l’ont senti puisqu’on pouvait difficilement utiliser le terme ‘complet‘ sur le samedi ou le dimanche. Mais plus encore, il y a une véritable scission qui s’opère au sein de la population basket. D’un côté ceux qui regrettent et ont vécu les éditions gratuites, et de l’autre ceux qui acceptent et justifient les éditions payantes. C’est un fait.
Et on en parlera davantage dans le point suivant, mais voici l’affirmation qu’on souhaite poser immédiatement afin d’obtenir une réponse claire et précise de la part de chaque lecteur. Pour observer des joueurs pros (Biyombo, Albicy, Diaw) et amateurs de qualité ainsi que des dunkeurs de renommée mondiale (Guy Dupuy) se défoncer sur un vrai gros tournoi de basket, joliment décoré, dans un cadre très sécurisé, avec de quoi boire ou manger, du bon son, de quoi tester des fringues, et être au premier rang pour voir des artistes comme Young Thug ou 2Chainz se donner pendant 40 bonnes minutes en live, quel prix mettriez-vous, à chaud ? Certes, il y a eu des éditions gratuites qui ont offert autant de spectacle et cette hausse de la tarification a de quoi bousculer les anciens, mais cette question doit être posée. Car on n’organise pas un tel événement pour peanuts… sauf si on veut se retrouver dans le bordel de 2015 à la Concorde. Qui, si elle était gratuite, fût une édition cauchemardesque pour les organisateurs. Maintenant, est-ce que le tarif est devenu trop élevé et doit être revu à la baisse pour le bien du Quai 54 ? Peut-être bien. Mais affirmer ceci sans avoir idée des coûts que tout cela représente relève davantage de l’enfantillage que du sérieux. Venons-en au dernier point.
# Identité
Si on a souhaité utiliser le mot ‘transition’ dans le titre de cet article, ce n’est pas au hasard. Le Quai 54 vit bien une véritable transition depuis quelques années, qui fâche peut-être certains mais doit être acceptée avec le temps. Non, nous ne sommes plus à l’époque de Porte Dorée. Ce n’est plus ‘le Quai d’avant‘ comme on a pu le dire et l’entendre. Les die-hard basketteurs qui venaient suer en bord de terrain pour gueuler sur chaque possession et apprécier la crème de la balle orange en se pointant entre puristes ont laissé place à d’autres spectateurs. Et donc une autre identité. Baisse d’ambiance, hausse du tarif, généralement ces choses vont de paire. Mais est-ce une mauvaise chose en soi ? Doit-on rester attachés au modèle ancien, coûte que coûte ? Et surtout, est-ce que le Quai 54 aurait pu continuer à vivre en restant dans cette utopie d’une gratuité open-bar ? Difficile à dire. Quand on veut faire davantage, cela demande davantage.
Ce qui est sûr, c’est que depuis peu l’événement vit une vraie transformation, et qui a du mal à passer chez la plupart des observateurs. Sachez qu’on ne se sépare pas du lot, puisque nous avions nous-même cet avis fâcheux encore récemment. Jusqu’à comprendre et accepter que le Quai d’avant n’est pas le Quai d’aujourd’hui, qu’il a toujours un basket de grande qualité mais que son cadre a changé. On résumerait donc la chose ainsi. Si la tarification peut en effrayer certains, et qu’elle sera encore le sujet de nombreuses discussions, nombreux sont les spectateurs avec qui nous avons pu discuter ce weekend et sont repartis contents du Quai 54. Pas floués, pas désabusés, pas avec un sentiment d’insécurité ou de malaise. Juste contents, en ayant vu du bon basket et de bons concerts, un bon concours de dunks et un beau moment en hommage à la street culture. Est-ce qu’on aimerait voir plus d’ambiance et de monde ? Oui, et nul ne doute que l’avis doit être partagé par pas mal de monde. Mais peut-être que cela reviendra… ou pas, en tout cas la transition continuera.
Après avoir bougé et encore bougé ces dernières années, le Quai 54 a décidé de se poser sur la Pelouse de Reuilly et c’était le bon choix. Avec un tournoi de grande qualité et du beau jeu devant du beau monde, il faisait aussi chaud sur le parquet que dans les gradins. Pour un tarif considéré trop cher ? Forcément, si on se souvient des éditions antérieures. Mais pas vraiment, si on voit ce qui est proposé tout au long du weekend. Le Quai avance, change, bouge, grandit, comme depuis des années : on sera là pour voir les nouveautés l’an prochain, avec une pensée évidente pour les anciens.