“Dunker pour ne pas mourir” : un documentaire sur Kadour Ziani, ou comment s’élever grâce au dunk
Le 02 mars 2018 à 15:31 par Aymeric Saint-Leger
“Dunker pour ne pas mourir”, c’est la success story à la française. Réalisé par Nicolas de Virieu, pour le compte de L’Equipe Explore, ce documentaire revient sur le parcours de Kadour Ziani, légende et leader de la Slam Nation. Retour sur ce petit bijou, l’histoire d’un jeune homme pour qui le dunk a été une porte de sortie, un moyen de s’élever, bien plus haut qu’au-dessus de l’arceau.
Nicolas de Virieu, une des références des documentaires basket en France, avait déjà réalisé des productions sur Ziani et la Slam Nation, il y a plus de 10 ans. Sur ce dernier chef d’œuvre, plein d’émotion et de fascination, il s’est attardé sur l’histoire, et la montée en grâce de Kadour Ziani. Il n’était pas prédestiné à devenir un demi-dieu du dunk. Fils d’émigrés algériens, neuvième d’une fratrie de 13 enfants, il a grandi dans le quartier de Vert-Bois, à Saint-Dizier en Haute-Marne, entre violence, trafics et climat tendu. Il voulait sortir de cette atmosphère, et a découvert la NBA à 16 ans. Fan de MJ par dessus-tout, il s’est mis à rêver, du haut de son mètre 79, pour pouvoir dunker lui aussi, et voler, s’émanciper.
“Quand tu évolues toute ta vie dans ce schéma-là, dans cette atmosphère-là, après toi tu te dis ‘Ouais mais moi il faut que je m’en sorte dans ce délire, donc il faut que j’essaye de m’échapper.’ […] Je voulais voler. Voler c’est s’élever, c’est prendre de la hauteur. Les oiseaux m’ont toujours fasciné, quand t’as des ailes, tu ne peux pas avoir de problème. S’il y a un problème, tu voles au-dessus du problème. Des ailes comme une arme absolue, pour triompher de tout.”
La passion pour le dunk se développe chez lui, jusqu’à en devenir fou. Travailleur acharné, jour et nuit, il finit par y arriver, et continue à progresser, à tel point qu’il intègre la Slam Nation à 24 ans, en 1997. Ziani dunkera même dans le United Center de son idole. Sa souplesse féline, ses 1m45 de détente verticale, son éthique de travail et surtout les voyages vont lui permettre de s’élever, lui et son esprit :
“Ça a changé ma vie. J’ai dit : ‘Mais la France, mon pays, ma culture, mes racines en Algérie, ma religion…’ J’ai compris tout ça. Je me suis dit ‘Wow, en fin de compte je suis bien loti’. Moi j’avais tendance à me victimiser, à me dire ‘Je suis oppressé’, ou ‘On me brime’, alors qu’on était loin de tout ça. Moi j’avais vu les gens oppressés, les vraies victimes. […] J’ai dit ‘Quelle victime je suis moi en France ?’ Je me suis dit ‘Arrête tes délires ouais.'”
“Zianimal” a transformé le dunk en sport extrême, grâce à sa détermination à toute épreuve. Avec ce show, formé par Bouna Ndiaye (agent de Batum et Gobert) et Jeremy Medjana (agent de Fournier) il a fait le tour du monde. Avec ses amis Abdoulaye Bamba, Dejan Ristic et tant d’autres, il a fait de la Slam Nation un show légendaire, et du dunk un art de vivre, sans doute sa raison de vivre. Avec son parcours, il montre à tout le monde que même si on vient d’un quartier défavorisé, tout est possible, si on y croit et qu’on s’en donne les moyens. Cela transparaît dans ce documentaire intime, avec des témoignages de ses compères de l’époque, de membres de sa famille, entre pudeur, fierté, et souvenirs d’une période moins brillante. De là, Kadour Ziani s’est transformé, et a démocratisé, transfiguré sa discipline :
“Moi j’ai vraiment voulu que le dunk soit un langage vulgarisé. C’est-à-dire donner ça à tout le monde, que tout le monde puisse dunker, se mettre en mode beau gosse, et exister.”
On vous laisse apprécier le superbe travail de Nicolas de Virieu : un documentaire touchant, saisissant, qui retrace un fabuleux destin. Kadour Ziani, le jeune de quartier qui est parti de rien, pour devenir une des figures, un drogué, si ce n’est un iconoclaste du dunk.