Le dossier Kawhi Leonard : quand une frustration logique est tournée en faux vent de panique

Le 24 janv. 2018 à 19:50 par Bastien Fontanieu

Kawhi Leonard
Source image : NBA League Pass

C’est l’affaire qui a fait parler beaucoup d’observateurs ces derniers jours, suite à un dossier paru sur ESPNKawhi Leonard et les Spurs seraient en froid ? L’occasion de souligner, point par point, le pourquoi du comment.

Il existe quelques blasphèmes partagés dans tout le cercle NBA, et qu’on ne peut se permettre de prononcer sous peine de s’écarter d’un groupe des plus saints. LeBron James n’est pas le meilleur joueur au monde, les Rockets détestent le tir à trois-points, Boston ne sait pas défendre, quelques exemples d’affirmations qui n’ont ni queue ni tête pour tout être de notre espèce regardant un minimum de panier-ballon. Dans le même registre ? Dire qu’Adrian Wojnarowski a tout simplement tort. Le journaliste d’ESPN est devenu une sorte de gourou au sein de la Ligue, à coup de Woj bombs et d’annonces en tout genre, ce qui rend ses informations quasiment impossibles à contrer, un acte considéré blasphématoire. Par conséquent, lorsque le Woj écrit ce weekend sur la relation entre Kawhi et les Spurs qui serait un peu bancale, on ne peut fermer les yeux et hocher la tête de droite à gauche, en espérant que ce soit faux. Oui, il existe bien des éléments actuels qui empêchent Leonard et sa franchise de vivre une idylle, mais ce n’est pas la première fois que l’on voit cela. Et comme nous allons l’avancer ci-dessous, le puzzle réalisé main dans la main par R.C Buford et son All-Star demande une connexion stable en permanence, sauf qu’en ce moment chacun veut mettre sa pièce à son endroit préféré. C’est par cette image que nous pouvons introduire la première des notions, la blessure de Kawhi.

Pour reprendre les termes du Woj, ce fameux “refroidissement” des relations entre le joueur et ses supérieurs est notamment dû aux pépins physiques connus par Leonard en ce moment même. Victime d’un souci au niveau du quadriceps droit, l’ailier n’a pas pu revenir à 100% de ses capacités et pire encore, la blessure en elle-même est un dossier des plus compliqués puisqu’il ne s’agit pas d’un problème bénin. “Je n’ai jamais vu une telle blessure,” susurrait Gregg Popovich le 22 novembre dernier. La preuve étant que quelques jours plus tard, après un retour discret et 9 rencontres seulement, les galères reprenaient pour Kawhi autour de cette zone sensible. Tant de boulot effectué pour revenir, tant de mois passés à bosser, tout ça pour que dalle. Comment ne pas être frustré ? Premier soupir. Il y a donc pour commencer l’étrangeté de cette blessure, qui ne va pas condamner Leonard mais prolonge tristement son absence.

Il y a en deuxième notion, et c’est là que le compétiteur intervient, le contexte dans lequel cette absence a lieu. On parle quand même d’un garçon qui, à 25 ans, était en finale de conférence face aux Warriors, dominait outrageusement le Game 1, et se voyait bien tenir tête à l’infernale machine de Golden State. On parle d’un joueur qui venait de terminer deux fois à la deuxième place pour le titre de MVP de la saison régulière, commençait à gentiment rentrer dans son prime et tenait un back-to-back en tant que Défenseur de l’Année. On parle aussi d’un MVP des Finales à l’âge de 22 ans, titré avec la tétine, et qui ne rêvait que de retrouver cette sensation unique le plus tôt possible. Mélangez tout cela, patientez un peu, et ajoutez la stratégie ad vitam eternam des Spurs : mieux vaut prévenir que guérir. Rien de tel pour énerver un compétiteur-né. Disons qu’à San Antonio, dès qu’il y a l’ombre d’un doute, on agite le drapeau blanc. Demandez donc à Tim Duncan ce qu’il en pense, lui qui MVP des Finales de 1999 et titré devait zapper tous les Playoffs de 2000 car le staff poussait pour une opération au ménisque. Frustré là aussi, le futur Hall of Famer avait des relations “refroidies” avec ses supérieurs. Et comment ne pas le comprendre ? Lorsque vous avez un avis précis dans votre camp sur le choix médical à faire et que votre franchise pense différemment, il va forcément y avoir de l’orage. La question in fine est de savoir comment l’orage va passer, mais la sagesse et la prudence des Spurs n’ont pas changé, ne vont pas changer. Ni pour Tim Duncan, ni pour Kawhi Leonard.

Ce qui nous mène au troisième et dernier point. Un qui, bizarrement, n’a pas du tout été pris en compte par une grande majorité d’observateurs. On appelle ça la thune. Quel joueur pourrait bien être éligible pour une prolongation de contrat cet été ? Actuellement en train de naviguer sur son précédent deal (90 millions sur 5 ans), Kawhi pourrait signer une prolongation de 219 millions de dollars sur 5 ans aux Spurs. Le genre de paperasse dont tu rêves toute ta vie, surtout quand t’as grandit dans les pompes de Leonard, et le genre de paperasse que tu veux verrouiller en étant… sur le parquet. Si le joueur ne peut s’exprimer en short et balle en main, le management peut évidemment avoir la main sur les négociations et obtenir davantage de leviers. Une petite ristourne, suite aux récents pépins physiques ? Le genre de discours qu’on ne préfère pas entendre. Et que la clique de Buford ne prononcera certainement pas. Conscients du joueur qu’ils ont entre leurs mains, les supérieurs de San Antonio seront les premiers à mettre tapis s’ils le peuvent et sont rassurés par l’avancée de leur All-Star. Maintenant, si Kawhi décide de ne pas signer cette prolongation, il se retrouvera agent-libre la saison suivante, avec environ 29 franchises prêtes à sonner chez lui à l’aube de ses 27 ans.

Si on récapitule ? On a donc une blessure, apparemment rarissime, qui empêche un joueur en début de prime de jouer. Pendant qu’un meneur tricolore de 35 ans revient plus vite et plus solidement que lui. On a une franchise, qui plus prudente que n’importe quelle autre en NBA, met son veto dès qu’elle peut sur une décision médicale afin d’assurer le long-terme. On a un joueur à l’approche du plus gros contrat qu’il touchera dans sa vie, qui ne peut le justifier sur les terrains car on ne le laisse pas jouer. Et on a un clan proche, qui demande plusieurs avis médicaux afin de s’assurer que personne ne cherche à lui mettre des bâtons dans les roues. Oui, il peut y avoir “refroidissement” quand on compose une salade avec tous ces ingrédients. Mais il y a un pas entre “refroidir” et “partir”, comme certains se sont amusés à l’affirmer. Est-ce que cela veut dire que Leonard ne partira jamais ? Bien évidemment, non. Tout est concevable, pour un joueur qui apprécie certes sa franchise et sa ville des plus calmes. Mais devant tant de rationnel et de chiant montré par les Spurs depuis des années, rien ne vaut un bon petit coup de pied dans la fourmilière, histoire de tester la solidité du building.

Le but ici n’est pas de chercher à rassurer ou à cramer les preuves avancées par les sources proches du dossier. La situation dans laquelle Kawhi Leonard et les Spurs se trouvent est frustrante, fatigante, énervante. Il y a donc de l’orage dans l’air, car tout le monde est gavé par ce par quoi il faut passer. Maintenant, si vous souhaitez parier sur un transfert d’un tel joueur par le staff de San Antonio :allez-y, on avait déjà entendu la même chose avec un certain LaMarcus Aldridge.


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