La saison de Russell Westbrook est-elle assez folle pour exploser les critères de vote du MVP ?
Le 19 mars 2017 à 10:01 par Nicolas Meichel
Auteur d’une saison tout simplement stratosphérique, Russell Westbrook va probablement accomplir un exploit que l’on pensait impossible dans le basket moderne, lui qui est en passe de devenir le deuxième joueur de l’histoire de la NBA à terminer une saison avec un triple-double de moyenne. Cependant, le bilan collectif du Thunder pourrait empêcher l’extraterrestre d’Oklahoma City de glaner son premier titre de MVP, qui reviendrait à James Harden. Du coup, la question qui se pose est la suivante : la campagne de Russ’ est-elle assez dingue pour pousser les journalistes à voter autrement ?
Chaque année ou presque, c’est le même bordel. Dans la course au MVP, qui représente évidemment le plus prestigieux des trophées individuels, les débats se multiplient et chacun y va de sa définition du mot “Valuable”. Cependant, les critères de vote habituellement utilisés par les journalistes sont constants depuis de nombreuses années et les surprises sont donc assez rares en fin de saison. La formule magique, on la connaît, c’est faire gagner les siens en réalisant une grande campagne individuelle, si possible en évoluant dans une équipe pas trop cheatée d’un point de vue effectif (coucou Kevin Durant, coucou Stephen Curry). De plus, la progression du joueur et de l’équipe dans lequel joue ce dernier est également prise en compte, tout comme la story qui peut entourer le candidat. Cette saison, comme nous l’avons écrit dernièrement, James Harden est sans doute celui qui propose le plus beau mélange dans toute la NBA. Énorme statistiquement, leader incontestable d’une équipe de Houston qui dépasse toutes les attentes en squattant le podium de la Conférence Ouest, le barbu est en train de réaliser un véritable chef-d’oeuvre qui mériterait d’être récompensé par le Maurice Podoloff Trophy. Le souci pour lui, c’est que l’exercice 2016/2017 n’est pas vraiment comme les autres.
Avec 31,7 points, 10,5 rebonds et 10,3 assists de moyenne, Russell Westbrook évolue sur une autre planète depuis fin octobre. Auteur de 34 triple-doubles en 69 matchs cette saison, le meneur d’OKC menace sérieusement le record actuellement détenu par Oscar Robertson, qui en avait réalisé 41 en 1961-1962. Et comme si cela ne suffisait pas, Russ’ est également le meilleur marqueur de la NBA, avec plus de deux points supplémentaires en moyenne sur le second James Harden (29,2). Autrement dit, la campagne de Westbrook est statistiquement historique, à tel point qu’elle pourrait pousser les journalistes à revoir leurs critères de vote afin de plébisciter le joueur du Thunder malgré un bilan collectif mitigé. A l’heure de ces lignes, la franchise de l’Oklahoma City se retrouve à la sixième place de la Conférence Ouest avec 40 victoires et 29 défaites au compteur, soit un ratio de 58 %. Dans une saison ordinaire, ces résultats seraient bien insuffisants pour terminer avec le trophée entre les mains. C’est simple, dans l’histoire de la ligue, il n’y a que quatre joueurs qui ont été élus MVP en remportant moins de 60 % des matchs, à savoir Bob Pettit (en 1955-1956 avec les St. Louis Hawks, bilan de 33-39), Bob McAdoo (en 1974-1975 avec les Buffalo Braves, bilan de 49-33), Kareem Abdul-Jabbar (en 1975-1976 avec les Los Angeles Lakers, bilan de 40-42) et Moses Malone à deux reprises (en 1978-1979 et 1981-1982, avec respectivement un bilan de 47-35 et 46-36 sous les couleurs des Houston Rockets). Comme vous pouvez le remarquer, ça date un peu. Depuis le début des années 1980, le bilan le plus faible d’un MVP est de 50 succès en 82 matchs (Michael Jordan avec les Chicago Bulls, en 1987-1988), palier qui sera difficile à atteindre pour le Thunder de Westbrook. Mais ce manque relatif de succès collectif pèse-t-il assez lourd pour ne pas récompenser les incroyables exploits de ce dernier ?
Toute la question est là. Parmi les journalistes qui vont voter pour le titre de MVP à la fin de la saison, il y a ceux qui vont suivre à la lettre le mécanisme habituel et préférer James Harden à Russell Westbrook grâce aux meilleurs résultats des Rockets. Difficile de leur reprocher quoi que ce soit, puisqu’ils ne feront que respecter les critères implicites qui dominent ce vote depuis tant d’années. Par contre, il y a de grandes chances de voir certains spécialistes sortir de leur zone de confort et privilégier la saison de mammouth de Russ’. En effet, il y en a qui vont probablement se dire que la campagne de Westbrook est trop belle et trop impressionnante pour rester dans l’ombre, peu importe si Oklahoma City n’est pas au niveau des cadors de la NBA. Là aussi, dur de les critiquer puisque le monstre d’OKC réalise quelque chose qu’aucun joueur n’a réussi depuis plus d’un demi-siècle. Et puis, ce n’est pas comme si le Thunder était dans les bas-fonds du classement ou galérait pour se qualifier en playoffs. On parle tout de même d’une équipe correcte portée par un joueur sensationnel, et qui devrait finir entre la cinquième et la septième place de la Conférence Ouest malgré le départ d’un certain Kevin Durant.
Au final, on peut dire qu’il n’y a pas vraiment de mauvais choix cette année. Même ceux qui voteront pour LeBron James, Kawhi Leonard voire Isaiah Thomas auront de sérieux arguments à faire valoir. Par contre, si Russell Westbrook repart avec le trophée malgré un bilan collectif historiquement insuffisant, cela risque de faire beaucoup parler dans le sens où cela remettra en cause la définition même du MVP, notamment pour les prochaines saisons. “Plus besoin de gagner beaucoup de matchs pour être MVP !”, “l’individuel prend le pas sur le collectif !”, “on récompense les stats !” sont des phrases qui vont obligatoirement sortir dans le cas où Russ’ termine en tête. Et puis, il ne faut pas oublier que cela va ouvrir la porte à des discussions sans fin concernant des anciens joueurs qui n’ont pas été élus MVP à cause justement d’un manque de succès collectif. On pense par exemple à Kobe Bryant en 2005-2006, auteur d’une saison de malade mental au scoring (35,4 points par match, dont la pointe à 81 contre les Raptors) mais seulement septième de la Conférence Ouest avec un bilan de 45 victoires et 37 défaites pour les Lakers de l’époque.
Voter Russell Westbrook pour le MVP, c’est un peu remettre en cause les critères habituels de ce trophée, voire même les redéfinir. Impossible de dire pour l’instant s’il finira avec cette récompense mais ce qui est sûr, c’est que le marsupilami d’Oklahoma City est un candidat très légitime malgré un bilan collectif qui aurait déjà éliminé n’importe quel autre joueur. Et ça, c’est énorme !