Le déménagement des Warriors à San Francisco : sentiment d’abandon de l’autre côté du Bay Bridge

Le 20 janv. 2017 à 16:02 par Benoît Carlier

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Source image : Benoît Carlier - TrashTalk

Dans une tribune très personnelle récemment publiée sur The Mercury News, le journaliste Marcus Thompson prenait clairement position contre le déménagement des Warriors à San Francisco. Le risque de ce mouvement ? Une fracture entre la franchise et ses fans historiques les plus fidèles selon le natif d’Oakland, l’actuelle localisation de l’Oracle Arena.

Depuis 2010 et l’arrivée de Joe Lacob comme actionnaire majoritaire des Warriors, tout va très vite dans la Bay Area. Grâce à quelques coups intelligents le soir de la Draft et un projet cohérent conduit par Bob Myers, Golden State est rapidement passé d’un statut de cancre à l’une des places fortes de la Conférence Ouest, jusqu’à récupérer la couronne en 2015. Depuis, les ambitions de la franchise n’ont cessé de croître. Le record du nombre de victoires en saison régulière et l’archi domination de Stephen Curry ont attisé l’appétit des dirigeants qui ont décidé de casser leur tirelire pour faire venir Kevin Durant cet été. Ils devront s’acquitter de la luxury tax pour la première fois et l’objectif est clair : gagner encore plusieurs bagues avec ce noyau de joueurs conservé au prix fort en attendant le contrat record du MVP unanime en juillet prochain. La hype est au plus haut, les maillots et les abonnements se vendent comme des petites pintes et les Warriors n’ont jamais été aussi populaires malgré les critiques envers le recrutement presque cheaté réalisé pendant l’intersaison. Tout va si bien que les dirigeants ont jugé que c’était le bon moment pour retraverser le Bay Bridge vers l’ouest afin de s’installer dans la belle et riche San Francisco. Après de longues négociations, l’emplacement a été choisi et le permis de construire délivré par les élus locaux pour permettre au Chase Center de sortir de terre et commencer à accueillir les troupes de Steve Kerr à partir de la saison 2019-20. Niveau marketing et développement financier, c’est un strike. Par contre, on ne peut pas en dire autant de l’image de la franchise auprès de ses supporters basés dans l’East Bay dont fait justement partie Marcus Thompson.

Natif d’Oakland et suiveur des Warriors pour le Mercury News depuis plus d’une décennie, Thompson a vécu de l’intérieur les hauts et surtout les bas de son équipe de cœur. Depuis l’arrivée de la franchise de l’autre côté du pont, en 1971, Oak Town a pourtant appris à aimer ses Dubs, même à l’époque des Kelenna Azubuike et Coby Karl. Le changement d’appellation la même année en témoigne, les Warriors étaient voués à représenter tous les habitants de la baie sans exception, ce territoire privilégié surnommé le Golden State. Pourtant, la récente décision du management de déménager la franchise à San Francisco risque de fragiliser ce sentiment d’appartenance collective. D’un côté du Bay Bridge, Oakland souffre encore d’une réputation de ville dangereuse et mal famée où il est peu recommandable de se promener tout seul le soir surtout avec un maillot de Dahntay Jones sur le dos. De l’autre, les 40 collines d’une cité avant-gardiste prisée des touristes et capitale internationale des nerds avec la proximité immédiate de la Silicon Valley. Le choix est vite fait pour les investisseurs qui se voient déjà grignoter des tacos dans leur loge au sein d’une enceinte flambant neuve, à quelques pas de leurs bureaux du SoMa ou du Financial District, le quartier des affaires. Mais tout le monde ne bosse pas chez Adobe, Mozilla ou le géant Google…

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Après quasiment un demi-siècle d’encouragements et de fidélité, les populations de l’East Bay se préparent à voir leur bébé quitter la maison avec le sentiment de ne jamais avoir pu donner leur avis. Pourtant, les arguments étaient nombreux pour conserver les Warriors à l’Oracle Arena. L’enceinte qui a accueilli les deux dernières Finales NBA répond aux normes imposées par l’Association. Positionnée en face du Oakland Alameda Coliseum, repère des Athletics (MLB) et des Raiders (NFL), elle n’a pas de problème d’espace. Son parking et son arrêt de BART (le RER local) la rendent très accessible à tous les supporters de la baie, d’où qu’ils viennent. Mieux que ça, son nom est régulièrement cité par les joueurs eux-mêmes pour désigner l’ambiance la plus chaude et hostile du circuit. Le Zoo d’Oakland n’a jamais laissé tomber son équipe qui lui a bien rendu lors de l’épopée We Believe en 2007 ou depuis deux ans. Cette enceinte a une âme et rien ne vaut son rugissement lorsque Stephen Curry fait ficelle du parking. Ce n’est pas pour rien si l’Oracle Arena détient la plus longue série de matchs à guichet fermé en cours au sein de la NBA. Malgré une hausse sensible des tarifs depuis quelques années, ses 19,596 sièges trouvent toujours preneur depuis le 18 décembre 2012, soit plus de 200 sellouts. Mais ce n’était visiblement pas suffisant pour Joe Lacob et ses ambitieux projets de développement pour sa franchise. Cette semaine, une cérémonie marquait le début des travaux à San Francisco et plus rien ne semble désormais en mesure d’arrêter la construction du Chase Center.

Il est bien évidemment impossible de satisfaire tout le monde et les fans de Daly City et ses environs – à la frontière sud de San Francisco – sont sûrement les premiers à se réjouir de ce déménagement. Mais les habitant de l’East Bay et plus particulièrement d’Oakland ont cette désagréable impression d’être reniés par un très bon ami qu’ils avaient aidé à se trouver un job et une copine. Rien de comparable à ce qui est arrivé à Seattle avec la perte des SuperSonics bien sûr, mais la ville natale de Damian Lillard, Jason Kidd et Gary Payton est un peu la mal-aimée de sa région. Les dernières rumeurs annoncent les Raiders sur le départ ce qui ne laisserait qu’une équipe de baseball aux Oaklanders. Triste sort pour une cité aussi sportive.

D’autant que les mauvaises nouvelles ne sont peut-être pas finies puisqu’un retour à l’ancienne appellation des San Francisco Warriors a déjà abordé dans les coulisses de la franchise. Un comble alors que Marcus Thompson avait milité pour associer les Warriors à la ville d’Oakland par leur nom ou au moins un maillot particulier. Hélas, sans jamais l’énoncer clairement, la franchise craignait pour son image en cas d’association trop claire avec l’une des villes les plus ghetto du pays. Résultat, non seulement ils vont devoir prendre leurs précautions arriver à l’heure mais seules les populations les plus aisées de la ville pourront encore se permettre d’aller supporter Draymond Green et ses potes à Fog City. Car si les prix avaient déjà commencé à flamber pour voir le MVP 2014 sortir de sa zone de confort cette saison, les abonnements devraient encore prendre une sacrée augmentation après le déménagement. On est loin du temps où on pouvait se rendre à l’Oracle pour 10 balles ou s’offrir une place en courtside pour à peine 50 dollz à l’époque de Don Nelson. Avec une capacité inférieure à celle de la salle d’Oakland (18000 places) et une politique tarifaire basée sur les salaires des cadres de la deuxième ville la plus chère des US, les Warriors peuvent aussi dire adieu à leur réputation d’atmosphère étouffante au Chase Center.

Motivés par la hype et le bon climat économique qui régnant en NBA en ce moment, les Warriors ont décidé de retraverser le pont et laissent derrière eux des milliers de fans orphelins d’une équipe qu’ils ont choyé pendant plus de 40 ans. Même si l’Oracle et le Chase Center ne seront distancés que de quelques kilomètres, ce mouvement symbolique a des allures de gros majeur envoyé dans la face de toute une ville. Pire, de l’East Bay.


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