Jahlil Okafor : simple ouvrier de passage ou véritable fondation dans la reconstruction des Sixers ?

Le 03 avr. 2016 à 12:24 par David Carroz

Alors que Philly va boucler sa saison avec un bilan d’une médiocrité rare -même par rapport à leurs propres standards des dernières années- on se demande encore où va les mener cette reconstruction entamée à l’été 2014. Les picks s’accumulent, mais malgré cela, les progrès tardent à venir. Surtout quand la compatibilité entre tous les jeunes ne saute pas aux yeux et qu’elle soulève la question de savoir si les mecs peuvent servir de base commune pour l’avenir de la franchise. On pense en particulier à Jahlil Okafor, en vacances avant même ses coéquipiers, dont l’utilisation laisse planer des doutes sur son futur en Pennsylvanie.

Il n’est absolument pas question de remettre en cause ici le talent de l’intérieur issu de Duke, qui a proposé 17,5 points à 50,8% et 7 rebonds en 30 minutes. Ils sont vingt joueurs à avoir réussi une telle performance (plus de 17 points avec une adresse supérieure à 50% et au moins 7 prises par rencontre) pour leur saison rookie, avec quelques beaux noms comme Hakeem Olajuwon, Magic Johnson, Wilt Chamberlain, Shaquille O’Neal, David Robinson, Alonzo Mourning ou Tim Duncan entre autres. Mais aucun ne l’a fait avec un temps de jeu aussi restreint. Il faut dire que Jahlil Okafor, malgré ses qualités, n’a pas eu une première année rêvée. D’une part, parce que perdre des brouettes de matchs comme les Sixers le font n’est jamais agréable. D’autre part, parce que son nom a malheureusement été associé plus d’une fois à des informations peu glorieuses en dehors du parquet. Mais surtout, parce que les rencontres ont souvent été bouclées sans lui, Brett Brown s’appuyant sur la mobilité de Nerlens Noel en défense au poste de pivot dans un cinq plus small ball, laissant ainsi l’ancien de Duke jouer les tourneurs de serviette sur le banc. Sérieusement ?

On le savait, avant de débarquer en NBA, Jahlil Okafor avait l’étiquette d’un défenseur médiocre, ce qui contrebalançait son arsenal offensif. Mais après 53 matchs dans la Grande Ligue, il n’y a aucun doute sur le fait que son apport en attaque dépasse largement les lacunes qu’il peut avoir de l’autre côté du parquet. Certes, il ne sera jamais le plus grand protecteur de cercle du monde, mais il s’est montré concerné, bien plus que ce que les rapports de scouts pouvaient laisser entendre. On est loin d’un Carlos Boozer en défense, et quand on voit les pactoles qui ont été mis sur Greg Monroe ou Al Jefferson ses dernières années, on se dit qu’il touchera son gros chèque à l’avenir, parce qu’il proposera son 20-10 tous les soirs, sans être une passoire pour autant. Polyvalent en attaque, capable d’être une menace dos au panier comme face au jeu, on parle d’un mec au potentiel d’All-Star. Et quand on regarde l’effectif en Pennsylvanie, on ne voit personne d’autre avec un futur aussi brillant.

Sauf que rien ne garantit que cela se fasse dans l’état de la Rust Belt. On l’a déjà évoqué, mais Jahlil Okafor n’avait pas les faveurs de son coach au moment de finir les matchs puisque c’est Nerlens Noel qui jouait lors des moments décisifs. Il faut dire qu’il était difficile de maintenir les deux joueurs ensemble sur le parquet tant les Sixers galèrent avec le duo. En temps normal, Philly possède un différentiel de -10,3 points pour 100 possessions. Une stat qui passe à -17,2 lorsque Jahlil et Nerlens cohabitent. Le sophomore (-11,8 points pour 100 possessions) ayant un impact moins néfaste que le rookie (-16,6 points pour 100 possessions) et donnant plus de garanties défensives, c’est donc Okafor qui a été sacrifié. Encore plus depuis que Brett Brown, encouragé par l’arrivée de Mike D’Antoni dans le staff, mise sur un cinq de plus petite taille et jouant plus vite, un style qui correspond plus à Nerlens Noel. Pourtant, Jahlil Okafor a aussi su s’adapter à la présence d’Ish Smith à la mène, puisque son apport offensif n’a pas diminué malgré un temps de jeu moindre (17,5 points en 27,3 minutes) depuis l’arrivée du point guard, en gagnant en adresse (58,1%). Pas suffisant aux yeux de son coach, et cela ne devrait pas s’améliorer lors des prochains mois.

En effet, en plus de la concurrence de Noel, il faudra aussi composer avec le retour – ou plutôt les débuts – de Joel Embiid la saison prochaine. Du moins en théorie, si le Camerounais ne rechute pas. Et en y regardant de plus près, difficile d’imaginer Jahlil Okafor jouer en même temps que le courtisan de Rihanna. Déjà qu’avec Nerlens, la défense sur les 4 fuyants adverses est difficile, alors on vous laisse imaginer ce que cela pourrait donner avec le duo Embiid-Okafor… Et ce n’est que le début, car ce n’est pas le seul joueur qui va venir gonfler la raquette de Philly, Dario Saric ayant d’ores et déjà annoncé qu’il viendrait aussi tâter du ballon dans la ville de Rocky Balboa l’an prochain. Alors certes, son profil est très différents des autres lascars. Certains envisagent peut-être même de le voir évoluer sur l’aile avec ses qualités techniques. Sauf que dans la NBA actuelle et vue la volonté de Brett Brown de jouer en transition sur attaque rapide, c’est en tant que point forward depuis le poste 4 que le Croate devrait faire l’étalage de son talent. On se retrouve donc avec un embouteillage de quatre joueurs pour deux postes, sans compter que Jerami Grant pourrait bien gratter des minutes en tant qu’ailier fort, comme il le fait déjà cette saison. Enfin, un autre caillou pourrait venir se glisser dans la chaussure de Jahlil Okafor fin juin. Avec un bilan dégueulasse, les Sixers rêvent de chopper le gros lot à la loterie et gratter le first pick de la prochaine Draft. Alors là, pas besoin de vous faire un dessin. Sam Hinkie prendra le meilleur joueur disponible sans se poser la question de la cohérence de l’effectif. Actuellement le premier choix semble dévolu à Ben Simmons. Quel poste pour l’Australien ? 3/4, donc potentiellement un mec en plus pour la raquette. Quand on souhaite jouer small ball, ça fait beaucoup.

Mais peu importe, le General Manager ne se posera pas de question. L’important pour lui est d’empiler les meilleurs assets possibles pour trouver une base et échanger ceux qui ne rentreront pas dans le moule voulu par Brett Brown sur le parquet. Jusqu’à présent c’était pour récupérer d’autres jeunes ou des futurs choix de Draft, mais cette fois-ci il pourrait bien voir les choses autrement pour miser sur un vétéran ou deux qui feraient enfin passer un palier à Philly tout en encadrant les mecs moins expérimentés. Un rookie ou un sophomore, ça se valorise, puis ça s’échange s’il n’est pas le mec autour de qui on construit. C’est ce qui semble se dessiner pour Jahlil Okafor à quelques mois de la free agency et de l’ouverture du marché des transferts. Car si sa compatibilité avec le jeu voulu par les Sixers ne saute pas aux yeux, il a la cote et il est certainement la plus grosse valeur marchande de l’effectif. On ne voit donc pas la franchise de la Cité de l’Amour Fraternel se priver d’une recrue potentielle plus en adéquation avec sa philosophie si une offre se présente pour Jahlil Okafor. Jusqu’à présent, quelques rumeurs ont envoyé le pivot vers Boston (qui possède un choix élevé à la Draft), vers Indiana (avec le pick des Sixers contre Paul George, on n’y croit pas un instant) voire vers Chicago (Jimmy Butler). Que des bruits de couloir et probablement aucune offre ferme. Mais cet été il devrait y avoir de l’agitation autour de Jahlil Okafor.

L’avenir de l’intérieur pourrait donc certainement se jouer avant la reprise de la saison prochaine. On ne sait pas où, mais on parie une chose : il sera brillant, et peut-être même plus s’il est loin de Philadelphie, dans une franchise qui lui donnera l’importance qu’il mérite. Pivot talentueux cherche franchise pour le gaver de ballon. Prix à débattre avec Sam Hinkie, puis avec l’agent de Jahlil Okafor fans le futur. Pas donné, mais le retour sur investissement est attendu.

Source image : Mitchell Leff/Getty Images


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