L’homme à tout (très bien) faire : Giannis Antetokounmpo, une polyvalence historique ?

Le 03 nov. 2015 à 15:06 par Alexandre Martin

La saison dernière, Jason Kidd n’avait déjà pas hésité à utiliser Giannis Antetokounmpo à tous les postes. Cette année, le coach buveur de Coca Cola a bien l’intention de récidiver comme il l’a déclaré récemment d’autant que son joueur n’y voit aucun inconvénient et travaille ses points faibles afin d’être performant partout, de la mène jusque sous le cercle. Vous avez dit “polyvalence” ? Ah non pardon, vous avez dit “polyvalence de malaaaaaaaade !!” C’est bien de cela dont il est question ici…

Commençons tout d’abord par situer les choses. L’ami Giannis est long de 210 centimètres, ses bras rendraient jaloux l’Inspecteur Gadget, il se déplace à la vitesse d’un arrière et il est souple comme une danseuse étoile. Voilà pour les grandes lignes au niveau du physique. Mentalement, le garçon semble armé d’une grande détermination et d’une envie débordante de bien faire en attaque comme en défense sans oublier ce côté energizer voire leader qui pointe doucement mais très sûrement à l’horizon. Techniquement, il dribble très bien, fait preuve de toucher en finition de près, de fondamentaux solides et d’un excellent QI. Bref, balle en main c’est plutôt solide même s’il doit encore bosser sur son tir pour être encore plus dangereux mais il va le faire et il en a le temps. Car oui, pour ceux qui découvriraient la bête aujourd’hui, sachez que le Grec va fêter ses… 21 ans, le 6 décembre prochain ! Donc, en plus de son niveau de jeu qui peut devenir incroyable, sa polyvalence elle, est déjà affolante.

Un club très fermé

En fait, même en reprenant l’histoire NBA dans son entièreté, on a vite fait le tour : seuls trois autres joueurs ont fait preuve d’une telle flexibilité en termes de postes occupés sur le parquet. Et ce en sont pas tout à fait des inconnus puisqu’ils s’agit de Magic Johnson, LeBron James et à moindre mesure Boris Diaw. Le propos n’est pas ici de considérer que l’ailier des Bucks est ou sera un jour l’égal de légendes du jeu comme le boss du showtime et le King de l’Ohio ou qu’il accomplira tout ce que notre Bobo national a pu réaliser dans sa superbe carrière mais juste de constater que Giannis appartient à un club très fermé. Un club de gars qui – chacun à sa manière – peuvent tout faire et à tous les postes. Magic était un meneur, enfin c’était son poste naturel, celui auquel il a été majoritairement utilisé mais il a joué arrière pendant ses 4 premières saisons – aux côtés de Norm Nixon qui tenait la mène – et ailier-fort lors de son dernier passage dans la ligue (1995-1996). Et personne n’a oublié ce game 6 des Finales de 1980 où Johnson le rookie s’est retrouvé à démarrer le match au poste de pivot en lieu et place de Kareem Abdul-Jabbar pour le résultat que l’on connait : 42 points, 15 rebonds, 7 passes décisives et une victoire qui donne le titre aux Lakers !

Et dire qu’avec ses 206 centimètres pour 105 kilos, ce bon Earvin avait surtout le physique d’un… poste 3 dans les années 80/90. Il était un génie de la passe mais il pouvait également scorer et prendre du rebond à foison comme en témoignent ses 138 triple-doubles en carrière. Autre joueur qui peut faire tout ce qu’il veut sur un parquet : LeBron James. A la différence de Magic, James est un athlète hors du commun qui peut déplacer ses 203 centimètres et ses 120 kilos à la vitesse de l’éclair ou monter au dunk sur n’importe qui. Mais nous l’avons aussi vu défendre sur des meneurs comme Tony Parker ou Derrick Rose ou être utilisé au poste 4 et se retrouver à défendre sur des intérieurs, des pivots en cas de switch. Potentiellement, le King de l’Ohio peut rivaliser défensivement sur tous les postes grâce à son physique affolant et à sa parfaite compréhension du jeu. Un QI qui lui permet également de tenir la mène en attaque si besoin, de pénétrer face à des gars moins rapides, de demander au poste contre des adversaires directs moins costaud, etc… James sait tout faire en attaque donc peu importe finalement le poste auquel il évolue même si sa position naturelle est clairement au poste 3.

Des ailiers naturels, une mismatch permanente

A ses deux monstres vient s’ajouter notre frenchie et capitaine des Bleus, Boris Diaw, qui a joué à tous les postes depuis qu’il est en NBA. Des postes sur la ligne arrière chez les Hawks aux postes intérieurs chez les Spurs en passant par l’aile chez les Suns, Babac s’en est toujours bien sorti grâce à sa technique impeccable, à sa vision du jeu circulaire et à sa qualité de dribble qui lui permet de parfaitement contrôler la balle dans toutes sortes de situations. Il lui a fallu prendre du poids au fur et à mesure (de 95 à 115 kilos) pour rivaliser dans la raquette mais voici un joueur qui sait tout faire sur un parquet et dont le poste le plus naturel se situe… en 3. Encore ! Oui encore, car si on y regarde de plus près, tous les membres de ce sympathique club des hommes à tout faire sont naturellement – par leur physique – des ailiers, des combo-forwards. Antetokounmpo n’échappe d’ailleurs pas à ce constat car même si sa morphologie est un peu plus atypique que les 3 autres – il fait la taille d’un pivot et ne pèse “que” 100 kilos – il reste un ailier à la base. Un poste 3 qui peut glisser sans aucun souci en ailier-fort. Le faire jouer au poste d’arrière se fait sans hésiter : il peut y défendre sans aucun problème et il a travaillé – et continuera – sur son shoot longue distance afin d’obliger petit à petit les défenseurs adverses à le respecter derrière l’arc.

Ensuite, par séquence, lui demander de mener le jeu, de tenir la balle et de gérer le tempo est tout à fait envisageable et nous plaignons d’ailleurs par avance les coachs qui devront faire face à cette mismatch de taille ! Enfin, le poste de pivot est tout aussi envisageable car le bonhomme a les centimètres pour et a profité de l’été pour étoffer un physique un peu frêle qui reste juste pour bien défendre au poste bas mais qui peut être compensé par la longueur de ses bras. Et puis alors c’est pareil qu’à la mène, souhaitons bonne chance aux pivots adverses pour défendre sur l’ami Giannis notamment dans le périmètre ! Comme Magic à son époque, LeBron James depuis 12 ans ou Boris Diaw, Antetokounmpo représente un déséquilibre permanent dans les oppositions, une sorte de mismatch éternelle dont il semble de mieux en mieux savoir tirer profit grâce à tous ses talents innés. D’ailleurs, malgré le mauvais début de saison des Bucks (1 victoire – 3 défaites), Giannis a démarré très fort d’un point de vue individuel. Très porté sur le scoring et les rebonds, il est en train de faire honneur à sa réputation de “freak” avec une ligne de stats bien noircie : 22,5 points à 58% au tir dont 42% à 3-points, 8,6 rebonds, 2,7 passes décisives, 1 contre et 1 interception.

Ils ont été très peu avant lui et ne seront pas non plus très nombreux après lui à pouvoir montrer une telle polyvalence sur une carrière tout en maintenant un tel niveau de jeu. Le Grec a aujourd’hui l’avenir devant lui et semble prêt à reprendre fièrement le flambeau du club des hommes à tout (très bien faire). Profitons-en, nous allons avoir le plaisir de suivre l’évolution – probablement monstrueuse – d’un joueur comme nous n’en verrons peut-être jamais d’autres… 

Source image : montage TrashTalk via images USA Today et nba.com