Et si Billy Donovan n’avait pas assez de ballons pour occuper les enfants du Thunder ?
Le 19 août 2015 à 13:21 par David Carroz
Le marché est fait dans l’Oklahoma, à l’aube d’une saison déterminante pour OKC. Une année qui s’annonce chargée en attentes, mais également craintes. De l’espoir car jamais le roster n’a été aussi dense dans la jeune histoire du Thunder. De la peur car cela pourrait être la dernière danse de Kevin Durant pour la franchise. Entre tout cela, des doutes et des questions. Sur la valeur de l’effectif et sa complémentarité. Sur la gestion des égos et des tickets shoots. Surtout par un coach rookie. Dans cette équipe, les jeunes loups aux dents longues sont nombreux, et ils aiment avoir la balle dans les mains. Justifié pour certains, moins pour d’autres.
Dans une Conférence Ouest toujours aussi dangereuse, les premières places et l’avantage du terrain vont valoir cher. Et pourront rapporter gros au printemps. Entre les Warriors qui reviennent au complet, les Spurs qui ont rajouté des pièces essentielles à un noyau qui gagnait un titre il y a 14 mois ou encore les Clippers qui se sont renforcés, la lutte sera acharnée. Le Thunder a préféré miser sur la stabilité, à un détail près : la fin de l’ère Scott Brooks et l’arrivée de Billy Donovan à la tête de l’équipe. Un changement d’entraîneur que Sam Presti espère certainement aussi réussi que les saisons rookies de Steve Kerr ou David Blatt, finalistes en juin. Mais cette exception de l’an dernier ne doit pas faire oublier la règle : en dehors du coach des Warriors, seul trois autres entraîneurs débutants ont ramené un titre pour leurs débuts au cours des 60 dernières années : Pat Riley, Paul Westhead et George Senesky. Et aucun d’eux n’avait son franchise player en fin de contrat, et toute la pression qui va avec pour réussir à le conserver. Si le boss gominé des Lakers en 1982 avait dû gérer un effectif conséquent et deux stars du calibre du Kareem Abdul-Jabbar et Magic Johnson, il avait déjà la chance d’avoir un meneur dont la passion était la passe plus que le scoring. Ce qui n’est pas le cas au Thunder où Donovan devra composer avec deux machines à marquer d’exception – Kevin Durant et Russell Westbrook – mais aussi toute une armée d’autres joueurs pouvant shooter plus vite que leur ombre.
Jeunesse et shoots : on prépare un tournoi de street au Thunder ?
Car après les mouvements de la saison dernière – arrivées de Dion Waiters et Enes Kanter en particulier – OKC a chargé son attaque. En offrant 70 millions de dollars pour les 4 prochaines années au Turc, ils ont même confirmé leur intention. Mais surtout soulevé pas mal de questions quant aux rotations l’an prochain, ainsi qu’au sujet des tickets shoots pour pouvoir contenter tout ce beau monde. Entre Kevin Durant (19,1 tirs par match en carrière), Russell Westbrook (17,2 en carrière, 22 l’an passé), Serge Ibaka (9 en carrière, 12 lors des deux dernières saisons), Dion Waiters (13,1 en carrière) et le pivot fraîchement prolongé (11,8 depuis qu’il passe plus de 20 minutes sur un parquet, 13,3 la saison dernière), on dépasse déjà les 70 tentatives à chaque rencontre, sans compter l’apport de D.J. Augustin qui maîtrise plus le tir que la passe et Anthony Morrow qui attend sur le parking pour envoyer des ogives. L’an passé, l’effectif entier du Thunder prenait 86,8 tirs par match. Faites le compte, cela semble bien compliqué de trouver un équilibre, à moins de rallonger la durée des rencontres. Sans compter bien sûr que Westbrook, Waiters, Kanter, Augustin et Durant ont plutôt tendance à scorer sans que cela soit précédé d’un jeu collectif et d’une construction offensive de folie.
Car plus que le nombre de tirs des uns et des autres, c’est leur envie – leur besoin – d’avoir la balle en main qui peut poser des problèmes. Ce souci existait déjà pour faire cohabiter Russell Westbrook et Kevin Durant. Il n’a pas disparu, bien au contraire, après la saison de dingue du meneur qui a tout donné pour emmener le Thunder en Playoffs en l’absence de “Durantula”. Ne va-t-il pas vouloir être le vrai patron de l’équipe ? Jusqu’à présent, les deux joueurs ont toujours calmé le jeu et fait preuve d’un respect mutuel évident. Mais ils le faisaient sous les ordres de Scott Brooks, leur moniteur de colo préféré. En sera-t-il toujours de même maintenant que le surveillant à changer ? Maintenant que les deux sont clairement des candidats affirmés pour le titre de MVP ? Quand une équipe possède deux scoreurs de dingue, le plus important est de trouver l’équilibre permettant à chacun d’être heureux. Ce sera la première problématique à résoudre pour Billy Donovan, avant même de se poser les questions concernant les ballons à distribuer au reste de l’effectif. Car plus que tout, le succès passera par l’entente entre Kevin Durant et Russell Westbrook.
Ensuite, il pourra s’occuper du reste du casse-tête et des sacrifices à demander à chacun de ses joueurs. Et là encore, le rôle du duo sera majeur. Dans un effectif jeune, ils devront montrer l’exemple en tant que leader. En effet, lorsque des joueurs expérimentés se regroupent pour aller chercher un titre, ils savent mettre de côté leur cas personnel pour le bien de l’équipe. Dans un groupe où grand nombre de joueurs attendent leurs premiers poils, pas sûr que l’état d’esprit soit le même. Des 10 plus gros prétendants au titre, seuls les Rockets ont un roster aussi jeune et seuls les Hawks sont moins aguerris aux joutes NBA. Mais ils ont des coaches qui ont plus de bouteille. Et encore, Steve Novak et Nick Collison rajoutent le poids de leurs années dans la balance alors que leur rôle sera restreint cette saison. Une jeunesse qui va peser lourd et qu’il va falloir compenser en faisant preuve de maturité. Possible quand on s’appelle Dion Waiters ou Enes Kanter ?
Des rotations à mettre en place : un coup de main Billy ?
C’est donc un travail de titan qui attend Billy Donovan pour faire adhérer ses joueurs à son plan de jeu, alors que lui-même plonge dans l’inconnu ou presque pour sa première saison en NBA. Une chose est sûre, trois postes de titulaires sont déjà pris. Westbrook, Durant et Ibaka formeront la colonne vertébrale du 5 majeur. Si “Air Congo” ne réclame pas trop le ballon, pas sûr qu’il apprécie non plus d’être coupé du jeu offensif du Thunder alors qu’il a pris un rôle plus important en attaque depuis le départ de James Harden. Quant aux cas de KD et RW, pas besoin de revenir dessus. Il faut maintenant équilibrer tout cela. L’an dernier, Scott Brooks s’appuyait sur Andre Roberson à l’arrière pour ses qualités défensives et Steven Adams en pivot avant qu’il ne se blesse. Un 5 qui fait plus que tenir la route. Reconduit cette saison ? Peu probable. Donovan, qui aime beaucoup avoir des joueurs capables d’écarter le jeu, misera sûrement sur Anthony Morrow pour accompagner Russell Westbrook dans le backcourt. Son rôle sera simple : profiter des prises à deux sur les extraterrestres en attendant tranquillement derrière la ligne des 3 points et envoyer la sauce ensuite. Avec 42,9% de réussite du parking en carrière, et 65,1% sur catch and shoot l’an dernier, il est une alternative plus qu’intéressante poste 2. Surtout qu’à défaut d’être un défenseur d’élite, il est loin d’être un plot ou un boulet. Si on ajoute qu’il n’a pas besoin de porter la balle pour être efficace, on obtient un futur titulaire. Oui parce que bon, Andre Roberson est bien gentil et plein de bonne volonté, mais quand on n’apporte que 3,4 points par match en shootant à 24,7% de loin, on a beau être un sacré pitbull (il maintenait son adversaire direct à 39,8% l’an dernier), ça ne suffit pas. Reste le cas Dion Waiters. S’il s’est montré plus efficace dans un rôle de titulaire que dans celui de sixième homme (14,6 points en 23 titularisations à 41,3% et 36,7% de loin, contre 10,6 points à 38,8% et 26.3% derrière l’arc), difficile de l’imaginer aux côtés de Westbrook et Durant. Plus que tout, “Céline” a besoin d’avoir la gonfle. Beaucoup. De se sentir important, d’être le centre d’attention. S’il respecte plus ses nouveaux coéquipiers que Kyrie Irving lorsqu’il était à Cleveland, cela ne signifie pas forcément qu’il leur laissera la balle. C’est pour cela qu’en sortie de banc son apport sera mieux utilisé. Il pourra créer du jeu pour lui et apporter du scoring dans un rôle de 6ème homme.
Tout du moins si cet habit de premier remplaçant lui est confié. En effet, à l’instar peut-être de Tristan Thompson aux Cavs – mais dans un profil différent – Enes Kanter pourrait bien poser son derrière sur le banc en début de match, mais avec un sacré coussin de dollars pour ne pas avoir mal au postérieur. En effet, malgré sa prolongation onéreuse, le pivot est loin d’avoir une place de titulaire garantie, le dernier spot du 5 majeur pouvant bien se retrouver entre les douces paluches de Steven Adams. Certes, le Turc est clairement plus doué que le Kiwi et représente la première vraie force offensive à l’intérieur de l’histoire du Thunder. Sauf que pour chaque panier qu’il score, il offre la réponse à son adversaire, à tel point que Carlos Boozer passe pour un défenseur d’élite en comparaison. Selon ESPN et leur outil statistique, le +/- défensif de Kanter est le pire de tous les pivots de la Ligue, avec -3,87 (-2,36 pour “Boozi”). Pire qu’un plot, un vide. Et comme le 5 majeur n’a pas besoin d’un scoreur supplémentaire, l’ancien Jazz pourrait bien sortir du banc. De quoi former une doublette explosive avec Dion Waiters chez les remplaçants et faire mal à de nombreuses second units de la Ligue. Si on ajoute D.J. Augustin – à moins que le rookie Cameron Payne, très apprécié du staff, ne lui gratte ses minutes – à la mène et les jeunes Kyle Singler – bon ok, derrière KD, il n’aura que des miettes et quelques tirs à 3 points à prendre – et Mitch McGary, le deuxième 5 du Thunder est sympa et aura du répondant offensivement lorsque les starters souffleront. Défensivement par contre, on repassera. Aucun des joueurs n’est réputé de ce côté du parquet, ce qui pourrait ouvrir la voie à Andre Roberson et Nick Collison pour gratter quelques minutes pour tenter de ralentir le banc adverse. Bref, il reste encore du boulot, même si Billy Donovan devrait pouvoir s’appuyer sur un 5 majeur équilibré et de qualité, il lui faudra trouver un moyen de freiner les remplaçants des autres équipes. Ou alors d’aller plus vite et scorer plus qu’eux, technique Suns. Le potentiel offensif est là en tout cas.
En répartissant au mieux entre titulaires et doublures cette force de frappe, le Thunder pourrait déjà réduire sa consommation de ballons de moitié puisqu’elle sera partagée. Pas mal. Il reste à réussir à en faire de même pour chacune des rotations, parce qu’il y a encore un paquet de bouffeurs de gonfle dans chacune d’entre elle. Un équilibre essentiel à trouver pour que OKC aille le plus loin possible en Playoffs, tout en caressant Kevin Durant dans le sens du poil pour pouvoir le conserver l’an prochain. Avant de faire la même chose avec Russell Westbrook en 2016-17. Jamais l’Oklahoma n’a été aussi funky, pas sûr que cela le reste très longtemps.
Source image : TrashTalk