Patrick Ewing, mis de côté pour les postes d’entraîneur : l’important c’est pas la taille ?

Le 19 juil. 2015 à 17:30 par David Carroz

L’été, période surtout marquée par la free agency en NBA. Seule la Summer League est là pour nous donner notre dose de parquet quotidien. Durant celle-ci, l’occasion de voir de nouvelles têtes, des rookies, des journeymen à la recherche d’un contrat. Le moment aussi pour les coaches assistants de prendre en main une équipe, même si on est loin de l’intensité de la saison. Cette année, Becky Hammon fait parler d’elle en étant la première femme à la tête d’un effectif. Pourtant, un nom encore plus connu se pose aussi sur le banc. Il s’agit de Patrick Ewing.

Si de nombreux joueurs ont désormais leur signature shoes, combien de techniciens portent leur nom à leurs pieds ? Un seul, l’ancien pivot des Knicks. Cette année encore, c’est lui qui dirige les Hornets, dans une certaine indifférence. Alors qu’il y a quelques étés, son nom avait été cité pour des postes de head coach (2011 aux Pistons, 2012 aux Bobcats), Pat Ewing est toujours un simple assistant, malgré de plus grandes aspirations.

Être sur le banc en tant que coach assistant m’est d’une grande aide. Cela m’a permis de savoir et ressentir que je suis prêt. J’ai toujours su que je voulais faire cela. Pourquoi ne pas lutter pour être LE mec ? Je l’ai été une grande partie de ma carrière de joueur, alors pourquoi pas maintenant ? – Patrick Ewing.

Douze ans après ses débuts aux côtés de Jeff Van Gundy à Houston, la carrière de coaching d’Ewing n’a pas décollé. Cette année encore, des postes étaient disponibles. Les mêmes noms ont parcouru les rumeurs (Mike D’Antoni par exemple) et des petits nouveaux ont fait leur apparition, comme Fred Hoiberg aux Bulls ou Billy Donovan au Thunder. Un an après les débuts mitigés de Derek Fisher, ceux plus réussis de Steve Kerr ou deux saisons après le passage sur le banc de Jason Kidd, la NBA semble se diriger vers une nouvelle génération d’entraineurs. Mais toujours pas de Patrick Ewing.

Pourtant, le pedigree de l’assistant des Hornets est loin d’être dégueu : avec trois décennies passées en NBA (17 en tant que joueur et 11 sur les bancs), “The Beast of the East” connait le milieu. Lui qui a marqué les années 1990 avec les Knicks en étant l’un des principaux rivaux de Michael Jordan est même un Hall of Famer respecté. Depuis sa retraite, il a collaboré avec Jeff Van Gundy, son frère Stan ou encore Steve Clifford. En tant que joueur, il a connu John Thompson (en NCAA), Hubie Brown, Pat Riley, Don Nelson, Rick Pitino ou Nate McMillan. De quoi apprendre un peu les ficelles du métier. Mais cela ne suffit pas à faire de lui un candidat crédible. Les Kings misent sur un coach vieillissant et qui semble dépassé (George Karl) et pendant ce temps-là Pat attend sa première opportunité. Il a un temps rêvé des Knicks l’été dernier mais l’arrivée de Phil Jackson, qui a préféré prendre un poulain (Derek Fisher), a abouti à une proposition – head coach de l’équipe affiliée en D-League –  qui ne correspondait pas à ses souhaits. Il a donc décliné et repris le chemin de Charlotte.

Patrick Ewing

Un petit coach ou un coach petit ?
Source : http://onpointpress.net

Le problème, comme l’explique très bien Pat Ewing, c’est que les pivots n’ont pas la cote pour prendre en main la destinée d’une franchise. Parmi les plus connus, Bill Russell (341 victoires pour 290 défaites à Boston, Seattle et Sacramento) et Dan Issel (180-208 à Denver). D’autres intérieurs ont eu leur chance, avec des profils différents de l’ancien n°33. On pense à Kevin McHale, Kurt Rambis ou Phil Jackson (les trois jouaient poste 4). Comme quoi, on peut avoir squatté les raquettes et savoir tenir un playbook, même si la question se pose toujours pour McHale. Au final, ils ne sont que 18 joueurs de plus de 2m05 à avoir eu la chance de devenir coach (Phil Jackson ne mesure “que” 2m03) et seul le boss des Rockets est en activité parmi eux.

Il y a certainement une perception des big men. Ils pensent que les arrières sont le mieux. C’est une ligue très orientée sur les arrières en ce moment, c’est comme ça. – Patrick Ewing.

Il est repris sur le thème par l’une des exceptions à qui il aimerait succéder, Dan Issell.

Un meneur, je pense n’importe quel arrière, sera probablement plus conscient de tout ce qu’il se passe sur l’ensemble du parquet, le rythme global du match. Tandis que les big men s’usent toute leur carrière avec ce qu’il se passe à l’intérieur. Et cela a une certaine validité. – Dan Issel.

Est-ce vraiment juste comme traitement et comme explication ? Les pivots sont-ils plus bêtes que les arrières ? Ne jouent-ils pas dans les mêmes systèmes ? Bien entendu, un point guard est souvent l’extension du coach sur un parquet et c’est à lui de mettre le jeu en place. Du moins quand c’est ce qu’il lui est demandé. Mais peut-on dire qu’un Brian Shaw ou encore un Derek Fisher – tous deux passés par l’attaque en Triangle – étaient des joueurs qui portaient la balle et instauraient les systèmes ? Leur rôle était en tout cas bien moins important sur le parquet que celui de Jason Kidd, même si chez le “Fish”, ce sont sa filiation avec Phil Jackson et ses qualités de leader dans un vestiaire qui lui ont ouvert les portes de Big Apple. Et Steve Kerr, était-il un prolongement du “Zen Master” au point de se voir confier – avec succès – les rênes d’un contender comme Golden State ? N’était-il pas plus unidimensionnel – en tant que joueur – qu’un pivot du calibre de Patrick Ewing ? Surtout, les exemples cités ci-dessus ont-ils passé autant de temps que le grand Pat à bosser pour apprendre le métier d’entraineur ?

Bill Cartwright Patrick Ewing

Bill Cartwright, un pivot qui a réussi sa reconversion de coach. Ou pas.
Source : http://www.nba.com

Si l’on peut comprendre que le passage de joueur à coach paraisse plus logique pour un Jason Kidd qu’à l’avenir pour DeAndre Jordan par exemple – que les dieux du basket nous préservent de cette éventualité –  Patrick Ewing a lui choisi une voie plus longue et formatrice. Il connait maintenant ce poste après une douzaine d’années sur les bancs et il serait temps de ne pas le limiter à un simple gars qui va permettre aux intérieurs de son équipe de se développer. Oui, il a fait du bon boulot dans ce registre avec Yao Ming, Dwight Howard et Al Jefferson. Mais l’ancien pivot des Knicks sait faire bien plus et lui coller cette étiquette est réducteur du chemin qu’il a parcouru pour avoir une opportunité en tant que numéro 1 dans un staff. Et aujourd’hui encore il continue d’abattre un taf énorme en attendant sa chance.

Depuis le premier jour à Houston, j’ai vu à quel point il a bossé. Ses grandes qualités quand il était joueur étaient sa passion et son esprit de compétition. C’est la même chose en tant que coach. À Houston, il voulait tout faire comme Tom Thibodeau : participer aux séances vidéos, aux shootarounds… – Steve Clifford, qui était adjoint de Jeff Van Gundy aux Rockets en même temps que Pat Ewing avant de l’avoir à son tour dans son staff à Charlotte.

Il a seulement besoin qu’une personne sache qu’il est bon. Avec les coaches qu’il a eu, son équipe défendra, maîtrisera le rebond, sera dure et intelligente.

Mais jusqu’à présent, les personnes qui vantent son travail ne sont pas en mesure de lui offrir un job, à moins que Clifford lui laisse le sien. Cela a déjà été le cas le 8 novembre 2013 lorsqu’il a dû subir une intervention chirurgicale et que Patrick Ewing l’a alors remplacé pour un match face aux Knicks. Une Défaite 101-91, alors que les Bobcats ne perdaient que de 4 points à la mi temps. Mauvais discours de coach  Ewing ? Une chose est sûre, l’échantillon est un peu faible pour pouvoir juger. Surtout quand on voit que Brian Shaw a pu torpiller les Nuggets pendant presque deux ans avant de se faire gentiment pousser vers la sortie… Le natif de Kingston lui n’a toujours pas eu cette chance, au grand dam de son mentor à Georgetown.

Il est un joueur intelligent. Il est un grand leader. Mais vous entendez rarement l’association intelligence – taille en NBA ou au collège. Par conséquent vous pensez que les gens qui réfléchissent sur un parquet sont toujours les arrières. Patrick souffre de cela. Vous savez ce que je respecte le plus chez lui ? Il n’attend pas qu’on lui offre cela sur un plateau. Il mérite une opportunité d’entrainer. Ce n’est pas comme s’il avait choisi une approche fainéante parce que son nom est connu ou autre. – John Thompson.

Gérard est d’accord, les arrières ne réfléchissent pas toujours. Mais être travailleur n’est pas non plus un accessit pour un poste de coach en NBA. Tom Thibodeau a roulé sa bosse plus de 20 ans dans différents staffs avant de s’occuper des Bulls, deux décennies où il n’a pas chômé. Être un Hall of Famer non plus n’ouvre pas forcément les portes. Kareem Abdul-Jabbar a également espéré un temps trouver une place importante sur un banc, et il a dû se contenter de postes d’assistants. Espérons pour Patrick Ewing que la combinaison des deux lui offrira un jour une opportunité…

Même s’il se plante, il mérite cette chance. Byron Scott est inutile aux Lakers. La blague Randy Wittman commence à être longue à Washington. Kevin McHale laisse bien James Harden le sortir de la merde. Terry Stotts pourrait bien perdre son poste maintenant qu’il n’a plus de 5 majeur. Flip Saunders et George Karl ont dépassé la date de péremption. Question : ces six mecs-là méritent-ils aujourd’hui plus que Patrick Ewing de coacher ?

Source image : thebiglead.com


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