Jeudi soir, je me doutais que la saison des Bulls touchait à sa fin avant même que la rencontre débute. Que ces mois faits d’espoir mêlé de frustration allaient laisser place aux regrets. Et au grand ménage qui viendra balayer cinq années souvent dures, parfois cruelles, mais pourtant si belles.
Alors bien sûr, différents sentiments sont présents. La déception d’une nouvelle fin de saison, la colère de ne pas avoir vu le potentiel de l’effectif exploité ou encore la frustration de devoir une fois de plus s’incliner devant LeBron James. Mais plus que tout, une forme de tristesse s’installe car cette défaite sonne le glas de l’ère Thibodeau à Chicago. Et aujourd’hui encore, c’est cela qui prédomine, l’analyse attendra encore que l’émotion soit retombée.
Beaucoup critiqué et dénigré depuis quelques mois, “Thibs” a pourtant été le fondateur d’une période plus glorieuses que les 15 années précédentes dans l’Illinois, mais avec la même issue : des saisons vierges de titre pour les Bulls. Un constat froid et implacable. Comme si rien d’autre n’existait en dehors du Larry O’Brien. L’échec, voilà ce que l’histoire retiendra, surtout après un match qui a balayé la fierté que Tom Thibodeau avait ramené à Chitown.
Bien entendu, les méthodes du gourou des Bulls avaient leurs limites. Mais en attendant, seuls les Spurs (268), le Thunder (266) et le Heat (261) ont gagné plus de matches que ses hommes (255) lors des cinq dernières années. Le tout sans jamais se plaindre des absences, dont 213 rencontres manquées (sur 394) pour son franchise player Derrick Rose. “Nous avons ce qu’il faut pour gagner” répétait-il à chaque coup dur, refusant de voir ses ambitions à la baisse. Avec sa défense et ses principes rigoureux, Thibs a refait de Chicago une place forte de la Ligue. Et créé une identité. C’est celle-ci – déjà ébranlée par cette saison – qui est sur le point de disparaitre avec le départ probable du coach. Pas de titre donc, mais d’autres victoires face à l’adversité qui font que cette génération-là aura marqué les fans des Bulls à défaut d’avoir une place de choix dans l’histoire. C’était ceci qui rendait cette équipe admirable : jamais elle ne baissait les bras et son envie était contagieuse.
Des matches remportés à l’arrache grâce à une intensité et une générosité devenues marque de fabrique de la franchise, des héros improbables, voilà ce que je retiens. Du titre de MVP de Derrick Rose à sa chute puis sa rechute, de la saison 2013-14 d’un Joakim Noah magique à la déception d’une élimination sans gloire face aux Wizards, sans oublier les éclats d’un Nate Robinson, les dunks d’un Taj Gibson ou la défense d’un Jimmy Butler. Des instants inoubliables. Les progressions des uns et des autres, cette énergie qui avait fait des Bulls une équipe crainte par les autres franchises, tout cela est un échantillon de ce que “Thibs” a apporté et que beaucoup semblent oublier aujourd’hui. Pas moi.
Ce style si particulier, rarement beau, mais avec un tel investissement de la part des joueurs qui ont fait que les fans des Bulls se retrouvaient dans cette équipe. Que chaque coup dur pour les Bulls l’était aussi pour eux. Et comme jamais Thibodeau et ses hommes ne se laissaient abattre, ils continuaient eux aussi à y croire. Tout comme moi. Tout cela touche à sa fin. Si le sort de “Thibs” semble être scellé, que va-t-il en être de ses soldats ? Gar Forman n’avait pas hésité à sacrifier Luol Deng pour des considérations salariales il y a une quinzaine de mois. Qu’en sera-t-il des Kirk Hinrich, Taj Gibson et Joakim Noah, fidèles parmi les fidèles, hommes de main du coach. Seront-ils toujours indispensables alors que cette saison n’a pas été leur meilleure d’un point de vue individuelle ? Une chose est sûre, ils ne devraient plus être les têtes de proue de la franchise laborieuse. Dans l’effectif ou non, ils vont laisser ce rôle à Jimmy Butler. Le nouveau visage des Bulls, c’est “Buckets”.
Dans un roster plus porté sur l’attaque que par le passé (Pau Gasol, Nikola Mirotic, Doug McDermott), il est celui qui va assurer la continuité, celui qui sera l’image de la franchise, celui qui portera les valeurs de travail et qui rappellera l’importance de la défense. Au moment où cette équipe construite en grande partie via la Draft peut disparaitre, il reste ce goût d’inachevé. Et plus que toute colère ou frustration, c’est le coeur lourd que j’ai dû éteindre la télé. Pas à cause de la défaite, ou pas seulement. Mais plutôt en souvenir des victoires de ce groupe amené à disparaitre, sans laisser plus de traces que des moments gravés dans ma mémoire. La NBA est un business où les sentiments n’ont pas de place, surtout pour les perdants, aussi valeureux soient-ils.
En attendant, je m’accrocherai à ce rêve fou : il y a 20 ans, les Bulls perdaient 4-2 en demi-finale de conférence après le retour de leur meilleur joueur avant de réaliser la plus belle saison de l’histoire. Alors bien sûr, Derrick Rose ne sera jamais Michael Jordan et revenir de blessure n’est en rien comparable à sortir de sa retraite. Et alors ? Ca ne sera pas suffisant pour m’empêcher d’y croire et de continuer à voir rouge. Avec ou sans le Général Thibodeau et ses soldats.
Source image : www.sbnation.com, montage TrashTalk