On en a gros : le jour où ils ont refusé de jouer le All-Star Game
Le 01 mars 2015 à 19:01 par AlexB
Nous sommes le 14 janvier 1964 et le All-Star Game de Boston commence dans deux heures. Tout le gratin est présent, seulement Walter Kennedy, patron de la NBA, vient d’apprendre que les joueurs ont décidé de faire grève.
Petits salaires, des voyages à rallonge et peu de garanties pour les joueurs une fois leurs carrières terminées, ils en ont gros. Pourtant, tout était réuni pour faire de ce match une fête énorme : la salle de Boston accueille l’équipe de 1946-47 au complet, un cheptel d’anciennes gloires qui doivent jouer un match de retraités en lever de rideau et ni plus ni moins qu’une rencontre regroupant Bill Russel, Wilt Chamberlain, Jerry West, Oscar Robertson, Elgin Baylor, Jerry Lucas, John Havlicek, et Lenny Wilkens entre autres. Cerise sur le gâteau : Red Auerbach coachait l’Est, les caméras sont braquées sur cet événement. En effet, ABC retransmet la rencontre à une époque où l’économie de la NBA est encore fragile, seulement voilà, dans le vestiaire on en a gros. Et un homme va monter au créneau en compagnie des joueurs, un avocat nommé Larry Fleisher qui va conseiller et soutenir les joueurs dans leurs revendications, en particulier Bill Russell, Tom Heinsohn et Lenny Wilkens, les trois qui ont décidé en premier de la grève. Ils ne joueront pas sans un accord portant sur les retraites.
Un journaliste (David Halberstam) va être témoin du vote qui a eu lieu dans le vestiaires pour savoir si oui ou non il fallait se mettre en grève : 11 joueurs votent pour, 9 sont contre et préfèrent jouer d’abord et négocier après, notamment Wilt Chamberlain (pas en reste pour ce qui est de penser qu’à sa gueule). Le débat est donc partagé et ça continue de discuter si le mouvement doit être maintenu. Le débat arrive à un point où les joueurs préférant jouer sont sur le point de convaincre la rébellion de laisser tomber et jouer le All-Star Game. A ce moment-là, le propriétaire des Lakers envoie un message aux vestiaires, à Jerry West et Elgin Baylor, leur ordonnant d’enfiler un short et d’aller sur le terrain. Le résultat escompté est inverse, la message général dans le vestiaire est le suivant : « Qu’ils aillent se faire voir, on ne jouera pas ». Les joueurs le font savoir aux hautes instances. Non seulement la tenue du match est compromise mais ABC menace également de mettre fin à un contrat de 4 millions de dollars sur 5 ans. Walter Kennedy les a dans un presse-agrumes, il accepte finalement de faciliter la mise en place d’un fonds de retraite pour les joueurs avec les propriétaires.
Bien loin d’être un caprice collectif de divas, ce mouvement de protestation a creusé un peu plus les fondations d’une nouvelle NBA, elle qui était à cette époque en plein changement. Imaginez une équipe de sport professionnel qui fait jouer 5 joueurs afro-américains au milieu des années 60, il fallait en avoir dans le short : les Celtics l’ont fait. Tout comme défier le patron de la ligue au risque de se retrouver à la porte malgré leur statut de joueurs majeurs et les figures de proue de la NBA. Un homme a travaillé dans l’ombre pour cet accomplissement, c’est Larry Fleisher. L’avocat, au départ assistant de la résistance, a fondé l’association des joueurs (créée en 1954, le premier président était Bob Cousy, Fleisher la dirigera de 1962 à 1968), son but initial étant de réduire les tournées promotionnelles et surtout assurer les joueurs d’être payés pour leurs apparitions. C’est seulement à partir du milieu des années 1960 que les revendications de l’association tourneront autour des pensions de retraite, une assurance blessure et les salaires minimum. Fleisher ne s’arrêtera pas là puisqu’au terme de son mandat, il conseillera l’association des joueurs de façon bénévole pendant 19 ans. Il aura entre autre permis aux joueurs d’être agents libres en défendant ce droit devant le Congrès (rien que ça), assisté la réalisation de la fusion entre la NBA et la ABA et l’instauration du plafond salarial ainsi que des pénalités pour les joueurs consommant des drogues dures. En toute logique, il est entré au Hall of Fame en 1991.
Les revendications abouties, la NBA a pu continuer à changer : cet événement a permis aux joueurs d’obtenir plus de sécurité financière pendant leur carrière et une fois qu’ils ont raccroché leurs baskets, à moins de s’appeler Antoine Walker. C’est également les prémices des gros contrats avec plein de zéros, assez pour nourrir la famille de Latrell Sprewell aujourd’hui.
Source : “The Book of Basketball” de Bill Simmons
Source image : kaamelott.tv