Simple grand coach défensif ou excellent tacticien ? La saison décisive pour Tom Thibodeau

Le 05 août 2014 à 09:57 par David Carroz

À un peu moins de trois mois du début de la saison régulière, on commence à y voir un peu plus clair sur les forces en présence pour l’année à venir en NBA. Si certains joueurs majeurs (ou appelés à le devenir) sont encore dans l’expectative quant à leur futur proche (Greg Monroe, Eric Bledsoe voire Kevin Love et Andrew Wiggins, même si pour ces deux derniers tout semble bouclé ou presque), les effectifs sont dans l’ensemble proches de leur version finale, à quelques chauffeurs de banc près. Durant cette période estivale, certains ont su tirer leur épingle du jeu. Les Cavs bien sûr, avec le retour de King James, mais également Chicago. Tom Thibodeau dispose aujourd’hui du meilleur roster de sa – courte – carrière en tant que head coach. Les attentes sont grandes, à lui d’y répondre et de confirmer qu’il est bien l’un des techniciens les plus doués de la ligue. 

Pour prendre conscience de la pression que va subir coach Thibs, commençons par jeter un oeil au recrutement des Bulls pendant cette intersaison. La superstar attendue (Carmelo Anthony) n’est pas venue prêtée main forte à Derrick Rose, mais cela est probablement un mal pour un bien. À la place d’un gros contrat qui aurait certainement réduit de manière considérable la marge de manoeuvre de la franchise de l’Illinois pour les prochaines saisons, Chicago récupère un duo espagnol, sans se séparer de ses hommes de bases (Taj Gibson, Jimmy Butler) qui auraient pu faire leurs valises pour libérer de la masse salariale. Ainsi, l’expérimenté Pau Gasol et le prometteur Nikola Mirotic viennent remplacer Carlos Boozer, finalement amnistié, pour former l’un des meilleurs front court de la ligue. Une première amélioration.

Mirotic et Gasol, deux nouvelles cartouches pour Tom Thibodeau

Source : M. Spencer Green – Associated Press

Ensuite, pour compenser le départ de D.J. Augustin (free agent, il a signé à Detroit), Gar Forman et John Paxson ont choisi de miser sur Aaron Brooks. Après Nate Robinson il y a deux ans et donc le néo-Piston l’an dernier, Tom Thibodeau disposera une nouvelle fois d’un meneur scoreur en sortie de banc. Potentiellement, pas de perte en terme de qualité pour l’effectif.

Du scoring, il en faut aux Bulls. À la traine dans ce secteur de jeu depuis deux saisons, l’équipe devait se renforcer. Le front office a donc misé gros lors de la draft, en envoyant ses deux choix (le 16ème et le 19ème) contre le pick des Nuggets (11ème position) pour récupérer celui qui les faisait saliver depuis quelques temps, Doug McDermott. Quoi, un mec capable de shooter à Chicago ? No way ! Et bien si, les Bulls n’ont pas hésité à se montrer agressifs pour pouvoir drafter celui qui vient de réaliser l’une des meilleures saisons offensives (statistiquement parlant) de l’histoire de la NCAA avec 26,7 points à 52,6% dont 44,9% longue distance en 33,7 minutes. La preuve avec son shot chart de l’an dernier.

McDermott’s shot chart last year. Pick-and-pops, pin-downs — whatever — get him open and get him the ball. pic.twitter.com/ut2PQ4JzCM

— D.J. Foster (@fosterdj) 27 Juin 2014

Le graphe des shoots de McDermott l’an dernier. Pick and pop, pin downs, peu importe. Libérez-le et donnez-lui le ballon.

Sa Summer League tend à confirmer ses capacités, même si bien entendu l’adversité n’était pas celle d’une saison NBA. En quatre matchs, il a tourné à 18 points à 44%, idem à 3 points. Un Kyle Korver en plus physique, un sacré bonus pour une équipe qui devait tourner avec seulement Jimmy Butler Mike Dunleavy et Tony Snell sur les postes 2 et 3 l’an dernier. Là encore, amélioration dans le roster de Tom Thibodeau. Certes, “Dougie McBuckets” ne va pas scorer 20 points par match, mais dans la NBA actuelle, un shooteur de sa trempe est un vrai facteur X pour une équipe. Il sera une véritable menace offensive qui devra profiter des pénétrations de Derrick Rose pour bénéficier de shoots ouverts, mais qui facilitera également le jeu de son franchise player en obligeant les défenses à se méfier de lui.

Car oui, D-Rose est de retour. Loin de nous l’idée de nous enflammer et de voir déjà en lui le MVP de 2011 avant même qu’il ait refoulé les parquets NBA, mais force est de constater que l’impression laissée par le meneur depuis le début du camp de Team USA est très bonne et pousse à l’optimisme. Sa vitesse et son explosivité sont là, reste à confirmer. De toute façon, même un Rose à 70% représente un mieux par rapport à Kirk Hinrich en tant que point guard titulaire.

En résumé, Tom Thibodeau se retrouve avec 10 joueurs pouvant contribuer de manière consistante dans son effectif, 11 si Tony Snell confirme la bonne impression laissée en Summer League. Un luxe pour le coach qui a dû jongler avec des groupes bien plus réduits lors des deux dernières saisons, entre les blessures et les restrictions budgétaires imposées par le front office (départ  en tant que free agent d’Omer Asik, Kyle Korver, Ronny Brewer, C.J. Watson qui étaient des membres essentiels du banc des Bulls en 2011 et 2012, trade de Luol Deng en janvier dernier). Plus besoin de faire jouer 40 minutes par match à ses titulaires.

C’est justement là que coach Thibs va être attendu. Depuis son arrivée à Chicago il y a 4 ans, il s’appuie sur un 5 majeur performant (ou au moins 3 ou 4 joueurs) qui laisse beaucoup d’énergie en saison régulière. Derrick Rose (en bonne santé), Jimmy Butler, Joakim Noah ou encore Luol Deng (avant son départ) étaient coutumiers des matchs à plus de 40 minutes. Était-ce seulement une obligation due à la différence de niveau avec la second unit ou un choix délibéré ? Le débat a souvent été soulevé dans l’Illinois, certains n’hésitant pas à déclarer que les blessures des joueurs résultaient en partie de leur utilisation excessive par Tom Thibodeau. Cette saison, plus d’excuse. Si on considère que la starting lineup devrait être Rose – Butler – Dunleavy – Gasol – Noah, le second 5, bien qu’inférieur, est sur le papier l’un des plus performant de la ligue : Brooks – Hinrich – McDermott – Mirotic – Gibson (Snell pouvant prendre la place d’un des postes à l’arrière).

Tom Thibodeau discutant avec Derrick Rose au camp de team USA

Source : Andrew D. Bernstein – Getty Images

Avec autant de possibilités dans ses rotations, on attend de lui qu’il gère ses troupes comme Popovich peut le faire à San Antonio. Gagner des matchs en saison régulière, c’est bien. Mais c’est en PlayOffs qu’il faut être au top. Thibodeau va donc devoir négocier au mieux le temps de jeu des uns et des autres pour maintenir son groupe en bonne santé. Et aussi pour ne pas froisser les égos. Si les jeunes (Snell, McDermott) ainsi que le coéquipier modèle Kirk Hinrich ne devraient pas se plaindre d’un temps de jeu fluctuant, qu’en sera-t-il pour le secteur intérieur ? Joakim Noah, Pau Gasol, Taj Gibson et Nikola Mirotic devront se partager deux fois 48 minutes à chaque match. Pas gagné. Comment le sixième homme des Bulls (Gibson) acceptera-t-il de voir son temps de jeu potentiellement réduit par rapport à l’an dernier ? Nikola Mirotic n’a pas non plus fait le grand saut en NBA pour user son short sur le banc de touche. Une saison d’adaptation avec un rôle réduit pour lui ? À voir. Alors quand l’équipe gagnera, tout passera tranquillement, la victoire justifiant les choix de Tom Thibodeau. Mais en cas de défaite ?

À lui de s’adapter et de faire varier les temps de jeu en fonction de l’adversaire, car il dispose de suffisamment d’armes pour rendre fou tout type d’adversaire en alignant un 5 différent en fonction de la rotation en face. Cette saison, si la défense devrait être une nouvelle fois la marque de fabrique des Bulls, il faudra aussi que Tom Thibodeau s’appuie sur un jeu offensif plus performant maintenant qu’il a les joueurs pour. Reste à voir s’il saura s’adapter. On ne joue pas de la même façon avec un 5 Rose – Butler – Snell – Gibson – Noah (le 5 défensif type probablement) qu’avec Brooks – Rose – McDermott – Mirotic – Gasol (j’ai choisi la solution offensive, dur d’imaginer Thibs jouer comme cela). Pourtant, il devra jongler en fonction des situations et tirer le meilleur des qualités de chacun de ses joueurs en les associant de différentes façons. Il dispose de 82 matchs pour trouver comment optimiser les rotations et arriver avec de nombreuses solutions en PlayOffs. Sa capacité à jongler avec les différents matchups au cours de la saison sera scrutée et il devra se montrer à la hauteur.

Les PlayOffs, venons-y justement. En quatre exercices à Chicago, Tom Thibodeau a toujours emmené ses ouailles au tournoi final. Avec des réussites diverses en fonction de l’adversaire et de l’état de forme des troupes, mais en saison régulière, son bilan est de 205 victoires pour 107 défaites, aucune saison en dessous des 50%. C’est en post season que ça coince. Totalement dominés par le Heat en finale de conférence en 2011 puis en demi-finale en 2013, surpris au premier tour par les Sixers en 2012 et par les Wizards l’an dernier, les Bulls n’arrivent pas à élever leur niveau de jeu. Certes, les dernières contres performances peuvent s’expliquer par l’absence de Derrick Rose, mais ce n’est pas le seul souci. À trop tirer sur la corde pendant la saison régulière et en jouant chaque match comme s’il s’agissait d’un Game 7 de NBA Finals, les joueurs sont cramés physiquement et mentalement au moment de franchir un palier supplémentaire. L’équipe semble armée pour ne plus connaitre les mêmes carences, à Tom Thibodeau de maitriser sa saison régulière pour que les déconvenues ne se produisent plus.

Les Wizards exultent et éliminent les hommes de Tom Thibodeau

Source : AP Images

Et là il faudra sortir d’un tableau bien plus homogène que les saisons précédentes. Cavaliers, Hornets, Wizards, Raptors, Heat… même si la conférence Est reste globalement inférieure à sa soeur de l’Ouest, les équipes au top sont très proches. Et encore, la blessure de Paul George laisse pour l’instant Indiana de côté, sinon même le premier tour aurait pu ressembler à un coupe-gorge. Là, dès le second tour il faudra être au top pour ne pas se faire surprendre. En cas de défaite anticipée, Tom Thibodeau risque de rapidement se trouver sur le banc des accusés.

En effet, ne nous voilons pas la face. Cette équipe des Bulls est taillée pour remporter une soixantaine de matchs en saison régulière et finir dans le top 2 à l’Est. Ensuite, toute élimination avant la finale de conférence (voire NBA Finals…) sera un échec. Les observateurs chercheront toute sorte d’explication, mais Gar Forman saura vers qui se tourner, et ce sera Tom Thibodeau. N’oublions pas que les relations entre les deux hommes ne sont pas des plus chaleureuses et une lutte d’influence existe. De là à faire sauter coach Thibs en fin de saison ? La question ne se posera peut-être pas, mais cela rajoute encore plus de piment à l’exercice à venir pour le technicien des Bulls.

L’été de Tom Thibodeau est donc pour l’instant radieux : retour de son franchise player qu’il peut observer au sein de Team USA, recrutement de qualité… de quoi ouvrir l’appétit des Bulls et de leur coach pour la saison à venir. Derrick Rose lui-même l’a dit, c’est le meilleur groupe avec lequel il ait évolué depuis son arrivée dans la ligue. Cela semble en tout cas le plus complet, seuls les Spurs pouvant proposer une telle profondeur d’effectif. Le revers de la médaille, c’est que Chicago est maintenant attendu, surtout drivé par un entraineur avec une telle réputation. Avec des rotations réduites, il a su mener Chitown en PlayOffs grâce à une défense de fer et une intensité de tous les instants. Avec son nouveau roster, se qualifier en post season ne sera pas suffisant. Il faudra aller le plus loin possible, et Tom Thibodeau sera l’artisan d’un triomphe ou d’un échec. Gar Forman lui a donné le matériel pour se mêler à la lutte pour le titre. À Thibs d’assurer maintenant.

Source image de couverture : TrashTalk


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