L’affaire Donald Sterling : la meilleure réponse se trouve sur le terrain pour les Clippers
Le 27 avr. 2014 à 09:42 par Bastien Fontanieu
Depuis quelques heures, les Clippers font l’actualité. Malheureusement, ce n’est pas pour leur parcours solide jusqu’ici en PlayOffs. Propriétaire de la franchise depuis des décennies, Donald Sterling a encore fait fort avec ces propos racistes qui ont secoué la planète basket hier soir. Réactions à chaud, rébellion, boycott : quelle réponse aborder aujourd’hui face à une telle situation ?
L’attitude quasi-naturelle prise par de nombreux lecteurs, les nôtres comme ceux des autres sites ayant pu découvrir ces paroles outrageuses, a été plus ou moins la même. Sanction, insultes, appels à la peine de mort et autres joyeusetés ont traversé la Toile et permis ainsi à chacun d’exprimer ses positions comme ses principes fondamentaux devant un tel affront. Le racisme ? Dans le basket, ou le sport en général ? Une histoire vieille comme le monde, Bill Russell peut en témoigner le premier. Des propriétaires aux fans en passant par les commentateurs, nombreuses furent les affaires de racisme qui ont traversé nos années de mariage avec la NBA. Cependant, quelques campagnes avaient pu passer dans la Ligue et David Stern avait réussi un boulot de nettoyage plutôt solide dans les quatre coins de son immense entreprise pour permettre à son image de rayonner partout dans le monde, avec ce sourire si honnête et pourtant si pervers. La meilleure ligue de basket du globe restait hélas infestée de proprios plus chelous les uns que les autres, sans que de véritables décisions soient prises pour réguler tout ce beau bordel. Le tout menant, bien évidemment, à l’incident d’hier.
Du coup, comment la NBA pouvait-elle laisser passer de telles énormités par le passé, en sachant que ce même Sterling disait un jour à Elgin Baylor (General Manager des Clippers à l’époque) “j’aimerais bien avoir un jour un coach blanc du Sud qui entraine des pauvres joueurs noirs”, faisant référence à la traite négrière du pays de l’Oncle Sam avant le XIXe siècle ? La différence venait-elle seulement du fait que ces propos n’avaient pas été tenus en public ? Et comment peut-on prendre l’enregistrement fourni hier par le site TMZ comme une source fiable, quand on sait que ces propos étaient censés être ‘tenus en privé’ ? Peut-on faire entrer des sanctions financières dans des sujets aussi importants ? Toutes ces questions, et ces témoignages répétés de racisme émanant du camp Sterling, seule la NBA peut y répondre. Avant, c’était David Stern qui s’en chargeait. Les amendes à gogo, le dos bien droit, les décisions fermes et pas la moindre remise en question de son autorité. Aujourd’hui, c’est Adam Silver qui est en charge. Le nouveau boss de la Ligue, débarqué en Février dernier, possède déjà un cahier bien chargé : après l’affaire Jason Collins qui retrouve la NBA chez les Nets après avoir ouvertement annoncé son homosexualité, le jeune chef doit montrer son caractère et sa position sur un sujet aussi explosif. Seulement, son siège n’est pas aussi douillet qu’il peut paraitre. Après tout, Adam Silver est un employé de Donald Sterling, non ? Les propriétaires de la NBA ne sont-ils pas les rois au pays de la balle orange, puisqu’il possèdent la “moula” ? S’il n’existe pas de véritable code de conduite concernant les multimillionnaires qui aiment voir des types transpirer en courant derrière une balle, il convient tout de même de prendre des positions fortes quand le contexte le demande : on parlait de Jason Collins et son homosexualité il y a quelques temps, comment ne pas se souvenir de Magic Johnson annonçant sa séropositivité en 1991, avec David Stern à ses côtés et la Ligue en soutien ? Si le sport et la NBA dans ce cas précis doivent rester concentrés sur leur discipline à la base, il convient tout de même de taper du poing sur la table quand le besoin se fait ressentir, et qu’un virage peut être abordé par toute une société. Telle est la démarche que TrashTalk prend également aujourd’hui, pour véhiculer un discours de paix et de progrès.
Ainsi, la meilleure réponse, ce n’est pas celle de Magic Johnson, qui sur Twitter élargit sans le vouloir le fossé existant aux États-Unis entre les communautés blanches et afro-américaines, tout comme Sterling le fait initialement. Non, la meilleure réponse, elle se retrouve sur le terrain, celui du sport. De la pratique collective, de ces valeurs mises en avant par Pierre de Coubertin et autres James Naismith. Le basket, qui nous rassemble quelles que soient nos couleurs et nos origines, que tu sois blanc, bleu, rouge, noir, jaune, violet ou autre. Ces quatre lignes et ce coup de sifflet qui mettent sur le banc de touche les préjugés et balancent des fautes flagrantes immédiates aux stéréotypes. C’est dans cette direction notamment que Doc Rivers a décidé d’aller, en proposant un discours exemplaire face à la presse hier. Le coach des Clippers n’est pourtant pas le dernier à sortir des conneries, mais quand il s’agit de sujets chauds et sérieux, le leader de la franchise sait prendre les devants, et avec classe.
“Ce n’est pas une question de couleurs, c’est une question d’être humain. […] Personne n’était heureux d’entendre ça, J.J. Redick était aussi énervé que Chris Paul, et cela devrait être le cas. Cependant, notre but est de remporter un titre NBA et on ne va rien laisser se mettre en travers de notre route. La Ligue s’occupera de cette affaire, l’Association des Joueurs aussi. Le plus important message que l’on puisse faire passer en tant qu’hommes, pas juste noirs mais tous ensemble, c’est de rester groupés et de montrer notre solidité collective. C’est facile de manifester, notre manifestation se trouvera dans notre jeu.”
Un message qui devrait résonner dans tous les couloirs de la Ligue et autres oreilles de passionnés ne sachant pas comment prendre cette affaire. Les rumeurs de boycott ont bien eu lieu, et elles méritaient bien évidemment d’être envisagées. Kobe Bryant ou LeBron James dévoilant immédiatement une douleur palpable dans leurs propos, en affirmant qu’ils ne joueraient probablement pas pour un tel propriétaire. Cependant, les Clippers perdraient la notion de séparation des pouvoirs qui existe en NBA en refusant de jouer demain ou par la suite (boycott qui, on le signale, a été écarté des possibilités selon plusieurs sources). Cette séparation qui leur demande de jouer au basket, et qui poussera Adam Silver à prendre seul une décision rapide et exemplaire pour éviter à ce type d’incident de se reproduire. La solution sera-t-elle financière ? Les fans devraient-ils refuser de voir les Clippers à la télé ou d’acheter des billets pour aller les voir ? Pas sûr, même si le message pourrait être fort. Après tout, ce cher Sterling est plutôt du côté de la descente que de la montée quand on voit sa date de naissance, et il y a de fortes chances pour que son fils prenne les rênes de la franchise dans les années à venir. Est-ce qu’Adam Silver pourra forcer au coupable de rendre le tablier pour montrer la voie et imposer sa poigne après seulement quelques semaines dans son nouveau bureau ?
Tant de questions et d’incertitudes, en plein milieu de ces PlayOffs qui nous réservent des surprises soir après soir. Si Vince Carter a réussi à apporter quelques réponses et de nombreux frissons aux fans lors du thriller d’hier à Dallas, Adam Silver aura pour mission de frapper fort pour éviter que ces événements malencontreux ne se reproduisent dans sa Ligue. Cette NBA que l’on affectionne tant, et qui ne mérite pas des gens comme Donald Sterling. Cependant, la réponse qu’on connait déjà, elle se trouve sur le parquet. Et c’est sur celui des Warriors qu’on espère voir les Clippers l’emporter ce soir, juste pour la glisser à leur propriétaire.