Le basket est un sport collectif collectif c’est indéniable. C’est normalement la meilleure équipe qui est récompensée en juin ou du moins celle qui a su faire la différence au bon moment. Dans la Grande Ligue, le niveau est tel que ce sont les franchises les mieux organisées, les mieux structurées qui ont le plus de chances de remporter le titre suprême. Cependant, l’Histoire ne ment pas et si on regarde les résultats sur les 30 dernières années, on se rend compte que, sans véritable star, sans “franchise player”, il est quasiment impossible d’aller au bout…
Depuis 1984, et l’ère plus ou moins moderne de la NBA, une seule équipe peut se targuer d’avoir contrarié cette théorie et avoir gagné une bague sans réel franchise player : les Pistons de 2004. Cette équipe de Detroit dirigée par Larry Brown a été l’exemple parfait du collectif mené à la victoire. Bien sûr, Chauncey Billups a été élu MVP des finales cette année-là. “Mister Big Shot” a marqué les esprits avec des tirs énormes et très clutch mais était-il réellement ce qu’on pourrait appeler le “franchise player” de ces Pistons, leur meilleur joueur ? Franchement, ce n’est pas sûr ! Lors de cette campagne de PlayOffs 2004, Billups a tourné à 16,4 points, 6 passes décisives et 3 rebonds par match. C’est pas mal du tout mais à ses côtés, il y avait un Rip Hamilton qui a tourné à 21,5 points, plus de 4 passes décisives et presque 5 rebonds de moyenne. Pas mal non plus, non ? Au poste 3, le jeune Tayshaun Prince, qui effectuait alors sa deuxième année dans la ligue, avait un rendement statistique bien moindre que ces deux compères arrières (10 points et 6 rebonds) mais il était déjà assigné aux tâches défensives sur le meilleur extérieur adverse et il s’y adonnait avec toute l’application qu’on lui connait. Dans la raquette, les deux Wallace étaient une paire d’intérieurs extrêmement complémentaires. Le Sheed : un excellent défenseur, trashtalker de son état et capable de martyriser l’adversaire derrière l’arc. Big Ben : un agent spécial en mission défensive permanente, un contreur de tout premier ordre, un excellent rebondeur et un mental d’acier.
Cette équipe des Pistons était un tout. Une combinaison de joueurs ultra complémentaires maniée à la perfection par Coach Brown. Un collectif dans lequel chacun connaissait son rôle : Billups en chef d’orchestre clutch, Rip Hamilton en sniper, Tayshaun Prince en araignée extérieure, Rasheed Wallace en… Sheed et Big Ben en gardien du temple et, croyez-moi, il était bien gardé ! Bref, en 2004, un collectif sans réelle star, sans franchise player attitré, a dominé la NBA.
Sinon, depuis 1984, toutes les équipes championnes avaient au moins une grande star dans l’effectif. Les Celtics de Larry Bird (avec McHale et Parrish), les Lakers de Magic (avec Worthy et Jabbar), les Bad Boys d’Isiah Thomas (avec Rodman et Joe Dumars), les Bulls de Jordan (avec Pippen, Grant puis Rodman), les Rockets d’Olajuwon (avec Drexler notamment), les Spurs de Tim Duncan (avec Robinson puis Parker et Ginobili), les Lakers de Shaq (avec Kobe), le Heat de Wade (avec Shaq notamment), les Celtics du Big Three Pierce-Allen-Garnett, les Lakers de Kobe (avec Pau Gasol), les Mavericks de Dirk Nowitzki (avec Shawn Marion et Jason Terry) et enfin, le Heat de LeBron James (avec Wade et Bosh). Toutes ces superbes équipes qui ont ramassé les 30 derniers titres, sauf celui de 2004 donc, étaient des équipes guidées et tirées vers le haut par un ou plusieurs immenses joueurs.
Bien difficile donc d’espérer échapper à cette “règle” sans un joueur dominant. Aujourd’hui, à l’aube de ces PlayOffs 2014, une seule équipe peut être éventuellement comparée aux Pistons de 2004 dans le sens où elle n’a pas de réelle star, pas de franchise player identifié mais qu’elle peut tout de même s’avérer très compliquée à jouer lors de la post-season qui se dresse devant nous. Il s’agit de Memphis ! Qu’on aime ou pas le style lent, sous-athlétique et ultra-défensif de ces Grizzlies, il faut bien reconnaître que Marc Gasol et sa bande représentent un collectif soudé, parfaitement huilé et prêt à relever tout type de défis pendant les joutes de PlayOffs qui arrivent. Et surtout, attention ! Ne vous fiez pas à la saison régulière ! Memphis a changé de coach cet été, Memphis a dû jouer une partie de l’exercice sans sa plaque tournante, le pivot Marc Gasol et, de toutes façons, les Grizzlies n’ont pas un jeu conçu pour enchaîner les victoires en saison. Ils sont bâtis pour les PlayOffs et ces Oursons au complet seront de sérieux clients pour le Thunder lors de ce premier tour.
Cette équipe de Memphis n’est pas flashy, elle ne possède pas de grande star mais une multitude d’excellents basketteurs. Mike Conley est souvent sous-estimé et le duo Gasol-Randolph n’a peut-être que 3 centimètres de détente sèche en cumulé mais il est l’un des plus costauds de la NBA sous les cercles et certainement le meilleur au poste bas. Tony Allen et Tayshaun Prince (Tiens ! Encore lui ?) n’ont toujours pas de shoot mais ce sont des pitbulls en défense capables de couvrir n’importe qui du poste 1 au 4. Il y a du banc avec Courtney Lee et la “Greek Connection” Kostas Koufos – Nick Calathes. Bref, ces Grizzlies – qui avaient fini 5ème à l’Ouest l’an passé pour aller jusqu’en Finales de Conférence – sont parés pour la bataille et peu importe qui va les porter. Peuvent-ils pour autant prétendre à la bague ? A qui David Joerger va-t-il donner la balle dans une fin de match serrée ? C’est tout le souci de ces équipes au collectif rodé mais sans joueurs vraiment au-dessus des autres. Tout le monde doit être au top en défense, tout le monde doit parfaitement appliquer les systèmes et remplir son rôle en attaque. Car sinon, la machine s’enraye et les Grizzlies n’ont pas de Kevin Durant, de LeBron James, de James Harden ou de Stephen Curry pour pendre feu quand ça coince au niveau collectif.
Il parait que le défense fait gagner des titres mais peut-elle faire gagner une équipe défensive sans star offensive ? Bien évidemment, dans le Tennessee, les fans PENSENT certainement que c’est possible. Dans le Michigan, les fans SAVENT que c’est possible mais, dans tous les autres Etats américains, la tendance est plus à la construction de rosters autour d’une ou deux (ou trois) stars quand l’objectif est la bague. Alors oui, le basket est un sport collectif mais il faut bien avouer que “sport individuel qui se joue à plusieurs” pourrait en être une définition tout à fait acceptable…
Source image : randsports.com / got.em