Tout foutre en l’air ou construire sur le présent : comment analyser la situation des Sixers ?
Le 04 nov. 2013 à 18:45 par Bastien Fontanieu
De la même façon que la Linsanity, le coming-out de Jason Collins ou les coupes de cheveux d’Andrew Bynum, le début de saison des Sixers est numéro un des charts dans la plupart des journaux consacrés à la NBA, et pas pour 36.000 raisons. La troupe de Philadelphie, que tout le monde – nous y compris – enterrait avant même que la saison commence, truste la première place de la Conférence Est et envoie de facto son majeur à la face des ‘spécialistes’. For real ?
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Trois matchs, trois victoires, face à deux cadors et un cadeau. Miami, Chicago et Washington, trois villes victimes de la déferlante Sixers, un piratage programmé et totalement inattendu aux quatre coins de la planète basket. Cette franchise, qui porte aujourd’hui si bien son nom en souhaitant déclarer son indépendance comme Thomas Jefferson le faisait jadis en 1776, répandant sa vision de la démocratie aux autres bleds moqueurs avec l’espoir de répandre ses principes sur ses terres, a soif de vengeance. Michael Carter Williams a beau ne pas avoir de perruque et réalisé ses études à Gordonsville, il est actuellement présent dans tous les Starbucks, les barbershops, les télévisions et autres discussions des mamas de la city in Pennsylvanie. Comment comprendre tel début de saison, et surtout, comment imaginer les prochains jours, semaines, mois déjà bouleversés par un tel retournement de situation ?
Personne ne peut s’affirmer médium spécialisé NBA; mis à part David Stern qui tire beaucoup de ficelles en coulisses, mais ça c’est un autre débat. Cependant, on peut déjà voir que le succès de la ville de l’amour fraternel ne laisse personne indifférent, et ce pour de nombreuses raisons. Longtemps moqués, critiqués, comme nous l’avions simplement fait pendant tout l’été suite à l’incompréhensible transfert de Jrue Holiday, les joueurs de Philly se retrouvaient donc sans coach, sans General Manager, lumière ni leader et avec quelques semaines avant le début de saison. Il était alors évident que la franchise jouerait tout sur la prochaine Draft, la monstrueuse cuvée 2014 qui promet d’envoyer quelques franchise-players aux quatre coins du pays de l’Oncle Sam. Sam, Hinkie, GM de la franchise débarqué cet été de son côté, espérait du coup secrètement que son escouade ne fasse que ce qu’elle était supposée faire : courir, se battre, montrer une belle attitude, mais surtout perdre des matchs. Car qui dit défaites dit bonne place à la Draft, un tanking à la mode qui a fait ses preuves récemment et offre aujourd’hui à certaines franchises le bonheur de posséder une pépite exceptionnelle. Mais tout cette histoire, elle était sans compter sur Brett Brown, véritable magicien du basket quand on voit sa première semaine de parcours, qui de la même façon que Rudi Garcia avec l’AS Roma a imposé une discipline et une façon de faire exemplaire aux bambins de Philly. Défense collective, partage de balle, soutien sans faille et activité incessante même quand le moteur tourne au rouge : l’ex-pensionnaire de l’école Popovich a bien fait son entrée dans le monde du coaching NBA, plutôt façon Stalone avec un bon gros chassé signé Caterpillar dans la porte. Une sorte de sorcellerie totalement inattendue, un zest de Thibodeau défensif avec du Rivers en attaque, la pédagogie de Pop et l’autorité de Phil Jackson, qui laisse pantois même si on ne pense pas encore voir une statue être érigée en son honneur après seulement quelques jours d’activité. Cependant, ce que Brown réalise en ce moment relève plus du Prix Nobel de la Classe qu’un simple article sur un site français, et ça, Sam Hinkie l’a bien compris.
Comment réagir donc face à ce ‘scandale’ quand on se met à la place de Hinkie, qui avait mis une croix sur cette saison et commencé à mater en boucle les vidéos d’Andrew Wiggins mouchoirs à la main sur Youtube ? L’engouement populaire suscité par ces quelques victoires ne doit malheureusement pas freiner le plan mis en place par le General Manager des Sixers : si son objectif numéro 1 est de choper un gros poisson en Juin 2014, alors il doit rester attaché à celui-ci. Car aussi belles soient les performances des Thaddeus Young, Spencer Hawes, Michael Carter-Williams et Evan Turner pour ne citer qu’eux, elles ne vont pas nous révolutionner dans notre avis sur ces individus, et dans leur capacité à gérer toute une franchise sur leurs épaules. Non, désolé d’updater certains : on ne construit pas une franchise ni un futur long-terme sur des role-players qui respectent un bon coach, aussi jeune soit-il. Les Sixers doivent s’offrir un joueur d’exception, en plus de ce que MCW semble être, afin de réellement proposer des victoires consécutives et une possible place en PlayOffs. Car on ne va pas non plus rappeler à nos chers lecteurs que les Bobcats avaient commencé la saison passée avec 7 victoires pour 5 défaites, avant de s’écrouler derrière quelques défaites anodines. Les Sixers ont tout pour suivre ce chemin-là, c’est évident, mais Hinkie ne peut pas prendre de risque. Il sait que si sa franchise se bat sur toute la saison et arrive à finir sur un autre strapontin que celui de dernier, son job en tant que General Manager sera remis en question.
C’est pour ces raisons que l’avenir de la franchise se joue sur un pile ou face des plus simples. Pile, les Sixers s’écroulent comme attendu dans quelques jours et enchainent les défaites, pour chuter dans le classement et obtenir leur prochaine victoire en Octobre 2014. Un côté de la pièce qui déplairait certes aux fans de Philly et surtout nous fans de basket, mais arrangerait grandement Hinkie quand on sait le plan qu’il doit tenir. Face, Brett Brown continue son acte de magie et maintient son équipe dans le Top 8 à l’Est aux alentours de Noël. Ce qui forcera du coup le GM à réagir, dans l’ignorance de ses fans : réaliser des transferts forcés pour saboter la machine. Aussi diabolique que ça ? Réfléchissons-y un instant. Avec leurs performances récentes, Young, Hawes et Turner ont offert certes de belles victoires à leur équipe, mais surtout un énorme boost en terme de valeur marchande pour Hinkie qui se frotte les mains : nombreuses seraient les franchises capables de lâcher de bons éléments ou des tours de Draft contre ces jeunes au bon potentiel, alors pourquoi ne les transfèrerait-il pas ? En fin de contrat, Hawes est libre de partir et Turner ne semble pas vraiment s’entendre avec son GM : pourquoi ne pas s’en séparer ? Thaddeus Young, qui montre enfin son leadership et sa polyvalence, fait saliver de nombreux squads en quête d’ailier longiligne capable de se débrouiller comme un grand : que récupérer en retour ? En agissant ainsi, la machine serait déréglée, les Sixers seraient sûrs de retourner dans les tréfonds du classement, et la première place de la Draft leur tendrait grandement les bras. Une façon de pensée malsaine, contre laquelle la NBA devrait se battre, mais qui représente pourtant tellement de General Managers dans la Grande Ligue.
Quel spectacle nous offriront ces Sixers dans les prochains jours ? Quelle place occuperont-ils dans un mois ? Si ces questions en surface peuvent être répondues par beaucoup de monde, les résultats créeront quant à eux un possible chambardement dans le roster de Philadelphie, que Brett Brown l’apprécie ou non. Un iceberg qui ne montre donc que sa partie au soleil, quand on sait que sous l’eau se trouve un énorme bordel à régler et géré par Sam Hinkie… Rendez-vous donc dans quelques semaines, pour voir si cette équipe tiendra bien ses deux registres, ceux des résultats et de son effectif.