Swag, dunk & basketball : sur les pas de Russell Westbrook

Le 04 oct. 2013 à 07:19 par Benoît Carlier

Installé en zone mixte un soir de saison régulière comme les autres, vous attendez patiemment qu’une star des parquets ne se décide à lancer le grand défilé médiatique d’après match. Dans le brouhaha ambiant, vous finissez par ôter les yeux de votre smartphone et remarquez alors une silhouette qui se dessine au fond du couloir. Plus cet inconnu se rapproche et plus les détails se font précis. Chemise à motifs ringards, cravate flashy et lunettes wayfarer dégarnies de verre de correction, à ce stade plus de doute possible. Vous faites face à Russell Westbrook, l’une des plus célèbres têtes brûlées de la Ligue. Mais détrompez-vous, malgré la confiance qu’il dégage, le Californien est conscient que tout lui reste encore à prouver à l’âge de 24 ans. Zoom sur l’un des meneurs les plus atypiques de la NBA.

Bercé par les vagues du Pacifique au sein de la Cité des anges, Russell Westbrook n’a pas vécu que des moments paisibles durant son enfance. Aujourd’hui encore, il reste terriblement marqué par le décès de son ami Khelcey Barrs III, alors qu’il n’avait que 16 ans. Depuis ce jour, Russ’ ne joue plus seulement pour lui, mais aussi à la mémoire de ce jeune virtuose des parquets, emporté par une crise cardiaque alors qu’il disputait une rencontre de basket. Ainsi, vous ne verrez jamais le meneur d’Oklahoma évoluer sans son bracelet gravé des initiales « KB3 ». Une manière pour lui de partager le rêve qu’il avait pu avoir avec son ami jadis, alors qu’ils n’étaient que des adolescents. Les deux hommes s’étaient en effet promis de se retrouver à la Fac de UCLA après leur lycée.

La tragique histoire de Khelcey Barrs III

À UCLA, Russell Westbrook y parviendra justement, formant même l’un des duos 1-5 les plus efficaces de la NCAA aux côtés de Kevin Love. Mais après deux saisons passées à faire danser les cheerleaders des Bruins jusqu’aux portes de la finale (deux Final Four de rang en 2007 et 2008), le numéro 0 se sent appelé par un défi plus grand, la NBA. Malheureusement pour lui, ou peut-être pas d’ailleurs c’est selon, l’édition 2008 de la Draft couronnera un autre meneur dont le talent n’est plus à prouver, Derrick Rose. Ce n’est que quelques minutes après son homologue que Westbrook trouvera son employeur, sélectionné en quatrième position par les Supersonics de Seattle. Il ne le savait pas encore, mais cette soirée bénite du 26 juin 2008 allait aussi le confronter à un choix difficile dans la suite de sa carrière.

En intégrant une franchise faisant peau neuve à Oklahoma City, le kid de Californie s’octroie la chance de vivre et de participer à l’écriture d’une toute nouvelle page de l’histoire du club, celle du Thunder. Et qui de mieux pour l’aider dans sa nouvelle quête qu’un Franchise Player comme Kevin Durant ? Ensemble, les deux compères partageront beaucoup d’émotions, à commencer par la défaite. Les débuts de Westbrook sont encourageants, et il clôture son premier exercice NBA fort d’une moyenne de 15,3 points, 5,3 passes et 4,9 rebonds, faisant de lui la troisième option offensive du club, juste derrière son mentor et Jeff Green. Mais force est de constater que la franchise n’est pas au mieux, affichant un bilan sans appel de 23 petites victoires pour 59 défaites à l’occasion de la première saison de son histoire. On se dit alors qu’il faudra bûcher sec si l’on veut voir ne serait-ce que les PlayOffs du côté du feux Ford Center. Malgré tout, la franchise de l’Oklahoma joue déjà d’une popularité importante au sein de la Ligue et s’attire la sympathie du grand public grâce à des valeurs de jeunesse et de travail. Et ces valeurs seront confortées par le choix judicieux de James Harden en troisième position de la Draft 2009. Avec the bearded man, la folle épopée de l’éclair pouvait commencer.

Une ascension concordante avec le Thunder

Car après son année rookie, Westbrook et le Thunder développent une véritable haine de la défaite. Résultat, en un an seulement, les gamins d’OKC passent des tréfonds du classement à une huitième place à l’Ouest, grâce à un bilan de 50-32 qui les placerait même à la quatrième position dans la conférence voisine. Une équipe était née. En deux ans à peine, Russell Westbrook était déjà devenu indispensable à son équipe, capable de scorer à tout moment de la partie, mais aussi de passer avec plus de huit caviars de moyenne par rencontre. À l’image de son club, le rookie frêle de ses débuts en NBA n’en est plus un, laissant place désormais à un physique proche de celui du quarterback de football américain. Fini les plaisanteries, la nouvelle valeur à la mode à Oklahoma, c’est la gagne ! Et pour allier les gestes à la parole, Durant et son disciple rentrent à la maison victorieux des championnats du monde de Turquie avec le Team USA à l’été 2010. Un premier triomphe pour le duo le plus prometteur de la ligue. Il en appellera d’autres…

Six mois plus tard, les deux inséparables se retrouvent sous le prestigieux maillot rouge de la Conférence Ouest à l’occasion du All Star Game de Los Angeles. C’est avec une faim jamais vue jusqu’alors que KD35 et l’agent 0 se retrouveront en finale de conférence cette même année, toujours stoppés face au futur champion, cette fois texan. Il ne manque d’un rien désormais pour que Russell Westbrook et les siens n’accèdent aux Finals NBA. Suffisait-il de leur demander, les bleus et blancs atteignaient ce stade de la compétition pour la première fois de leur jeune histoire dès la saison suivante. Manquant d’expérience des grands rendez-vous et accusant le coup d’une baisse de régime soudaine de James Harden en sortie de banc, le Thunder ne tarde pas à dérouter face à un LeBron James en croisade avec le Heat. Malgré tout, si le score de 4-1 est sévère et la défaite difficile à avaler, tout n’est pas à jeter dans cette série. Avec 27 points, 6,6 passes et 6,4 rebonds, Russell Westbrook a encore franchi un nouveau cap et s’affirme comme la seconde option offensive de son club, derrière un Kevin Durant en mode MVP.

Quel destin ?

Mais au lendemain de ces Finals, la déception est énorme et le cycle de progression du Thunder est stoppé net. Tout fraîchement nommé meilleur sixième homme de la ligue, James Harden quitte ses coéquipiers pour prendre les rênes d’une équipe des Rockets ambitieuse. Plus qu’un coéquipier modèle, Westbrook perd là un ami avec qui il avait probablement vécu les plus fortes émotions de sa carrière. Simple coïncidence ou réelle frustration, le meneur californien en profite pour retomber dans ses anciens travers et pète littéralement les plombs lors d’un match de saison régulière face à Memphis. Alors que son équipe se dirige vers un succès facile, il s’en prend verbalement à son coéquipier Thabo Sefolosha pour ne lui avoir pas permis de terminer son action. Quelques secondes plus tard, Westbrook quittera même la salle, excédé par le choix de son coach de l’envoyer sur le banc. Au delà de l’accident en lui-même, cet excès de colère est une récidive pour l’ex-Bruin. Le genre de comportement qui ne plaît pas vraiment à vos employeurs, surtout lorsqu’ils viennent de vous prolonger pour 80 millions de dollars sur 5 ans. Par ce comportement puéril, le meneur fait ainsi ressortir une facette de sa personnalité que l’on aurait préféré oublier. Toujours fragile psychologiquement, il se laisse rapidement emporter par la situation, perdant alors toute lucidité. Et c’est aussi ce côté de son jeu qui alimente régulièrement la critique. Convaincu de ses qualités physiques exceptionnelles, il en oublie trop souvent ses coéquipiers, préférant s’embarquer dans des pénétrations laborieuses face à trois adversaires ou shooter à deux mètres derrière l’arc en moins de 8 secondes. Voici des actions qui font tâche quand vous appartenez à l’un des meilleurs rosters de la ligue, doté qui plus est d’un joueur de la trempe de Kevin Durant.

Alors aujourd’hui que faire ? De retour de blessure dans quatre à six semaines, il devrait être remplacé par Reggie Jackson le temps de son indisponibilité. Ensuite, il retrouvera certainement une place de titulaire au Thunder sans réellement pouvoir espérer un jour devenir le Franchise Player dont il a toujours tant rêvé. Alors quoi ? Faire ses valises dès l’été prochain pour devenir la superstar d’un cancre de la Ligue comme a pu le faire Deron Williams aux Nets il y a de cela quelques années, attendre le départ de KD déjà anticipé par de nombreux médias depuis l’annonce de son association avec Jay-Z, ou se satisfaire de la chance qui lui est donnée d’évoluer au sein de l’un des quatre favoris déclarés à l’Ouest ? Si Kevin Durant s’avisait de rester dans l’Oklahoma, il n’y aurait certainement pas plus belle histoire que celle de ces deux jeunots, partis au combat à l’aube de l’histoire de leur franchise et revenus triomphant des places fortes de la NBA à force de travail et d’abnégation. Si tu nous entends Russell, réfléchis à deux fois avant de signer la fin de ta carrière post-season en rejoignant des franchises telles que Toronto ou Milwaukee. Tu vaux sûrement mieux que ça.

Pour sûr, le destin de Westbrook lui appartient. Mais la fidélité est une qualité qui se fait de plus en plus précieuse chez les sportifs professionnels et qui peut parfois ouvrir aussi grandes les portes de la légende. Car quoi de plus beau que la loyauté envers sa première franchise, celle qui vous a fait grandir et élevé au rang de star ? Pour notre part, on persiste à croire que le Thunder est sur la bonne voix et que l’apport d’un cadre tel que Derek Fisher autour de la doublette infernale KD-RW et de joueurs de mission comme Thabo Sefolosha ou Serge Ibaka reste l’équation parfaite pour mettre un terme un règne du Heat. Allez Russell, prends donc un peu de cette potion magique couramment appelée maturité ou sagesse. Et si tu ne le fais pas pour nous, fait le pour Khelcey.


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