Aux détours d’un playground, des appréhensions et des sentiments divers et variés s’entrecroisent : l’envie saisissante d’un père à structurer son enfant en lui inculquant sa conception du jeu, une passion indestructible tournée vers le devenir humain, la crainte de bien faire, de savamment intégrer et appliquer des gestes qui le rendront fier le jour de sa maturité… En un résumé trivial, voici ce que renferme ce chef-d’oeuvre réalisé en 1998 par le fan inconditionnel des New York Knicks, Spike Lee (Inside Man, Jungle Fever, She Hate Me).
Si le récit s’articule autour de la complexité de cette transmission héréditaire du basket-ball, il n’omet sous aucun prétexte de rendre palpables les troubles propres à cette passation de pouvoir ainsi que les dérives dévorantes de cet amour viral du jeu. Dès lors, assistant impuissant depuis sa cellule barricadée à l’éclosion fulgurante de sa progéniture, le baptisé Jesus Shuttlesworth, incarné par la désormais superstar NBA Ray Allen, Jake Shuttlesworth (Denzel Washington) paye le prix des pulsions extrêmes qui l’animent en prison pour avoir accidentellement assassiné son épouse Mary (Zelda Harris), laissant, de ce fait, une haine violente habiter les pensées de son fils à son encontre. Lyriquement éclairée par une écriture solennelle qui évite tout faux semblant, la trame narrative est recouverte par la chair d’une enveloppe religieuse très présente, du prénom du prometteur Jésus Shuttlesworth au concept de rédemption personnifié par le personnage de Jake, qui interroge et confronte sans cesse la raison et les états d’âme des différents protagonistes.
Par ailleurs, la bande-son magistrale signée Public Enemy apporte au versant corrosif de cet opus intimiste et passionnel une immersion sensorielle d’ordre divin, tant elle sublime ce thème si particulier de la relation père/fils. De plus, de manière plus rationnelle, He Got Game présente les vices et les dangers que doit éviter un talent pur, loyal s’apprêtant à embraser sa notoriété et entamer le parcours universitaire glorieux qui lui est promis, avec une insistance sur le goût à l’adultère, la tromperie lâche de “proches”, la manne vicieuse de la part d’agents prêts à tout pour s’accaparer ce qui brille de mille feux.
Rempart à la misère, rare rayon de lumière transperçant le champ de milieux défavorisés, le basket-ball s’impose comme une alternative née de la soif inaltérable d’une ascension sociale forte. Grâce à l’apport dramatique de He Got Game, cette dimension prend tout son sens dans l’intellect des amoureux de ce sport, qui absorbent, au regard contemplatif de cet aperçu subliminal et transcendant, les réjouissances et les maux cultivés par les relations existentielles.
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