Tour du monde des playgrounds – MacGregor Park, Houston, États-Unis
Le basket-ball est un sport urbain qui possède cet avantage de pouvoir être pratiqué n’importe où à condition de trouver un cercle, un peu solide de préférence, et un filet pour les puristes. Avant d’évoluer devant 20 000 personnes tous les soirs dans des salles aux équipements derniers cri, de nombreux joueurs NBA se sont d’abord fait un nom sur un modeste terrain de quartier. Mais ne vous fiez pas aux apparences, on y retrouve parfois des ambiances plus chaudes qu’un Game 7 des Finales. A chaque playground son atmosphère, ses règles, ses légendes et son histoire. Prochaine étape de notre tour du monde des courts les plus marquants, direction le Texas et plus particulièrement Houston, pour une visite guidée du MacGregor Park qui a notamment vu grandir Clyde Drexler et Moses Malone.
La fiche
- Nom : MacGregor Park
- Adresse : 5225 Calhoun Road
- Ville : Houston, Texas
- Construction : 1925 (début)
- Légendes : Clyde Drexler, Moses Malone, Hakeem Olajuwon, Edward “Mad Bomber” Paul…
Histoire du MacGregor Park
À Houston, le climat subtropical texan frappe la ville et ses habitants une bonne partie de l’année. Entre les milliers de vaches et les puits de pétroles estampillés du fameux drapeau de l’état, le basket est roi. Dallas, San Antonio, Houston sont implantées en NBA et demeurent des franchises qui comptent sur la carte de la Grande Ligue. Mais aujourd’hui, il n’est ni question de l’héritage de Dirk Nowitzki aux Mavericks, ni du jeu ancestral des Spurs, ou des explosifs Rockets. Si New York possède la Mecque du basket et le temple du streetball, le Texas entier n’a d’yeux que pour son MacGregor Park, playground le plus mythique de l’état. Tout commence à la fin du XIXème siècle, lorsque un certain Henry Frederick MacGregor quitte le New Hampshire de son enfance pour rejoindre la future ville spatiale. Investisseur dans l’immobilier, impliqué en politique et dans les affaires sociales de Houston, MacGregor voit le potentiel de construire un parc géant et polyvalent.
Houston n’est pas la grande ville actuelle et ne subsiste que grâce à l’exportation du coton et de son port. Au travers de concepts et d’hypothèses, le projet de grand parc peine à se lancer véritablement et son créateur ne verra pas son rêve se réaliser. En 1923, MacGregor décède mais son idée demeure. Sa femme prolonge le chemin tracé par son mari et acte en 1926, la construction officielle du MacGregor Park, qui se fera étape par étape jusqu’au milieu du XXème siècle. Piscines, terrains de golf, de tennis, grands espaces verts, tout y est pour donner aux habitants de Houston du grand air et une pause détente au milieu de l’expansion de la ville. Et forcément, la balle orange ne tarde pas à rebondir entre les nageurs et les joueurs de base-ball. Mais le court n’est pas totalement en plein air. Le basket s’installe en grande pompes et profite d’un playground couvert entouré d’arches plongeantes et s’ouvrant sur l’extérieur. Pas d’excuses liées à la pluie, le toit permet au game de continuer. Un atout majeur qui protège le sol, recouvert de parquet et et non de goudron. Pas de faux rebonds dus aux caprices du bitume, seulement la pureté des bonnes vieilles lattes en bois. L’endroit a gardé son charme d’antan avec des panneaux rouge et blanc marqués par le temps, et des lignes blanches caractéristiques d’un basket que les moins de 20 ans n’ont pas connu.
Tel un temple religieux, des grandes portes en bois se présentent à quiconque osera s’entraîner sur le sacré MacGregor Park, situé en face de l’université de Houston. L’immense parc est aussi le socle de plusieurs courts, modernes et en plein air, plus classiques lorsque l’on parle de streetball. Mais si les ballers du Texas appellent le playground aux arches la Mecque du basket-ball texan, ce n’est pas pour rien.
C’était leur jardin
Qui dit Houston dit forcément Hakeem Olajuwon. The Dream a quitté son Nigeria natal pour aller à l’université de la ville des Fusées. Ça tombe bien, le garçon est plutôt à l’aise au jeu du panier-ballon et remarque en un coup d’œil le MacGregor Park. Des heures passées entre les arches du playground à travailler des moves de rêve et à établir les prémices de sa domination future. Un lieu assez bien senti pour l’un des meilleurs pivots de tous les temps qui sera choisi en numéro 1 de la Draft 1984 et deviendra le meilleur joueur de l’histoire des Rockets. Honnête. Au MacGregor, Hakeem a aussi partagé la gonfle avec Clyde Drexler, lui aussi pensionnaire de l’université de Houston. On imagine déjà les sessions de shoot de The Glide et les face-à-face contre Olajuwon entre deux cours en amphithéâtre. Pas mal d’avoir formé l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de Portland, grand ami d’un certain… Michael Young, idole de tout Limoges dans les années 1990. Coéquipier de The Glide à l’université, Young raconte dans le livre Clyde The Glide (2004) que les deux compères se livraient des grands un-contre-un après les cours, avant d’aller boire quelques verres en ville. Mais trop loin des courts new-yorkais, Space City n’attirait pas les meilleurs joueurs de la planète sur son playground mythique. Malgré cela, certaines figures locales valent le détour.
De leur temps, comme disent les anciens, le basket était plus dur, plus rude, plus physique avec un slogan devenu universel au fil des décennies de l’après-guerre “No blood, no foul”. Parfaitement au fait de ces règles, un dénommé Edward Paul s’est entraîné à shooter… du milieu de terrain. Un Stephen Curry avant l’heure qui lâchait des bombes depuis le centre-ville de Houston, un calvaire pour ses adversaires. Pas pour rien qu’on l’appelait Mad Bomber (le Bombardier Fou). Larry Bradford, surnommé Pork Sally, aigri d’une jeunesse qui met de côtés les fondamentaux et le shoot à mi-distance, secteur où il excellait dans les années 1990.
“C’est ce qui manque au jeu de la nouvelle génération. Les bases sont ignorées pour le caractère flashy, pour les dunks et les passes dans le dos.”
D’autres ballers ont des histoires dignes de Gérard, comme Kenneth Battle, appelé Bubblegum par une fille qu’il convoitait. Elle ne le voyait jamais sans un chewing-gum à la bouche. Le rapport avec le basket ? Absolument aucun. Mais le joueur emblématique du MacGregor Park sera aussi celui qui apportera la gloire et le côté symbolique dans le playground certifié du Texas : Willie Campbell.
L’heure de gloire du MacGregor Park
Ce nom n’est pas celui d’un haut drafté à la NBA, ni celui d’un coach en avance sur son temps. Willie Campbell est un véritable personnage du MacGregor Park. Le garçon forge sa jeunesse dans les années 1960 dans une Amérique à la croisée des chemins, blessée au cœur par la ségrégation. Bien que largement intégratrice des Afro-Américains, Houston n’échappe pas à ce contexte. Au milieu de tout cela, un jeune homme tente tant bien que mal de se faire une place et n’a qu’une envie : jouer au basket. Quel meilleur endroit dans Space City que le playground aux arches. Willie Campbell a déjà le profil d’un Manute Bol avant l’heure. Il est bien plus grand que tout son monde, aussi mince qu’une allumette et ne se gêne pas pour choper toute balle orange à plus de trois mètres de haut. Une bonne base quand on joue à deux ou trois. Sauf qu’à cette époque, comme dans beaucoup de lieux aux États-Unis, le MacGregor est réservé aux blancs.
Pas de quoi chasser le garçon des lieux, qui fait ses sessions tranquillement au milieu de l’équipe de base-ball dehors, et les nageurs, dans la piscine. Sauf que Willie est souvent la cible des joueurs blancs qui viennent eux aussi tâter la balle orange sur les paniers rouges. Plus nombreux, ils vont finalement faire partir Campbell tous les jours ou presque en le poursuivant jusque chez lui. Sauf que le garçon est rusé. Chaque jour, il part se réfugier dans le jardin d’une nouvelle maison, de sorte à ce que ses ennemis soient complètement perdus. Une technique de vieux renard qui permet au jeune homme de jouer un peu plus au MacGregor Park et de ramener de plus en plus de joueurs Afro-Américains. Les années 1960 coïncident justement avec le peuplement du quartier par les Afro-Américains et une nouvelle jeunesse, à deux pas de l’université. Une fierté pour Willie Campbell qui se vantera jusqu’à son dernier souffle d’avoir été le premier Afro-Américain a mettre ses sneakers sur le parquet du MacGregor Park.
Et maintenant ?
Une belle histoire qui malheureusement fait face à plusieurs épisodes bien plus sombres de l’histoire du quartier. En 2018, et 2019 des fusillades ont tué et blessé gravement plusieurs personnes qui jouaient au basket sur le playground mythique. Des tragédies qui ont logiquement précipité la fermeture du MacGregor Park pendant plusieurs mois, laissant le vide et le vent effleurer le filet des paniers du court. Le quartier autour du MacGregor reste meurtri par ces épisodes et peine à retrouver sa superbe d’antan, qui attirait des foules entières entre les arches du parquet. Un projet que n’avait sans doute pas imaginé son père fondateur, Henry Frederick MacGregor. La principale crainte demeure de ne pas tomber dans l’oubli, tant ce playground a apporté aux ballers du Texas entier, à l’université, à la ville et qui rappelons-le, a permis l’éclosion du porte-drapeau de la franchise du coin.
Le MacGregor Park est le playground ultime pour tout joueur de basket texan. Le long projet inspiré par son créateur aura mis du temps à s’installer dans la ville des Fusées, mais aura surtout servi de vecteur de joie dans pour de plus en plus de ballers durant la seconde partie du XXème siècle. Alors oui, même si les tout meilleurs joueurs de streetball ne s’y sont jamais rendus, le MacGregor reste un endroit à part pour les aficionados de la balle orange. De par son architecture quasi ancestrale, le playground doit retrouver d’autres Dreams et Glides qu’il a su enfanter. On ne veut plus entendre que les bruits des rebonds et du filet, un bruit plus fort que celui des balles de pistolet.
Source image : YouTube via NBA Street Vol. 3