Débat : les Spurs Jackals, une initiative qui pourrait changer la NBA ?

Le 27 déc. 2025 à 11:07 par Nicolas Vrignaud

spurs jackals 16/12/25
Source image : NBA League Pass

En lançant un « clapping » avec les joueurs, les Jackals (groupe de supporters des Spurs créé en début de saison) et l’ensemble du public à San Antonio après la victoire face aux Thunder du 23 décembre, ont peut être posé la première pierre d’une nouvelle manière de supporter son équipe en NBA. 

L’image a fait le tour de la planète basket, jusqu’à arriver dans les grands journaux télévisés français. Victor Wembanyama initiant un clapping avec les fans des Spurs, exercice travaillé quelques temps avant par le joueur avec les Jackals, groupe de supporters qu’il a créé en début de saison.

Ahhhhhh, il l’a fait !!!

Wemby a instauré le clapping géant avec tous les fans des Spurs !!! 🤩🤩🤩 pic.twitter.com/gzBmxq86ya

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) December 24, 2025

Un court moment de partage collectif qui a semblé unanimement salué par les fans de basket outre-Atlantique, notamment pour son côté novateur et son authenticité. Et qui pourrait peut-être être l’un des points de départ d’une nouvelle manière de supporter son équipe en NBA.

Si jusqu’ici, certaines salles ont eu et ont actuellement très bonne réputation pour leurs ambiances – Oracle Arena, Paycom Center, notamment – il n’existe pas vraiment de mouvement collectif. On vient à la salle, on est porté par les animations organisées par la franchise (musique, hype teams des équipes) et c’est tout. À titre personnel, j’ai été émerveillé par l’ambiance du Paycom Center (Oklahoma City) lors de l’Opening Night 2025. Un spectacle à l’américaine, c’était génial. Pour autant, on reste spectateur, et on nous fait comprendre qu’on est spectateur. Pas supporter.

Avant les Jackals, d’autres ont essayé

Alors, réfléchissons-y. Par le passé, d’autres équipes et joueurs ont tenté de fédérer les supporters. On pense à Andrew Bogut, qui, dès 2009, avait organisé des auditions auprès des fans, avec à la clé 100 billets offerts pour chaque match des Bucks (son équipe d’alors). L’idée n’était pas tant de créer un mouvement collectif, mais plus de trouver les fans les plus tarés du coin pour donner de la voix et déstabiliser les adversaires.

L’an passé, avec l’inauguration de l’Intuit Dome, Steve Ballmer (propriétaire des Clippers) a mis en place The Wall. Une section placée derrière un panier, avec des supporters choisis et devant respecter un code strict : pas de maillot adversaire, obligation de participer aux chants. Pour autant, avec les résultats en berne de la franchise, cette tribune – calquée sur les virages des stades de foot européens – n’a pas eu un grand succès médiatique.

L’exception Spurs

Chez les Spurs, c’est différent. Le public est d’origine latine pour une grande partie, et donc initié aux grandes rencontres de football au Mexique, en Amérique du Sud, en Europe. On ne part pas de rien. À San Antonio, la culture basket est aussi très forte. La franchise est historique, titrée. Et elle a champ libre car aucune autre franchise majeure n’évolue dans l’aire métropolitaine.

Et surtout, c’est un joueur européen – Victor Wembanyama – déjà superstar et donc au centre de l’attention médiatique, qui incarne cette nouveauté. Toutes les cases pour un succès immédiat sont cochées, et les résultats sont déjà là avec les retours très positifs du grand public. Les gens vont potentiellement chercher à se déplacer à la salle pour vivre cette expérience, en plus de celle proposée sur le terrain. Et c’est en ça que la NBA pourrait être à un tournant dans l’expérience qu’elle propose.

Les Jackals : initiative maintenant, norme bientôt ?

Maintenant, et c’est notre avis, il y a fort à parier que les groupes comme les Jackals deviennent une sorte de « norme » d’ici quelques saisons un peu partout au sein de la ligue. Pourquoi ? Parce que les franchises, les joueurs, les fans, la ligue… tout le monde n’a qu’à y gagner. Surtout, les équipes issues de « petits » marchés ont une carte énorme à jouer.

Dans les grandes villes (New York, Miami, Los Angeles notamment) le taux de « rotation » des fans (beaucoup de touristes ne viennent qu’à un seul match) de remplissage de salle et les prix des billets – très hauts pour la plupart – font de la logique d’animation une donnée peu importante dans leur attractivité.

Si la NBA tient un taux de remplissage exceptionnel de 97% (lors de la saison 2024-25), ajouter des sections organisées de fans pour animer les matchs pourrait peut-être (à la marge, soyons honnête) augmenter encore un peu ce chiffre. Surtout, elle permettrait à la ligue et aux franchises de jouir d’éléments de communication forts, et de trouver une nouvelle forme d’attractivité non seulement pour le public mais aussi pour les joueurs.

Les franchises issues de petites villes à l’échelle des États-Unis, qui ont mécaniquement un pouvoir plus grand dans la gestion des prix des places et peuvent compter sur un public plus fidèle, pourraient tout à fait mettre en place ces groupes de supporters. Un coût relativement bas (c’est avant tout basé sur l’envie et le bénévolat des fans, la franchise met potentiellement à disposition du matériel et des sièges) et la proposition d’une expérience « partie prenante » pour ces supporters, dont l’objectif est d’être regardés au même titre que l’action sur le terrain.

Des catalyseurs externes

Cet été, le public nord américain va accueillir une Coupe du Monde de football. Le plus grand événement sportif de tous les temps. Avec ses supporters venus des quatre coins du monde (enfin, des pays que le président des États-Unis n’a pas interdit de séjour dans son pays, parce que partager des émotions avec autrui est un concept peu en vogue actuellement à la Maison Blanche…). Des cultures très différentes du show à l’américaine vont envahir les enceintes de l’Oncle Sam, avec un potentiel électrochoc pour une partie du public local.

Si la NBA et la FIBA mènent à bien leur projet de ligue en Europe, et que celle-ci est largement diffusée aux États-Unis, elle pourrait ouvrir les portes du supportérisme européen à des millions de fans, et avoir un impact direct sur les envies de consommation du sport dans les salles de basket outre-Atlantique.

Une expérience « supporter », pas ultra

Il faut bien faire la distinction entre les deux termes. À la lecture de ce papier, on pourrait peut-être croire que l’aboutissement du projet Jackal est une ambiance digne des grandes salles grecques, mais ce n’est pas du tout le cas.

Il s’agit effectivement de créer un sentiment d’appartenance fort avec des chants et des rituels (le clapping des Spurs, notamment), d’avoir des supporters investis dans la vie de leur équipe via leurs encouragements, et de créer une forme d’autonomie et d’externaliser la gestion des animations, en lui accordant ce qu’elle mérite et nécessite d’indépendance. Et on s’arrête là.

La culture « ultra » telle que désignée ici est un concept qui se base sur une histoire propre, avec des engagements – notamment hors terrain – importants. Et surtout, cette culture ultra serait bien trop connotée négativement (à tort, pour ce qui nous concerne en France, tout du moins) pour que la NBA n’autorise qu’elle se développe dans ses salles.


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