Basket aux Jeux Olympiques – Sydney 2000 : la France décroche une médaille d’argent au goût d’or

Le 30 mai 2024 à 18:17 par Céleste Macquet

Equipe de France 2000 30 mai 2024
Source image : FIBA

Après trois éditions où elle échoue à se qualifier, la France fait son grand retour dans l’épreuve de basket-ball aux Jeux Olympiques de 2000. Alors qu’elle ne compte qu’une médaille sur la scène mondiale jusqu’ici (l’argent aux Jeux Olympiques de 1948) et qu’elle n’a pas fait le moindre podium depuis 1959 (troisième à l’EuroBasket), la France va créer un exploit sans commune mesure avec ce qui avait été réalisé auparavant dans l’histoire du basket-ball français.

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Une équipe de bons joueurs

C’était une équipe de bons joueurs. Douze types titulaires dans une équipe de première division européenne, en France, en Italie ou en Espagne. On a des Limougeauds et Orthéziens, après tout les nineties ne sont pas loin du tout, mais on a déjà des joueurs de Paris et de l’ASVEL dans l’effectif. On aurait bien aimé compter sur quelques joueurs calibre NBA, mais Tariq Abdul-Wahad n’est pas retenu par Jean-Pierre de Vincenzi (après la controverse de l’Euro 1999 autour de sa blessure), tandis que Jérôme Moïso, tout juste drafté, semble encore trop jeune. La France va devoir faire avec ce qu’elle a.

Laurent Sciarra du Paris Basket Racing pour assurer la mène, secondé par Moustapha Sonko de l’ASVEL. L’arrière titulaire, c’est la star de l’équipe, Antoine Rigaudeau du Virtus Bologne, qui peut compter sur Makan Dioumassi (Le Mans Sarthe Basket) et Laurent Foirest (Tau Vitoria) pour le remplacer. Au poste 3, c’est Stéphane Risacher de Pau-Orthez qui commence les matchs, devant Yann Bonato du Limoges CSP. L’ailier-fort, c’est le capitaine bondissant de l’équipe, Jim Bilba alors à l’ASVEL après une carrière légendaire à Limoges. Derrière lui, Thierry Gadou, également à Pau-Orthez et Crawford Palmer, américain naturalisé jouant à la Joventut Badalona. Le pivot, c’est Frédéric Weis du Limoges CS, parfois substitué par Cyril Julian du Paris Basket Racing.

Des matchs de préparation peu convaincants, une phase de poule pas meilleure

Cette équipe, elle est donc qualifiée pour les Jeux Olympiques de 2000, à Sydney, Australie. L’édition se déroule à l’automne, durant la deuxième moitié du mois de septembre. La France n’a pas disputé les Jeux Olympiques depuis l’édition 1984, où elle s’était un peu tapé la honte en finissant à la onzième place. Mais cette année, les choses sont différentes et les Bleus sont sur une belle dynamique avant de s’attaquer à l’Océanie. Sept victoires sur ses neuf matchs joués avant de rejoindre l’Australie cette année, pas trop mal. Malheureusement, cette dynamique ne se poursuit pas vraiment sur les trois matchs de préparation à la compétition. Une première défaite de 15 pions contre l’Espagne, une courte victoire face à l’Italie avant d’en prendre 25 face à la Yougoslavie.

Pas idéal pour se mettre en confiance. Le pire étant que la phase de groupes ne sera pas vraiment meilleure. Les Bleus se mettent en confiance d’entrée en mettant la misère à la Nouvelle-Zélande (76-50) mais sortent un match désastreux (63-81) face aux Lituaniens de Sarunas Jasikevicius deux jours plus tard. Il y aura bien la victoire (82-70) face à la Chine de Yao Ming (14 points, 3 contres), Wang Zhizhi et Batere Menke, arrachée grâce aux 22 points de Laurent Foirest et au gros coup de chaud d’Antoine Rigaudeau (29 points) qui score 20 points d’affilée en fin de match. Mais après ça, la France perd contre les Italiens (57-67) qu’ils avaient pourtant battus en préparation. Ça fait un bilan de 2-2, et les Français ont un dernier adversaire pour déterminer leur sort : les Américains de Team USA.

Premier coup de pression des Américains

On a un peu menti en disant qu’il n’y avait pas de joueur calibre NBA dans cette Equipe de France. Un joueur de cette trempe, il y en a bien un. Frédéric Weis a été drafté en NBA. Et pas au neuvième tour avec le territorial pick dans une franchise obscure. Non, on parle du quinzième choix de la Draft 1999, sélectionné par les New York Knicks, qui se tient dans la raquette de la France. Resté une année supplémentaire en Europe, histoire de prendre encore un peu d’expérience avant de se frotter à la NBA, il a connu la Summer League et il devrait rejoindre la Grande Ligue dès la saison prochaine.

Le problème, c’est que Team USA, des joueurs NBA, bah ils en ont 12, et pas des mecs qui luttent pour une place dans la rotation de leur équipe. Pas de Shaq, pas de Kobe, pas de Duncan ou de Grant Hill certes, mais tout de même Kevin Garnett, Jason Kidd, Gary Payton, Ray Allen, Tim Hardaway et Vince Carter pour ne citer qu’eux. Du All-NBAer en masse. Et ces gars-là, ils n’en ont rien à cirer de l’équipe de France et de son seul joueur qui pourrait jouer quelques matchs de NBA la saison suivante. Ça leur passe complètement par-dessus. Et d’ailleurs, ils passent eux-mêmes par-dessus. Littéralement.

Vince Carter​ turned 40 last week. Relive 1 of the greatest dunks in basketball history served by Vinsanity himself. (via @OlympicChannel) pic.twitter.com/jIzLuREafT

— For The Win (@ForTheWin) January 30, 2017

En plein milieu de la seconde mi-temps, Vince Carter réalise l’impensable et escalade le Mont Weis et ses 2m18. Sur une interception après une passe française hasardeuse, Carter s’est élevé et a bien cru ne jamais redescendre. Peut-être le plus grand dunk de l’histoire. L’image est parfaite. Etats-Unis et France ne jouent pas dans la même cour. Laurent Sciarra aura beau se démener comme un diable dans ce match (21 points, 4 passes), les Américains menés par un grand Kevin Garnett (19 points, 11 rebonds, 5 passes) ne font pas de quartier et défont les Français 106 à 94.

Oui mais.

A l’époque, il suffit d’être dans les quatre premiers d’une des deux poules de six équipes pour se qualifier au tour suivant. Avec deux victoires pour trois défaites, les Bleus sont derrière les Etats-Unis (cinq victoires), l’Italie et la Lituanie (trois victoires) et ont le même bilan que les Chinois. Mais leur victoire face aux coéquipiers de Yao Ming fait office de tie-breaker et les qualifie pour le tour suivant, les quarts de finale.

Du bon côté du tableau

Les Français sont enfin chanceux. Les résultats des poules font que les Bleus évitent le côté du tableau des phases finales où se trouvent les imbattables Américains, les terrifiants Yougoslaves, les dangereux Lituaniens, ainsi que l’armada russe. L’adversaire de la France en quarts ? Ce sont les Canadiens.

Le Canada est arrivé en tête de son groupe, créant la surprise face à la Yougoslavie et profitant d’un formidable jeune meneur à la vision de jeu surnaturelle et au shoot soyeux : un certain Steve Nash. Sûrement que cette équipe canadienne prend un peu les Français de haut, quoi qu’il en soit, la pression n’est certainement pas du côté des Bleus. Ils ont tout à gagner et rien à perdre face à l’autre équipe nord-américaine et ils veulent créer la surprise.

Si on devait faire une métaphore liquide, après un début d’aventure australienne comparable à de la flotte croupie issue de la gamelle du chien, la suite de la compétition sera plutôt semblable à une eau minérale filtrée par les montagnes pour les Français. Dans ce premier match de phases finales, ils étouffent les Canadiens et font vivre un cauchemar à Steve Nash en jouant la carte Makan Dioumassi. Le spécialiste défensif qui ne jouera que huit minutes sur le reste de la compétition est envoyé 30 minutes dans l’arène pour faire déjouer le chef d’orchestre canadien.

Pari largement gagné. Steve Nash finit le match à 20% à 3-points et avec un nombre astronomique de pertes de balle. Nash en perd 9 sur l’ensemble de la rencontre, une stat inédite en FIBA. Les Français s’en sortent collectivement et s’imposent 68 à 63 contre les Canadiens. On peut le dire, la France du basket est en demi-finales des Jeux Olympiques.

Le dernier carré

Le prochain adversaire des Bleus, ce sont les hôtes australiens qui viennent de gagner de peu contre les Italiens et… ouais, les kangourous ont la trouille. Après avoir réalisé son match référence, l’Equipe de France a trouvé sa confiance et elle est dans le flow. Les Français dégagent une confiance et une sûreté qui déstabilisent l’Australie de Luc Longley (8 points, 3 rebonds). Le pivot des Bulls trouve sur sa route un Frédéric Weis (11 points, 9 rebonds) diablement fort et impactant. Antoine Rigaudeau (13 points) et Lolo Sciarra (16 points et 7 passes) sont eux aussi en forme, et la France dans son ensemble réalise un match proche de la perfection.

Personne ne dépasse les 10 points chez les Australiens, la France les étrille sans aucune pitié 52 à 76. Les Français ne font plus rire personne et retrouveront les Américains en Finale des Jeux Olympiques.

Quatrième match de suite contre des anglophones pour Laurent, Antoine, Frédéric et les autres. Les Etats-Unis viennent d’enchaîner deux médailles d’or aux deux dernières éditions. Les Ricains n’ont jamais perdu depuis que les athlètes de la NBA sont autorisés à devenir olympiens. Mais cette équipe des Etats-Unis, elle montre des signes de friabilité. Elle n’a gagné que de 15 points contre la Russie avant d’arracher la victoire au bout du suspense contre les Lituaniens en demi-finales (85-83).

Malheureusement, les Américains dominent la première mi-temps face aux Français. Vince Carter flanque 7 points en deux minutes, les Français n’arrivent pas à faire douter les Américains.

Mais Laurent Sciarra (encore toi ?) et Stéphane Risacher sonnent la révolte en seconde période. Et alors qu’il ne reste que quatre minutes au chrono en seconde mi-temps, sur un long 3-points de Tonio Rigaudeau, la France brise la dynamique qui s’était installée et les US n’ont plus que 4 points d’avance. Rudy Tomjanovich prend un temps-mort. Les Ricains ne sont pas sereins. Les Français, eux, ne sont plus en état. Ils ont tout donné dans ce tournoi, et n’arrivent pas à répondre au challenge physique des Américains en sortie de temps-mort. Les Français s’inclinent finalement 85 à 75 et devront se contenter (avec joie) d’une médaille d’argent. Ils ont regardé Team USA droit dans les yeux, et ont laissé présager de futurs (très) beaux épisodes de la rivalité franco-américaine.

“On s’aimait. C’est un groupe qui s’aimait et qui était généreux.” – Antoine Rigaudeau

Une fin douce-amère, pour une équipe que personne ne voyait aller aussi loin. Antoine, Stéphane, Laurent, Frédéric, Jim et les autres placèrent l’hexagone sur le planisphère basket dès le commencement du troisième millénaire, d’une manière totalement inédite. Les fruits de leur exploit, c’est tout le basket français qui en profitera, et plus que jamais aujourd’hui.

Le basketball au Jeux Olympiques de Sydney en 2000 – en bref

– Du 17 septembre au 1er octobre 2000

– the Dome, The SuperDome (Sydney)

– 12 équipes hommes, 12 équipes femmes

– Podium hommes :

  • Or – États-Unis
  • Argent – France
  • Bronze – Lituanie

– Podium femmes :

  • Or – États-Unis
  • Argent – Australie
  • Bronze – Brésil