Cholet Basket, la fabrique à champions
Le 13 mars 2024 à 19:01 par Nicolas Vrignaud
Six joueurs draftés en NBA depuis 20 ans. Que dire hormis que le centre de formation de Cholet Basket est l’un des plus prolifiques en France ? Si l’on parle beaucoup actuellement de Tidjane Salaün, dernière pépite du club des Mauges, le club a formé plus d’une centaine de joueurs professionnels. Grâce à une approche qui ne laisse rien au hasard, dans le basket comme dans la vie des jeunes.
Il suffit de se rendre sur le site de Cholet Basket, section Académie Gautier CB (du nom du sponsor du centre de formation) pour constater toute la réussite collective des équipes de jeunes du club des Mauges. 29 titres nationaux, et des premières places à la pelle en saison régulière. En entrant dans la Meilleraie, salle historique du club, on ne peut que prendre conscience de l’importance de la formation dans la réussite du club. De tout temps, les joueurs issus des équipes jeunes ont participé activement aux matchs de l’équipe fanion.
Rappel utile concernant Cholet Basket : en matière de formation en France, on fait (très) difficilement mieux depuis 20 ans.
🔴⚪️ pic.twitter.com/NwMNaZIW1E
— Nicolas TrashTalk (@niclsvrg) March 6, 2024
Un succès qu’on connaît surtout au travers des joueurs ayant réussi à accéder à la NBA (Mickaël Gelabale, Rodrigue Beaubois, Nando De Colo, Kevin Séraphin, Rudy Gobert, Killian Hayes, bientôt Tidjane Salaün, on croise les doigts) mais qui est dû à tout un système plaçant les jeunes – dès U15 – au centre d’un système pensé pour favoriser au maximum leur succès sportif, et pas seulement. Mais d’ailleurs, comment fait-on pour rentrer dans une telle structure ? Régis Boissié, responsable des Espoirs (U21), explique que le processus de recrutement se base notamment sur l’observation des qualités offensives des jeunes.
“On essaye de répondre aux exigences du basket moderne. Quand je recrute des joueurs U15, pour évoluer ensuite avec notre équipe U18, je fais en sorte qu’il y ait [pour chaque profil] un vrai point fort offensif dans le jeu. Ça peut être l’adresse, ça peut être la force de percussion, un jeu de passe hyper abouti… Qu’il y ait quelque chose en U15 qui fait que le jeune en question se démarque des autres.”
Une base de niveau qui permet aux jeunes de ne pas se retrouver perdus parmi les autres membres de l’Académie, d’autant plus que Cholet Basket mise sur des groupes resserrés en U18 et en U21, pour que chacun puisse jouir d’un temps de jeu significatif.
“L’idée, c’est de permettre à chacun de s’exprimer. Je ne suis pas pour avoir un effectif hyper conséquent. Cette année par exemple, sur nos deux équipes, U18 et U21, on fonctionne avec 18 jeunes. C’est un nombre qui me paraît cohérent. Je sais que d’autres centres travaillent avec plus de jeunes, mais ça me paraît cohérent car je souhaite que chacun ait une fenêtre pour être sur le terrain, en situation de compétition et de jeu.” – Régis Boissié
Se donner au niveau sportif, progresser et passer les échelons. Un processus parfois dur, mais qu’il faut accepter. Et dont on mesure les bénéfices durant la suite de sa carrière. C’est notamment le cas d’Hugo Robineau (Boulazac, Pro B) passé par l’Académie entre 2015 et 2020. À son arrivée, il a tout de suite été plongé dans un milieu qu’il qualifie de “très exigent“. Particulièrement en U18.
“Au début, jouer à ce niveau n’a pas été pas facile. J’ai hésité à arrêter durant ma première année. Il y a vraiment un ‘roster’ et il faut faire ses preuves. Des fois, on jouait deux fois par weekend. Je me rappelle que mes premières années n’ont pas été simples, il y avait beaucoup de matchs, beaucoup d’exigence. Étape par étape : ‘Il faut aller là, on veut avoir ça’ . J’ai tout le temps été poussé, et j’ai eu la chance de côtoyer d’excellentes personnes.” – Hugo Robineau
Un personnel qui favorise donc le développement. Dans le cas d’Hugo, il s’agit de Sylvain Delorme, coach des U18 puis des U21 entre 2016 et 2019. Un coach qu’il décrit comme parfois sévère, mais aussi comme l’une des personnes qui ont le plus impacté son basket. En insistant sur l’esprit d’équipe, nécessaire à la réussite. Vu le palmarès de la génération 2000/2001 (champions de France U18 en 2017 et 2018, champions de France U21 en 2018 et 2019), on ne peut que valider.
“Évoluer avec Sylvain Delorme [coach U21 de Cholet entre 2016 et 2019] a été un temps fort de ma carrière. Quand je l’ai rencontré en U18, il ne m’a pas lâché. Ça peut être dur mentalement, physiquement… mais c’est vraiment bénéfique. Il insistait beaucoup sur la cohésion d’équipe. On était obligés d’avoir des moments de cohésion dans la saison, hors terrain.” – Hugo Robineau
Si le staff est concerné, les joueurs fonctionnent également entre eux pour s’aider à progresser mutuellement. Jouer avec des profils venus de partout, aux styles et capacités basket multiples. La caractéristique n’est pas propre à Cholet plus qu’à un autre club, mais la qualité des recrues arrivant dans les Mauges est un plus.
“J’ai aussi vite été aux côtés de bons joueurs. Killian Hayes notamment, c’est sympa d’avoir côtoyé des joueurs comme ça aussi jeune. Avoir des joueurs de cette qualité dès le début, ça ne peut que permettre d’évoluer… même si ces gars évoluent eux à un rythme qui leur est propre, ils franchissent les étapes et c’est parfois difficile de comprendre comment, mais grandir à côté d’eux… il faut s’en nourrir.” – Hugo Robineau
Ce qui aide aussi les jeunes et les pousse à se dépasser ? La perspective de tâter un jour la balle avec le groupe professionnel. Régis Boissié insiste sur cette caractéristique importante du centre de formation choletais. Permettre aux jeunes de s’entraîner avec les pros. À titre d’exemple, Amaël L’Etang et Matéo Bordes (U21) sont souvent convoqués par Laurent Vila pour participer aux rencontres de championnat de France et de Basketball Champions League. Avec peu (ou pas) de temps de jeu, mais avec l’objectif de faire prendre de l’expérience, de leur faire prendre conscience de ce qu’ils représentent pour le club.
“C’est une vraie plus-value qu’on a par rapport à d’autres centres de formation. Ça fait partie depuis très longtemps, et ça perdure, de la politique du club. Dans notre entraînement professionnel, il faut qu’il y ait des places pour des garçons de l’Académie. Il faut qu’ils puissent toucher à ce monde là, quand ils le méritent et qu’ils sont prêts à ça. Il ne faut pas que ce soit quelque chose d’inaccessible, d’inatteignable.” – Régis Boissié
C’est l’un des points forts de Cholet Basket. Dès les plus jeunes catégories, la notion “d’aide” est inculquée. En U15 ? Allez donc faire quelques minutes avec les U18. Chez les U18 ? Tiens, il y a une place sur le banc des U21 pour le prochain match. Bien sûr, le calcul est le suivant : donner envie de plus. Faire comprendre aux jeunes que la structure compte sur eux.
« Chaque joueur, à un moment où un autre, doit apporter à l’équipe. Même les U18 qui viennent aider en Espoirs, tout le monde est concerné, ils comptent sur tout le monde. Tout le monde donne son maximum. Ça nous a été appris très tôt, et c’est vraiment un avantage pour nous. Apprendre à se donner pour l’équipe, même si c’est sur deux minutes… Il faut donner pour recevoir, c’est quelque chose de naturel […] Tu joues en U21, tu dois aider les pros. Ça s’est fait naturellement. J’ai vu ça comme quelque chose de normal. » – Hugo Robineau
En parallèle de leurs vies de basketteurs, les jeunes doivent également suivre des cours de la même manière que n’importe quel élève. Un vrai défi en matière de polyvalence, même si l’Académie met tout en place pour favoriser la réussite de tous les projets. Exceller en cours n’est pas un requis. Travailler pour favoriser sa propre réussite en est un. La nuance peut faire sourire, mais est prise très au sérieux permet déjà de sonder bon nombres de profils.
“On fait en sorte que les jeunes puissent suivre le chemin scolaire qui leur correspond le mieux. Certains sont en filière générale, certains sont en filière professionnelle. On ne ferme aucune porte, il faut que le jeune soit dans la filière qui lui corresponde le mieux. On s’accorde avec les établissements pour avoir des emplois du temps aménagés, qui soient cohérents pour que les jeunes puissent suivre ce double-projet sportif-scolaire. Notre boulot, c’est ensuite de faire en sorte qu’ils puissent suivre leurs projets et de répondre aux deux ambitions.
Mais pour être tout à fait honnête, le travail, c’est le jeune qui le fournit. C’est rare, mais on a eu quelques jeunes en échec scolaire. C’est à nous de faire plus, d’accompagner plus, mais la réalité c’est qu’on ne peut pas travailler à la place du jeune dans ses études. C’est à lui de se prendre en main.” – Régis Boissié
“Au niveau scolaire, des choses sont mises en place. Les responsables du centre de formation nous aident, qui nous proposent du soutien. Si ça ne fonctionne pas au niveau scolaire, on est pénalisé. Il me semble que j’ai loupé un match comme ça, de mémoire. Ils ont toujours un oeil attentif sur ça. On a beaucoup de choses à disposition. Ce n’est pas une structure parfaite, mais tout est fait pour nous emmener vers le haut niveau.” – Hugo Robineau
Comme écrit au début de cet article, 6 joueurs draftés en NBA, 117 passés professionnels au global… Cela veut aussi dire que tous ne réussiront pas à écrire leur avenir sur les parquets. Et c’est un point sur lequel Régis Boissié insiste : chaque membre du centre de formation est acteur de son projet de vie. Parvenir à rejoindre une telle structure est certes un bel accomplissement, mais n’est qu’en même temps un début. Et jamais une fin en soi.
“Le garçon qui a envie de travailler, nous on va l’accompagner. À partir du moment où on doit forcer un jeune à travailler, d’un point de vue sportif ou d’un point de vue scolaire, on sait déjà que ça ne devrait pas aller très loin. Là où il y a réussite, c’est quand le jeune prend son projet en main, qu’il est en acteur. Là, ça peut donner des choses.” – Régis Boissié
Après 38 ans d’existence, le centre de formation de Cholet Basket a vu passer des dizaines de générations de joueurs. Fortunes et destins d’une diversité rare, tous liés par un passage dans les Mauges. Sur le modèle des universités nord-américaines, le club veut mettre en place, dans un futur proche, une structure capable de rassembler présent et passé pour faciliter les échanges, renforcer le sentiment d’appartenance. Arriver en centre de formation et pouvoir échanger avec Rudy Gobert ou Antoine Rigaudeau ? Non, il y a quand même pire.
“L’idée est de rassembler, de proposer des échanges entre tous les joueurs qui ont été formés à Cholet Basket. Que ce soit inter-générationnel, et par exemple qu’Antoine Rigaudeau puisse échanger avec les membres actuels de l’Académie. On est en train de réfléchir à comment faire vivre cette notion d’appartenance à Cholet Basket. Même si tous ne jouent pas dans notre équipe pro, un jour, quand on a passé plusieurs années dans un centre de formation, il en reste quelque chose. Et c’est quelque chose qui doit resté gravé à jamais. Les Américains font ça très bien avec leurs universités. Nous, l’idée c’est de faire la même chose avec notre centre de formation.
On veut qu’il y ait un lien fort avec chaque garçon qui a vécu dans notre centre de formation. Et comme maintenant, ce sont de multiples générations, on veut qu’il y ait un lien entre elles. Un lien d’appartenance fort. Rudy Gobert, qui est notre ambassadeur, ce n’est pas juste un titre. Rudy, en début de saison par exemple, a pris une heure de son temps, en visio, depuis les États-Unis, avec les garçons de l’Académie. Sous forme d’échange, sur plein de sujets différents. Évidemment, pour les garçons qui viennent d’arriver au club, de pouvoir échanger aussi facilement avec Rudy… Ça a une portée énorme, ça ne fait que renforcer ce lien d’appartenance.”
Mercredi, les pensionnaires de l’Académie Gautier CB ont pu échanger en visio avec leur ambassadeur, Rudy Gobert. L’occasion pour eux de poser leurs questions sur de nombreux sujets. pic.twitter.com/H7GTQcZbKK
— Cholet Basket (@CB_officiel) September 14, 2023
Aujourd’hui, Cholet Basket est vu partout en Europe, même aux États-Unis, comme une structure à suivre pour ses jeunes et ses résultats. En témoignent les scouts NBA qui viennent régulièrement à la Meilleraie pour observer de jeunes profils prometteurs. Une position qui permet à l’Académie de participer à des tournois internationaux de renom, tel le Adidas Next Generation Tournament, organisé par l’EuroLeague. Aux côtés du Real Madrid, de l’Olimpija Ljublijana (premier club de Luka Doncic). Des concurrents (très) prestigieux.
Nous l’avons expliqué plus tôt : pour les jeunes, accéder à l’Académie n’est pas une fin en soi. La règle s’applique aussi au centre de formation. Ce statut de place reconnue n’a rien d’acquis. Et requiert un travail continu de veille, d’adaptation des méthodes de travail. Pour coller au mieux aux évolutions permanentes du basket en tant que sport.
“On est conscient qu’il y a beaucoup d’autres structures qui travaillent très bien. Effectivement, depuis très longtemps de manière générale, depuis quelques années plus particulièrement, on réussit à sortir beaucoup de jeunes. Mais ça reste un défi permanent. On ne se voit pas comme une référence, il faut rester pragmatique. Ce qui s’est passé, ça s’est passé. Ce n’est surtout pas à nous de se dire que cela est acquis, qu’on a eu la vérité sur ce qui se faisait avant. Il faut avoir sans cesse envie de progresser, d’être performant.
Il faut qu’on soit très actifs, très visionnaires sur les changements qu’il peut y avoir, sur ce qui est proposé au haut niveau, savoir comment préparer les jeunes. Il ne faut pas rester dans les certitudes mais être capable d’évoluer avec notre sport, parce que c’est la réalité. Les profils des joueurs, ce qui est proposé au haut niveau, ça bouge, et nous, on doit répondre à ça.” – Régis Boissié.
D’hier à aujourd’hui, Cholet Basket a toujours trouvé une formule fonctionnelle. Rigueur, précision, lien humain. Les clés de la réussite si vous souhaitez vous aussi un jour ouvrir un centre de formation chez vous (il vous faudra également une salle de basket, mais les frais seront à votre charge, désolé). Une petite blagounette pour refermer ce dossier, et dire avec certitude que si le club des Mauges est couronné de succès pour sa formation depuis des années, c’est tout sauf une histoire de chance. Et que les bases sont quand même sacrément solides pour la suite.
Sources : Cholet Basket.