Basket aux Jeux olympiques – Helsinki 1952 : les Américains enchaînent dans une atmosphère de guerre froide

Le 10 mars 2024 à 08:59 par David Carroz

Basketball Jeux Olympiques 1952 à Helsinki
Source image : FIBA

Champions olympiques en 1936 et 1948 pour les deux première éditions du tournoi de basket aux Jeux, les Américains s’avancent logiquement comme les grands favoris de l’épreuve de panier-ballon lors des JO de 1952 à Helsinki. S’ils confirment leur suprématie mondiale, ils voient se dresser devant eux un rival issu du contexte géopolitique qui suit le second conflit mondial. L’URSS, qui a longtemps laissé de côté le sport compétition symbole du capitalisme, entre dans l’arène olympique pour prolonger dans le sport en général et le basket en particulier les oppositions de la guerre froide.

La séparation du monde en deux blocs n’est pas nouvelle en 1952. Dès 1948 le blocus de Berlin illustre parfaitement les rapports de force entre les puissances occidentales et l’URSS. Cela n’avait pas eu d’incidence sur les Jeux Olympiques de Londres, les Soviétiques restant sur leur ligne de conduite. Absents des JO depuis 1912, ils ne sont toujours pas présents en 1948. Avant de faire leur retour en Finlande pour les JO de 1952. L’Internationale du sport rouge, née en 1921 sous leur impulsion et qui organise le sport dans des associations proches des partis communistes en dehors des fédérations sportives classiques, n’est plus.

Alors que l’URSS voyait jusque là le CIO comme une organisation proche du capitalisme, un rapprochement s’est opéré. Au point de l’intégrer en 1951. Un virage pour les Soviétiques qui présentaient le sport comme une discipline populaire pour améliorer la santé des masses et qui rentrent alors dans une logique de compétition. Changement de cap, direction les Jeux Olympiques. Symbole de leur volonté de s’engager dans une compétition internationale pour démontrer la supériorité de leur système par le biais du sport.

Avant les Jeux Olympiques de 1952, cela se traduit au basketball – troisième sport collectif le plus pratiqué en URSS derrière le football et le hockey sur glace – par des participations réussies aux championnats d’Europe en 1947, 1951 (chez les hommes), 1950 et 1952 (chez les femmes). Bilan ? Quatre titres. Seul celui de 1949 échappe aux Soviétiques. Normal, ils sont absents de cette édition originale remportée par l’Egypte au Caire (Jean-Michel Nulengéo). Est-ce qu’on n’aurait pas là un sacré candidat au titre olympique ? Au minimum, l’URSS s’affiche comme le boss du basket en Europe, bien aidée par le pool de talent dans lequel le pays tape pour composer son effectif : Lettons, Baltes, Lituaniens, Géorgiens et Russes. Les Soviétiques se sentent tellement en confiance avec la balle orange que dès leur adhésion au CIO, ils réclament que les Jeux proposent également un tournoi féminin de basketball.

En vain. Helsinki 1952 est encore une fois exclusivement masculin pour le panier-ballon. Il faudra donc s’en contenter pour les hommes de Staline qui se pointent en Finlande en terrain conquis. Ou du moins en partie, car le statut du pays est à part au coeur des oppositions entre les deux blocs. Certes, la Finlande est sous influence soviétique – comme en atteste l’Accord d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle signé entre le pays scandinave et l’URSS en 1948. Mais elle est également le seul pays partageant une frontière avec l’URSS inchangée après la seconde guerre mondiale. Ce qui lui confère un minimum de neutralité au moment des JO.

Pour autant l’organisation doit composer avec les tensions. Le rideau de fer touche le village olympique, séparé en deux, avec un camp retranché à l’Ouest de la ville où sont hébergés les athlètes des pays de l’Est. Village olympique qui au passage est à portée des canons soviétiques, pendant que l’armée finlandaise est présente de toute part. Une atmosphère reflète les tensions mondiales de l’époque : oppositions en Corée entre Nord-Coréens (soutenus par l’URSS) et Chinois (aidés par l’Oncle Sam), difficultés de l’armée française en Indochine, soulèvements au Maghreb, agitations au Proche-Orient. Difficile de ne pas voir à l’ouverture de la quinzième olympiade le 19 juillet 1952 un terrain d’affrontement supplémentaire pour les deux idéologies.

Les Soviétiques utilisent cette plateforme pour faire passer leur message : contrairement aux Américains, ils sont pour la paix et l’égalité. Ils n’hésitent pas d’ailleurs à pointer du doigt la ségrégation  dont sont victimes les Afro-américains chez l’Oncle Sam. Mais derrière ce image pacifistes que l’URSS souhaite véhiculer, il y a aussi les enjeux sportifs. Montrer qui est le boss sur les terrains. Du façon globale, la victoire revient aux Américains. Première nation au tableau des médailles (40 en or, 18 en argent, 17 en bronze), ils devancent… l’Union Soviétique (22, 30, 19). Et le basketball confirme cette tendance.

Après avoir été défaits largement en phase de poule par Team USA (86-58), les Soviétiques retrouvent leurs amis américains en finale. Menés par la tour de contrôle Bob Kurland (déjà champion olympique en 1948) et Clyde Lovellette, les hommes de Warren Womble sont invaincus. Conscients de leur infériorité face à la taille, la technique et la vitesse américaine, les Soviétiques décident de jouer la montre pour cette deuxième rencontre. Une stratégie ultra défensive baptisée stall ball et rendue possible par l’absence d’horloge avant de tirer. Du coup on joue à la baballe, on fait des passes loin de l’adversaire, on ralentit au maximum le jeu. Pas top pour les spectateurs, mais l’URSS n’a pas tellement d’autre choix.

Cela aurait pu payer. Derrière 15 à 17 à la pause, les joueurs soviétiques parviennent à prendre l’avantage au retour des vestiaires. Avant d’être dépassés de nouveau par les Américains. Qui ne se privent pas alors pour adopter la même tactique. On arrête de jouer et on fait tourner la balle pendant que le temps s’écoule. Vexé, un joueur soviétique s’assoie au milieu du parquet en signe de protestation. Rien de bien virulent et ce pseudo-incident en reste là. Les Américains s’imposent 36-25 et conservent leur couronne olympique. Le threepeat est dans la poche et la médaille d’or autour du coup. La domination états-unienne sur la balle orange se confirme. Les Soviétiques peuvent mettre leur défaite sur le dos de leur différence de taille par rapport à leurs adversaires. Et commencer à partir à la pêche aux géants sur leur immense territoire pour pouvoir lutter à l’avenir.

Du 13 juillet au 2 août 1952

Tennispalatsi (Tennis Palace) et Messuhalli (Exhibition Hall) d’Helsinki 

23 équipes – 16 après un tournoi préliminaire

Or – États-Unis

Argent – URSS

Bronze – Uruguay

Source : Une histoire sportive de la guerre froide, Sylvain Dufraisse

Source image : FIBA