La sombre histoire de John Brisker : Bill Russell, Ouganda, mystères et mort suspecte

Le 29 mai 2023 à 10:58 par Antoine Demaegdt

John Brisker
Source image : Youtube

On ne retrouve pas que de belles aventures au cours de l’histoire de la NBA. Parmi elles, la carrière de John Brisker fait partie de celles que l’on écrit avec des points d’interrogation. Entre un joueur offensif doté d’un talent indéniable, un tempérament éruptif et une fin de carrière toujours énigmatique, la VHS mérite d’être rembobinée pour retracer son parcours si atypique.

Mais qui est donc John Brisker ? Bien que son nom apparaisse peu lorsque l’on parcoure l’histoire de la NBA, il est pourtant un joueur emblématique des années 70. Un rapide coup d’œil au CV nous alerte du joueur sérieux qu’il était : 2 fois All-Star en ABA et 2 sélections en All-ABA Team. Mais ce qui fait toute l’intrigue de cette carrière professionnelle, c’est qu’elle ne dure seulement six saisons. Curieux lorsque l’on sait que le boug était en pleine forme et tournait même à 29 points de moyenne à sa sortie de ABA.

La tête brulée des têtes brulées

Aujourd’hui on pense à Dillon Brooks ou Draymond Green lorsque l’on parle de tempérament éruptif, mais sachez que ces gars là sont des saints à côté du John Brisker des années 70. Dès son adolescence, John avait comme réputation de jouer dur dans les banlieues de Detroit, au point qu’il aurait même milité pour avoir un playground baptisé à son nom. Brisker n’a pas eu une enfance facile avec une mère hémiplégique suite à un AVC, et c’est en ce sens que le jeune joueur cultivé et passionné de jazz a dû murir vite au sein d’un environnement qui ne l’a pas réellement apaisé au cours de sa jeunesse. S’il y a bien une chose qui définissait John Brisker, c’était son impulsivité et son agressivité non maitrisée, qui pouvait surgir à tout moment. Pourtant, ça ne l’empêchait pas d’être un bon joueur de basket selon Spencer Haywood, son ami d’enfance :

“John était comme LeBron James sur le terrain, il avait autant de qualités mais avec une immense colère en lui. Vous allez dire que j’en fais trop mais c’est révélateur, il était comme ça. Et à l’époque, le basket n’était pas prêt pour ce genre de personnalité.”

Et là vous vous dites ok d’accord Spencer mais on est sur quel type de colère ? Hé bien sachez que Ja Morant n’a rien inventé puisque John Brisker se ramenait déjà à l’entrainement avec des guns dans le sac et des couteaux dans la chaussette. Charlie Williams – un de ses coéquipiers ABA aux Pittsburgh Condors – raconte ce que John pouvait dégager sur un terrain :

“C’est un excellent joueur mais si vous disiez quelque chose qui ne lui plaisait pas, ça donnait l’impression qu’il pouvait aller vers son sac pour en sortir un flingue et vous tirer dessus.”

Ah ouais, sympa les ambiances d’entrainement. Brisker était prêt à tout pour imposer son jeu sur le terrain et même s’il était dur avec ses coéquipiers pendant les entrainements, il savait aussi vaillamment les défendre durant les matchs selon Tom Burleson :

“À chaque fois que je m’embrouillais, il venait à mon secours. Même sans le voir je sentais dans mon dos qu’il arrivait parce que les gars qui m’en voulaient commençaient à se calmer et reculaient. Vous pouviez alors voir leurs yeux s’élargir à cause de la crainte que Brisker provoquait. Il m’a surement empêché plusieurs fois de me retrouver avec des dents en moins ou avec un nez cassé !”

Voilà qui donne déjà un bon portrait du personnage, lui qui demeurait dans le même temps un joueur de basket rayonnant en ABA. Le jeune joueur avait tout pour réussir et signa un contrat d’un million de dollars sur 6 ans aux Supersonics de Seattle pour commencer son aventure NBA.

Sa relation avec Bill Russell : un mariage forcé

En 1972, John Brisker arrive donc en NBA plus que serein avec son statut de superstar offensive capable de marquer des points à tout moment. Sauf que le coach de Seattle est un certain Bill Russell à l’arrivée de John en 1972. A la vue de la carrière et de la personnalité de Billou, il n’y avait pas de place pour les écarts de conduite. Malgré cela, lors du training camp de sa première saison, John Brisker commence déjà à faire parler de lui en se bagarrant avec son coéquipier Joby Wright après une lutte au rebond mouvementée. Et lorsqu’on dit bagarre, c’est BAGARRE : mâchoire fracturée et quatre dents cassées pour Joby dans cette altercation. Et c’est ainsi que Joby Joba. Bill Russell, scandalisé par cet évènement, mit fin immédiatement à l’entrainement en renvoyant tout le monde chez soi. Et c’est certainement cet accrochage violent qui posa les bases d’une relation délétère entre les deux hommes…

John Brisker avait un talent indéniable mais Bill le faisait peu jouer puisqu’il doutait de son tempérament et de son intérêt pour le collectif. Certainement en guise de provocation pour inviter le joueur à remettre en question son comportement, Russell envoya la tête brûlée jouer dans l’équipe de seconde division pendant deux matchs. Piqué dans son égo, Brisker pris cette décision à cœur en scorant 51 et 58 points contre des joueurs bien plus faible que lui. Mais Bill n’était toujours pas convaincu et la colère commençait peu à peu à ronger John qui était persuadé que son coach en avait personnellement après lui.

Le 31 janvier 1975, les Sonics affrontent les Blazers dans un match très disputé. Dans cette rencontre, Brisker va jouer plus que ses 13 minutes habituelles en sortie de banc : 28 points avec des gros tirs dans les moments importants en 33 minutes de jeu pour combler le retard des Sonics et décrocher la victoire. Jusque là tout va bien, mais cette démonstration offensive de Brisker fit éclater sa rancœur envers Russell dans le vestiaire. Il s’assis sur le banc et fixa son coach d’un regard noir. Slick Watts – son coéquipier de l’époque – raconte ce moment hors du temps :

“On était tous effrayés mais nous savions que ce n’était pas à nous qu’il en voulait. Il voulait se faire le coach. J’ai cru qu’il allait le tuer, vous pouviez lire la fureur dans ses yeux et il était prêt à attaquer.”

Alors que s’est-il passé ce fameux 31 janvier dans ce vestiaire ? Personne ne le sait réellement mais tout laisse à penser que Brisker a dépassé la ligne rouge puisque 2 semaines plus tard il sera… viré des Sonics et mettra fin à sa carrière NBA. Une sortie par la petite porte, pour un joueur pourtant doté d’un talent offensif hors du commun…

L’après NBA : le mystère Ouganda

En 1976, alors qu’il n’a que 28 ans, John Brisker décide de raccrocher les sneakers pour prendre distance avec la NBA. Pris de passion par l’histoire de ses ancêtres africains où l’instabilité politique règne, John est épris du désir de se battre pour des causes qui lui tiennent à cœur. Pour Spencer Haywood, tout ça va un peu plus loin :

“Je lui disais qu’il n’avait pas besoin de retourner là-bas. Il n’avait pas l’air bien dans sa tête. Je lui expliquais qu’il avait des soucis d’agressivité à résoudre, que le problème ce n’était pas Bill Russell mais lui. Puis il m’a montré une photo de lui avec le dictateur ougandais Idi Amin, même si je ne suis pas tout à fait certain que c’était lui. J’ai alors essayé de lui prendre son passeport mais je n’ai pas réussi. C’était en 1977 et je ne l’ai jamais revu après ça.”

Rien de très rassurant de côtoyer un dictateur, merci Captain Obvious, et cette aigreur doublée de mal-être et de violence soupçonnée par Haywood s’est confirmée lorsque sa première femme a demandé le divorce en 1977 pour de multiples violences conjugales.

John Brisker fait mine de se calmer en 1978 en ouvrant une entreprise d’import-export, sauf que l’entièreté de ses fournisseurs se situent en… Afrique, certainement un nouveau prétexte pour continuer à voyager. Spencer Haywood le suspectait même de travailler en tant que mercenaire pour le dictateur Idi Amin dans la guerre civile du Ouganda. Un jour d’avril 1978, Brisker appelle sa nouvelle femme pour lui dire que le voyage s’est bien passé, mais ce coup de fil est la dernière trace que l’histoire garde de lui…

Pas mal de gens dont Tom Burleson ont enquêté sur sa disparition, dont la théorie principale figure en 1980 dans un article de l’Associated Press. Slick Watts nous raconte la légende :

“De ce qu’il se dit, il était assis à la table du dictateur et une dispute aurait éclatée. Brisker ne voulait pas lâcher le morceau à propos de son désaccord et insistait sur son point de vue. Il a alors péter un plomb comme il sait le faire et vous le savez dans ce pays, vous ne pouvez pas vous permettre de manquer de respect au roi. Apparement le gars avait déjà son flingue prêt à tirer, il a dégainé et pan… il a abattu Brisker. C’est en tout cas ce que raconte la légende.”

Le mystère de John Brisker n’est toujours pas résolu de nos jours puisque personne ne sait où ni comment le joueur de basket est décédé. Peut-être même est-il toujours en vie… En tout cas, l’histoire de Brisker est la preuve qu’une carrière sportive professionnelle passe avant tout par les relations sociales, davantage que par les talents individuels de chacun.

Source texte : Basket Infos