Adam Silver : s’il-vous-plaît, on aimerait retrouver notre chère NBA.
Le 03 nov. 2022 à 23:18 par Bastien Fontanieu
Sur ce début de saison NBA 2022-23, pas une semaine ne semble passer sans qu’un scandale ne fasse surface. Joueurs, membres de staff, coachs et propriétaires, les comportements à la dérive se multiplient et face à ceux-ci la Ligue ne montre pas la plus ferme des poignes. Patron de la NBA, Adam Silver doit se reprendre.
C’est une tendance, qui ne devrait même pas en être une à la base.
Une triste tendance.
Robert Sarver, accusé de racisme et misogynie.
Kyrie Irving, accusé d’antisémitisme.
Josh Primo, accusé d’exhibitionnisme.
Miles Bridges, accusé de violences conjugales.
Rajon Rondo, accusé d’avoir menacé de mort sa propre femme.
Ime Udoka, accusé d’avoir des relations inappropriées dans sa franchise.
Des dossiers tous très différents, mais un terme qui revient constamment ces derniers temps : accusé.
Et à ce terme qui se démultiplie s’accompagne un sentiment, un soupir, qui n’en finit plus de nous lasser.
Alors que la préoccupation principale des fans de basket et des médias qui couvrent la Ligue devait se tourner autour des parquets de la NBA, les dérives extra-sportives ont pris le pas sur le terrain en ce mois d’octobre 2022. Et ce, pour notre plus grand chagrin.
Nous étions impatients, hystériques, débordant d’énergie à l’approche de cette saison 2022-23. On voulait s’en mettre plein les yeux et les veines après plusieurs mois passés loin des temps-morts et des analyses de matchs à chaud. Certes, les affaires autour de Kevin Durant et sa demande de transfert des Nets avaient barbé beaucoup de fans entre les mois de juillet et d’août, mais l’enfant commun en nous ne voulait qu’une chose : qu’on se remette à jouer au basketball. Et que les plus grands talents de la planète, rassemblés en NBA, remplissent nos yeux d’étoiles avec les performances les plus spectaculaires possibles.
Nous sortions d’une saison splendide, mouvementée, imprévisible. Le comeback de Stephen Curry et des Warriors sur le toit du monde. L’explosion de Ja Morant, le retournement de campagne chez les Celtics. Le jeu magnifique proposé par les Suns, puis les merveilles de Luka Doncic avec les Mavs, une grande cuvée de rookies et de la hype à ne plus quoi savoir en faire. On avait hâte de retrouver notre doudou, ce jouet que l’on dorlote depuis des années et qui nous apporte notre lot d’excitation au quotidien.
Et malheureusement ? Le hors-parquet semble dominer le sur-parquet, après deux petites semaines de compétition.
En tant que média, on peut se regarder dans la glace et se poser la question suivante : est-ce qu’on devrait parler de tout ça ? De tous ces scandales et de toutes ces affaires ? Est-ce qu’on ne devrait pas s’occuper uniquement des performances, des 48 minutes jouées et plus si affinités ? C’est une question légitime, qui a déjà traversé bien des esprits. Mais malheureusement, la réponse tombe d’elle-même.
Non, on ne peut éviter de traiter ces scandales. Non seulement on ne peut pas, mais on ne doit pas.
Car comme l’a dit un tonton un jour à son neveu dans une bagnole complètement éclatée : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Et même si cela fait chier (parfois/souvent), il faut parler de ces actes qui n’ont plus leur place. En NBA comme ailleurs. Non, on ne veut pas de racisme, de misogynie, de harcèlements sexuels, de maltraitance, d’exhibitionnisme et qui sait quelle autre connerie un joueur va nous offrir d’ici 48h. Oui, il faut dire les termes et poser ces questions, même si elles dérangent. Oui, c’est soûlant pour certains, mais il faut le faire. Car ne pas intervenir, c’est – quelque part – collaborer. C’est accepter, hausser des épaules, reprendre une gorgée de café et laisser le monde tourner ainsi “parce que c’est comme ça“. Intervenir et exprimer son désaccord, ce n’est pas la mer à boire : c’est la moindre des choses, c’est le strict minimum.
Mais alors où aller, et comment faire quand on voit la tendance actuelle ?
C’est là que le patron doit intervenir.
Adam Silver doit reprendre les rennes de sa Ligue et montrer davantage de fermeté, s’il ne souhaite pas voir l’image de la NBA chuter au fur et à mesure.
Il est évidemment facile, seul assis sur son bureau et devant son clavier, de pointer du doigt et de dire comment faire. Gérer une entreprise et une ligue sportive aussi grosse que la NBA, cela demande un niveau de professionnalisme, de polyvalence et d’expertise dont nous n’avons même pas conscience. On peut volontiers émettre des suggestions à la 2K, comme s’il suffisait de baisser le rating trous de balle en NBA et augmenter la jauge tolérance. Mais cela va bien plus loin que cela, et qui sait le nombre d’implications dont nous n’avons pas idée qui sont demandées à Silver chaque matin.
Un élément dont nous avons cependant idée, c’est la fermeté d’un boss. C’est le cadre délimité qu’il impose, et les lignes à ne pas dépasser.
À ses tout débuts en 2014, en reprenant les fonctions de David Stern (RIP), Adam Silver avait justement montré un visage dans la continuité de l’ancien patron de la NBA : c’est moi le dirlo, et on va aller à mon tempo. Le plus bel exemple étant l’affaire Donald Sterling, qui avait poussé Silver à bannir l’ex-propriétaire des Los Angeles Clippers à vie. C’était un bon coup de la part d’Adam Silver, et un coup nécessaire. Car non seulement cela envoyait un message clair concernant les valeurs de la NBA, mais cela donnait aussi tout de suite la note à suivre, et le cadre à respecter. Si vous faites de la merde, vous serez priés de la faire ailleurs.
Lointaine semble cette époque aujourd’hui.
Il y a deux mois, les joueurs et leur association (NBPA) ont dû faire pression sur Silver, car ce dernier avait littéralement tapoté sur les doigts de Robert Sarver, ex-proprio des Phoenix Suns. Une amende de 10 millions de dollars et 1 an de suspension, pour avoir tenu des propos racistes et misogynes à plusieurs reprises ? En état de choc, la NBA et ses membres ne pouvaient comprendre comment une telle décision avait pu être prise. Et les médias américains, à l’unisson, montaient justement au créneau pour dénoncer ce manque de fermeté. Même chose autour du dossier Kyrie Irving, avec des Nets totalement dépassés par les événements récents. Même chose autour des violences conjugales, ou des actes rapportés cette semaine autour de Josh Primo, dont l’affaire va aller apparemment assez loin vu les procès enclenchés autour des Spurs.
À un moment donné, on doit se demander : comment ces actes peuvent-ils se répéter ?
Pendant des années, des décennies même, nombreuses ont été les critiques face à cette poigne de fer qu’imposait David Stern. Tolérance zéro sur bien des sujets, et non-discussion autour de thèmes qui auraient pu être justement discutés. Aujourd’hui, c’est limite si on ne serait pas nostalgiques de cette fermeté made in Stern, qui lui a apporté bien des ennemis… mais aussi le respect de tous. Dans une société qui évolue et qui apporte un niveau d’informations comme jamais nous en avons eu auparavant, tout est mis à découvert. Le passé d’untel, la vie privé de chacun, les agissements, les doutes, les possibilités, les rumeurs. Tout le monde a son viseur de sortie, avec cette soif presque dérangeante qui se partage : celle de faire tomber tout ce qui bouge. Ce n’est donc pas demain que les scandales vont s’arrêter, et que des membres de la NBA ne seront plus dénoncés. C’est le jeu de ces nouvelles règles, et quelque part c’est tant mieux.
Mais récemment, Adam Silver semble avoir perdu la poigne. Cette fermeté qui rappelle ce qu’est la vraie NBA.
Oui, il s’agit d’une entreprise, d’un des plus grands business de la planète. Oui, en cette période post-crise COVID, il est important de s’assurer – en priorité – que la machine tourne. Mais non, on ne peut pas laisser des actes et des comportements se normaliser, pas dans notre société, pas dans l’état de nervosité ambiant. Ce qu’il faut, c’est une ligne directrice. Claire, nette, précise. Sans la moindre ambiguïté, et sans remise en question non plus. En ce moment ? Nous ne savons plus comment la NBA va réagir à tel ou tel scandale. Parce que cette ligne est devenue floue, pas claire, pas nette, imprécise. Alors qu’il faudrait planter ses pieds dans le sol, bomber le torse et assumer haut et fort ce qu’on est.
La NBA n’est pas parfaite, mais c’est elle qui a envoyé un message fort de soutien lorsque Magic Johnson a annoncé sa séropositivité en 1991. C’est elle qui a exclu les joueurs drogués, lorsque ces derniers pensaient pouvoir fêter Noël chaque matin dans les années 1980. C’est elle qui a apporté le basket à la télé, et la Dream Team aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. C’est elle qui a employé un premier coach Afro-Américain dans un sport professionnel majeur américain. C’est elle qui a soutenu Jason Collins lorsqu’il a fait son coming out public en 2014. Des exemples comme ceux-ci, il en existe des dizaines. Ce sont eux qui ont permis à la NBA d’avoir sa position actuelle, une position nécessaire dans le monde moderne.
Mais cette sale tendance actuelle, expliquée plus haut, a un potentiel dévastateur sur le long-terme.
Elle peut fissurer les relations entre membres de la Ligue, ce qui va déjà nous mener à des négociations dramatiques pour une nouvelle convention collective (CBA).
Elle peut fissurer les relations entre les fans et la NBA, ce qui mènera à moins de présence, moins d’enthousiasme, et des conséquences désastreuses sur le succès de la Ligue.
Elle peut fissurer les relations entre la NBA et le monde, après des années de croissance et de progrès, de leadership et de pole-position dans son aspect de ligue pionnière.
Il est donc l’heure d’intervenir.
Ne gâchons pas le merveilleux spectacle que la NBA peut nous proposer tous les soirs.
Ne laissons pas le business piétiner les valeurs humaines qui ont fait la NBA ce qu’elle est aujourd’hui.
Ne prenons pas pour acquis les fans et leur soutien inconditionnel, eux qui ont aussi permis cette explosion médiatique.
Un jour, peut-être, Adam Silver se retournera et l’image de la NBA aura tellement changé qu’il se demandera quand est-ce que ça a cloché.
Si on espère que ce moment n’arrivera pas, on sait que s’il faudra trouver un moment où il était nécessaire d’intervenir : ce moment est aujourd’hui.