Le billet d’Alex : et si les Nets…

Le 26 mars 2022 à 11:45 par Alexandre Martin

Kyrie Irving Kevin Durant Nets Free Agency NBA
Source : YouTube @NBA

“Avec des si, on mettrait Paris en bouteille”, selon le proverbe bien connu. “Avec des si, on scierait” selon Boris Vian. “Avec des “si” et des “peut-être”on mettrait un cachalot dans une boîte d’allumettes” comme le dit cette réplique du célèbre film “Un long dimanche de fiançailles”. C’est vrai que les “si” sont bien pratiques pour faire et se faire des films ou pour échafauder des hypothèses parfois farfelues, parfois pas tant que ça… En voilà une : et si les Nets étaient en fait un monstre que les blessures et les mauvais timings ont trop bien masqué ?

La question mérite non seulement d’être posée mais aussi d’être prise très au sérieux. Surtout si vous vous appelez le Heat, les Sixers, les Bucks ou encore les Celtics et que vous êtes en train de jouer des coudes pour finir le plus haut possible dans le classement de l’Est. Au vu de leur avance, de leurs dynamiques et de celles de leurs poursuivants, ces quatre équipes devraient composer le top 4 de leur conférence au soir du 10 avril prochain quand la régulière fermera ses portes. On verra pour l’ordre mais c’est toujours une bonne nouvelle d’avoir l’avantage du terrain au moins au premier tour des Playoffs. La mauvaise nouvelle, c’est que l’une de ces équipes devra très vraisemblablement y affronter les Nets. Et depuis cette semaine, c’est même une très mauvaise nouvelle. 

Cette semaine. Kyrie Irving a fêté ses 30 ans (le 23 mars) et le moins qu’on puisse dire est qu’il a eu droit à un joli cadeau avec ce changement de réglementation dans l’État de New York qui va lui permettre désormais de jouer à domicile pour les Nets. Une décision qui change beaucoup de choses. Une décision sous forme de cadeau collectif pour les Nets et leurs fans, un cadeau pour Brooklyn, pour les amateurs de beau basket aussi. Ce samedi, les Nets sont en déplacement à Miami pour un gros match face au Heat et dimanche, Kyrie Irving pourrait faire ses débuts à domicile cette saison, contre les Hornets. Kevin Durant et Kyrie Irving sont donc en forme en même temps et vont jouer tous les matchs ensemble. Tous les matchs. Ensemble. C’est réel. Pour autant, n’étant pas du genre à céder à l’enflammade, juste à faire des hypothèses, je n‘oublie pas tous les soucis entrevus côté Nets cette saison. 

Nombreux, les soucis. 

Et Kyrie ne va pas tout régler. La défense pour commencer : Brooklyn a montré sur quelques séquences une capacité à proposer un blindage bien organisé mais nous parlons ici du 22ème ratio défensif de la ligue cette saison. Une défense dans le dernier tiers en régulière s’avère souvent bien trop tendre pour les joutes de post-season quand elle y accède. Une défense qui laisse fortement à désirer dans le backcourt et qui peut prendre l’eau face à des intérieurs costauds même si l’arrivée de Dédé Drummond devrait aider dans ce sens, notamment au rebond. Le nerf de la guerre sera déjà pour les Nets de proposer le niveau d’énergie et d’effort requis le moment venu. Cela n’a pas toujours été le cas. Sur un match de Play-in ou dans une série de Playoffs c’est un souci. Les adversaires vont en jouer. Ils le savent. La ligue le sait. Pour jouer Brooklyn, il faut jouer dur, il faut leur rentrer dedans, les mettre sous pression. 

Il faut utiliser les tâtonnements de Steve Nash sur les rotations aussi. Des tâtonnements dûs autant à des choix hasardeux qu’au manque de continuité dont le groupe pâtit depuis le début de cet exercice 2021-22. L’énorme échange mis en place avec les Sixers lors de la trade deadline n’a pas aidé dans ce sens même s’il paraît évident que le divorce avec James Harden était inévitable et souhaitable. Et tant pis si l’intégration de Ben Simmons est compliquée avec ses problèmes de dos qui l’empêchent de jouer. On reste très curieux de le voir sur le parquet dans un rôle de premier défenseur, de porteur de balle sur transition et de Bruce Brown de 2m08 en attaque placée. En attendant, les Nets ont non seulement ajouté les centimètres et les kilos de Drummond dans leur raquette mais ils ont aussi comblé la perte de Joe Harris par l’arrivée de Seth Curry, un sniper parmi les plus adroits de la ligue depuis six ans doublé d’un scientifique du jeu sans ballon. Un Curry en somme. Un joueur idéal dans le projet Nets qui, une fois ces soucis et défauts du groupe constatés, reste le même depuis le 10 février : avoir le meilleur cadre possible pour laisser s’exprimer le duo Kevin Durant – Kyrie Irving. 

Durantula et Uncle Drew. 

C’est l’un des – si ce n’est le – meilleurs scoreurs de tous les temps associé à l’un des scoreurs les plus doué de la ligue actuelle. C’est de la poésie, c’est du talent pur, ce sont des points, beaucoup de points. Ce sont 29,7 points de moyenne à 52% au tir (37% de loin) pour l’ailier et 28,5 à 49% au tir (44% de loin) pour l’arrière. Aucun des deux n’a joué assez de matchs pour être pris en compte dans les classements individuels mais ces moyennes sont toutes les deux parmi les cinq plus élevées de la ligue cette saison. Ce duo pose et va poser des problèmes insolubles à n’importe quelle défense. Ils ont tout, tous les deux : handle, tir, pénétration, qualité de choix, création, distribution, jeu sans ballon, jeu en isolation, toucher, vice, expérience. Aucune équipe ne peut prétendre arrêter l’attaque des Nets avec Irving et Durant présents à chaque match. Aucune. Et connaissant l’appétence de ces deux superstars pour les grands matchs, il y a fort à parier que le duo soit encore plus inarrêtable une fois venu le temps des Playoffs. car oui, je pense – et ne suis pas le seul – que les Nets vont aller en Playoffs. Par le Play-in très probablement, mais ils vont y aller. 

Kevin Durant et Kyrie Irving. Tous les matchs. Ensemble. Oui, on se répète.

Il reste neuf matchs de saison régulière aux Nets. Cette dernière ligne droite ne sera pas suffisante pour mettre en place une vraie dynamique mais elle pourrait en être le début, avec, a minima, quelques automatismes qui apparaissent pour améliorer les schémas défensifs. Toute la question sera de voir si ces Nets sont capables de surpasser leur défense moyenne par une attaque hors du commun afin de gagner quand même les matchs qui seront serrés. Avec Irving et Durant, c’est tout à fait possible ! Même sans Ben Simmons et en fonction des retours de blessures, Steve Nash va pouvoir compter sur cette base autour de son duo : le spacing de Patty Mills et Seth Curry, le gestion de balle de Goran Dragic, le culot de Cam Thomas, les muscles et le hustle de Bruce Brown, Nic Claxton, Andre Drummond et James Johnson, ainsi que les deux anciens All-Stars Blake Griffin et LaMarcus Aldridge. 

Un telle base – faite de bons soldats, de joueurs intelligents, expérimentés, dévoués et plein de polyvalence – ne peut-elle pas suffire à constituer une équipe très compétitive à partir du moment où elle est le socle de l’expression du talent hors du commun de Kevin Durant et Kyrie Irving ? En voici une autre question qui mérite d’être posée. A moins que la réponse ne soit déjà dans la question… La blessure de Kevin Durant en janvier, les convictions de Kyrie Irving, l’échec Harden, l’infirmerie qui ne désemplit pas et donc un groupe jamais vraiment au complet pour travailler… Tous ces paramètres pourraient bien n’avoir été qu’un brouillard nous empêchant de voir la réalité affolante de ce que les Nets vont pouvoir nous proposer d’ici quelques semaines. 

Une chose est sûre : la fenêtre de tir des Nets vient de s’élargir considérablement avec cette décision du maire de New York. Il y a encore quelques jours, il s’agissait pour Brooklyn de jouer, éventuellement, les Playoffs sans Kyrie dans au moins trois des matchs de n’importe quelle série. Aujourd’hui, il s’agit de savoir qui pourrait se coltiner un duo offensif all-time, à chaque match, dès le premier tour. Et si les Nets étaient les gros clients des Playoffs à venir ? Et si les Finales de conférence à l’Est étaient une boîte d’allumettes et les Nets un cachalot ?