L’arrivée de Kevin Durant aux Warriors : une signature all-time, résultat d’une culture “Golden State” parfaitement établie

Le 31 déc. 2019 à 13:57 par Nicolas Meichel

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Le 4 juillet 2016, jour de la fête nationale américaine, Kevin Durant a provoqué un véritable séisme dans le monde de la NBA en décidant de quitter Oklahoma City pour rejoindre les Warriors, champions NBA en 2015 et finalistes en 2016 après une campagne historique à 73 victoires. Cette décision, largement critiquée à travers la Ligue, a fait entrer KD et les Dubs dans une autre dimension, mais elle a surtout récompensé le travail de toute une franchise dans la construction d’une véritable culture “Golden State”. 

My Next Chapter“. Voici le titre de la fameuse lettre de Kevin Durant pour The Players’ Tribune le 4 juillet 2016. Un jour qui reste dans les mémoires, avec cette phrase qui a complètement bouleversé l’équilibre de la Grande Ligue : “J’ai décidé de rejoindre les Golden State Warriors”. Boum. Les Dubs avaient touché le gros lot, eux qui étaient déjà très riches. Profitant notamment d’une hausse exceptionnelle du salary cap en 2016, la franchise de la Bay Area avait réussi à signer la superstar la plus convoitée de la NBA pour l’ajouter à Stephen Curry, Klay Thompson, Draymond Green ou encore Andre Iguodala. Bonjour la dream team. On avait franchi un cap supplémentaire dans l’ère des superteams. Évidemment, au sein du monde de la balle orange, les réactions fut multiples et tranchantes. KD avait pris très cher, ils étaient nombreux à se plaindre de l’intérêt de la Ligue après cette signature, et on se demandait tous comment il était possible de rivaliser avec une telle armada. Clairement, il y a eu énormément de négativité autour de l’arrivée de Durant dans la Baie, et les Dubs ont vu leur nombre de détracteurs grimper en flèche. Quand une équipe n’arrête pas de gagner, qu’elle continue de se renforcer et qu’elle possède plusieurs des meilleurs joueurs du monde, elle devient forcément l’équipe à abattre. Surtout quand vous ajoutez à ça un sentiment de facilité et une attitude parfois agaçante, avec une bonne dose de bandwagoners pour accompagner le tout. L’hostilité à l’égard de cette équipe a véritablement éclaté au grand jour au moment de la chute récente des Warriors – à partir des dernières Finales NBA jusqu’à aujourd’hui – avec toute une armée de haters qui s’est réjouie des malheurs de Golden State. Mais la signature de Kevin Durant, qui a donc radicalement changé la perception du public par rapport aux Dubs, était avant tout un magnifique coup de maître de la part de la franchise californienne. Une franchise qui a réussi à construire une vraie identité lors des années précédant le recrutement de KD.

Pour pouvoir convaincre Durant de quitter Oklahoma City pour Golden State, avec tout ce que ça implique, il fallait des arguments très solides. Et Golden State cochait toutes les cases au moment de s’asseoir autour de la table avec Kevin, quelque part du côté des Hamptons à l’été 2016. Si l’on excepte le spot sympatoche que représente la Baie de San Francisco – un argument de plus pour une superstar souhaitant maximiser son potentiel sur comme en dehors du terrain – les Warriors ont construit tout le reste afin de pouvoir être perçus comme une destination très attractive pour un gros poisson comme Durant. Le mot-clé ici est construction. Les Dubs ont réussi à construire une équipe calibrée pour jouer le titre, le tout avec une culture du jeu et de la gagne très bien établie. En 2016, ils sortaient de la meilleure saison all-time avec 73 victoires en régulière. Une saison ponctuée par un choke face aux Cavaliers de LeBron James et Kyrie Irving, mais les Warriors avaient déjà remporté le titre la saison précédente face à ces mêmes Cavs après 67 succès. Des résultats juste exceptionnels. Mais encore plus que les résultats, c’est le basket pratiqué par les hommes de Steve Kerr qui faisait vibrer. Un jeu collectif léché, excitant, rapide, basé sur le mouvement du ballon et des joueurs, où chacun connaît parfaitement son rôle, le tout sous l’impulsion de deux snipers redoutables surnommés Splash Brothers, sans oublier la grande gueule Draymond et le très précieux Iggy. Ce n’est pas un hasard si ces quatre-là étaient présents à la grande réunion avec Durant, car ils représentaient parfaitement le basket made in Golden State. La magie de Steph, l’excellence de Klay, la polyvalence de Green et l’altruisme de Dre dans son rôle de sixième homme. Pour un puriste du jeu comme Kevin Durant, évoluer dans une telle équipe était l’endroit rêvé. KD, il n’a jamais vraiment été intéressé par le costume de leader indiscutable ou de big boss d’une franchise. KD, c’est plus le gars qui veut avant tout prendre du plaisir en jouant au sein d’un collectif où il peut maximiser son énorme talent. Un gars qui est dans le flow du game, qui n’aime pas forcer les choses. Les Warriors réunissaient tous ces ingrédients, et l’occasion était trop belle pour ne pas la saisir.

Pour pouvoir construire une vraie culture au sein d’une franchise NBA, tous les acteurs doivent posséder la même vision des choses, et ce à tous les étages. Du propriétaire aux joueurs, en passant par le manager général, les dirigeants et le coach, tout le monde doit tirer dans le même sens. Et c’est ce qui a fait la force des Warriors. Le 15 juillet 2010, quand Joe Lacob a racheté la franchise en compagnie de Peter Guber pour 450 millions de dollars, il avait comme objectif de construire une organisation capable de jouer le titre et de porter les Dubs au sommet. Pour l’aider dans sa mission, Lacob a d’abord engagé… son fils de 22 ans Kirk, mais surtout Bob Myers – un agent de joueurs – en 2011 pour le poste de manager général assistant derrière Larry Riley. Malgré sa faible expérience dans le domaine, Myers a été promu GM seulement un an plus tard. Également en 2011, un certain Jerry West a rejoint le front office pour apporter son expertise, son expérience et ses conseils. À la recherche de leaders et de joueurs altruistes pour construire un collectif solide capable de rivaliser avec les meilleurs, les Warriors ont alors enchaîné les choix malins pour bien entourer le jeune sniper Stephen Curry, prolongé pour seulement 44 millions sur quatre ans en 2012 (bonjour le contrat en or). Big up à Travis Schlenk et Larry Harris, deux autres membres importants dans la construction de Golden State, pour leur rôle à la Draft avec les sélections de Klay Thompson (11è choix en 2011, ou le gars que les Warriors n’ont pas voulu transférer contre Kevin Love), Harrison Barnes (7è choix, 2012), Festus Ezeli (30è choix, 2012) et Draymond Green (35è choix, 2012). On peut dire qu’ils ont eu le nez fin. Vous ajoutez à ça le transfert de Monta Ellis pour récupérer Andrew Bogut en mars 2012, un autre échange avec le Jazz pour se débarrasser de certains contrats expirants afin de permettre la signature de l’agent libre Andre Iguodala à l’été 2013, ainsi que les signatures de Marreese Speights (2013), Shaun Livingston (2014) et Leandro Barbosa (2014), et vous retrouvez le noyau de cette formidable équipe de 2015 et 2016. Comme un symbole, Bob Myers a été élu Dirigeant de l’Année en 2015 (puis en 2017).

Et puis celui qui a fait fonctionner tout ça sur les parquets, c’est bien évidemment le coach Steve Kerr. Si Mark Jackson a aidé les Warriors à franchir un vrai cap et retourner en Playoffs pour la première fois depuis 2007, Kerr a su maximiser son effectif pour le rendre quasiment injouable, lui qui a terminé deuxième puis premier dans la course au Coach de l’Année lors de ses deux premières saisons en tant qu’entraîneur. À l’image de Myers, Stevie n’avait aucune expérience dans son nouveau poste de coach, et il y avait donc une nouvelle part de risque côté Warriors, d’autant plus que Jackson possédait le soutien de ses joueurs avant son licenciement. Cependant, Kerr connaissait parfaitement la NBA à travers son passé de joueur, de consultant et de dirigeant, et il a tout de suite montré qu’il était l’homme de la situation en mettant en place une philosophie et un style de jeu qui allaient faire des ravages dans la Grande Ligue. Parmi ses plus grandes décisions, il y a eu celle de transformer Andre Iguodala en sixième homme, rôle dans lequel il a été si précieux pendant tant d’années. Draymond Green est également devenu un titulaire à part entière lors de la première saison de Kerr, à la place d’un David Lee touché par les blessures. Et puis surtout, les éléments composant le collectif californien semblaient en parfaite symbiose, du MVP Stephen Curry au mec du bout du banc. “Strength in Numbers”, c’était le slogan officiel des Warriors, difficile de faire plus éloquent. Cette équipe de Golden State a tout simplement bouleversé la Ligue. Les missiles à trois points, un small-ball de la mort avec Draymond Green en poste 5 pour dominer des deux côtés du terrain, un basket total aussi kiffant que redoutable… bref, une vraie révolution, qui caractérise la direction prise par la NBA ces dernières années jusqu’au jeu actuel.

Vision, innovation, construction, prise de risques, altruisme, collectif, beau jeu… voici certains des mots qui caractérisent le mieux cette culture “Golden State”, construite à partir de 2010 sous l’impulsion d’un nouveau proprio et d’un nouveau management. Séduit par tout ça, Kevin Durant est arrivé en 2016 pour rendre les Warriors encore plus forts. Avec KD dans leurs rangs, les Dubs ont remporté deux titres supplémentaires en trois Finales NBA, faisant de Golden State la plus grande franchise de la décennie 2010.