Isaiah Thomas tape du poing sur la table : il faut défendre les joueuses de WNBA et leur ligue

Le 04 sept. 2018 à 14:00 par Aymeric Saint-Leger

Isaiah Thomas
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Parmi les sujets mis en avant cet été dans le monde de la balle orange aux USA, on trouve les troubles de santé mentale, et plus récemment, la condition des athlètes professionnelles de la WNBA. Les inégalités salariales entre les deux ligues sont immenses. Ainsi, des têtes d’affiche de l’institution féminine, comme Skylar Diggins, ou dans une moindre mesure Brittney Griner, ont commencé à plaider leur cause pour ouvrir les esprits sur un sujet tabou. Ce thème a une résonance dans le microcosme du basket, à tel point que c’est Isaiah Thomas qui s’en est emparé, pour venir au soutien de ses pairs. 

Oui, ses pairs. C’est la vision d’IT. Même s’ils ne sont pas dans la même compétition, les NBAers et joueuses WNBA pratiquent le même sport, partagent la même passion, la même appétence pour la balle orange. Pourtant, dans le monde du sport professionnel, ces pairs ne sont pas considérés de la même façon, ni rémunérés de manière comparable. D’où le récent coup de gueule de Skylar Diggins. La joueuse des Wings de Dallas considère que ses coéquipières et adversaires devraient être en droit de toucher des revenus sur les ventes de maillot, ainsi que, et surtout, d’être rémunérées en fonction d’un pourcentage de revenus générés. La star s’est d’ailleurs lancée dans une comparaison peu appréciée par certains entre elle et Harrison Barnes, démontrant qu’elle n’était pas moins méritante que lui, et qu’elle l’était peut-être plus que des joueurs de banc en NBA, qui touchent malgré tout beaucoup plus qu’elle. Un autre argument est avancé par Brittney Griner, l’intérieur des Phoenix Mercury. Elle considère également qu’une revalorisation salariale est nécessaire, afin d’éviter que les joueuses soient obligées de chercher des contrats ailleurs pendant l’été pour subvenir à leurs besoins. Lorsqu’on est athlète professionnelle, on devrait pouvoir vivre de son activité. Ce n’est pas forcément le cas de toutes les joueuses WNBA, qui mettent leur santé en danger en ne se reposant pas l’été, et qui prennent le risque d’écourter une carrière déjà peu lucrative. Et bien Isaiah Thomas, un fan du Storm de Seattle, partage l’avis des deux jeunes femmes, et ne s’est pas privé de le dire dans une lettre rédigée pour The Players’ Tribune.

“Je vais le dire : Nous devons également faire plus de bruit autour des salaires WNBA. Beaucoup plus de bruit. Les joueuses WNBA devraient être payées beaucoup plus que ce qu’elles ne le sont actuellement. C’est évident. Ce sont des athlètes professionnelles, des modèles, et les meilleures du monde dans ce qu’elles font – elles devraient être payées en tant que tel. Les meilleurs salaires arrivent si nous voulons qu’ils existent. Donc parlons haut et fort de cela.”

On sait ce que certains peuvent penser de cette déclaration de prime abord. Qu’Isaiah Thomas surfe sur la vague d’un sujet d’actualité, se faisant passer pour le gentil qui soutient les joueuses WNBA, mais qui finalement ne fait pas grand chose pour les aider, alors que lui touche des millions nia nia nia… Alors, en premier lieu, King in the Fourth a signé cette saison avec les Nuggets pour le minimum, donc en termes de salaire, même s’il gagne plus que les féminines, il n’en est pas vraiment au stade de toucher 40 millions de dollars par an. Malgré tout, il ne s’agit pas ici de dire qu’IT défend les filles parce qu’il touche peu. Non, ça n’a rien à voir avec ça. Et c’est lui qui l’explique le mieux.

“Vous savez, j’ai toujours été le mec petit. Si vous prenez une machine à voyager dans le temps pour aller voir chaque étape de ma carrière – du basket d’enfance en passant par la fac puis la NBA – j’ai toujours dû prouver encore et toujours que j’aime ce jeu autant que n’importe qui. Pour prouver mon appartenance. J’ai appris que le basketball est un broyage, un moulage lent. C’est un marathon. Mais si tu peux jouer, je me suis toujours dis, il y aura toujours un spot pour toi. Pour être honnête, c’est toujours mon credo aujourd’hui. […] Je ne dis pas que je sais ce que c’est d’être une joueuse de basket essayant d’obtenir le respect que je mérite pour la façon dont je joue – j’ai eu beaucoup de chance dans le basketball parce que le basket masculin possède de meilleures infrastructures, plus de soutien, plus de ressources et de publicités. Mais ce que je sais, et je peux le dire pour sûr, c’est ceci : si vous donnez une chance à quelqu’un, vous serez surpris de jusqu’où ces personnes peuvent aller.”

Le fait est que le lutin a eu sa chance, à Boston notamment, et il a pu montrer toute l’étendue de son talent. La WNBA n’est elle que très peu diffusée hors Etats-Unis, même si beINSports s’y essaye en France. La médiatisation n’est pas la même, de fait l’engouement autour de ces événements est bien plus faible que celui autour de la NBA. Ce qui signifie moins de pubs, moins de sponsors, donc moins d’argent, et des conditions de vie et de travail amoindries. Isaiah Thomas l’a bien compris, et souhaite réellement publiciser ce débat pour aider ses pairs, pratiquants de basket. IT est avant tout un passionné du jeu, sous toutes ses formes. Si vous n’y croyez pas, vous pouvez aller consulter sa lettre, où il plébiscite le basket de l’Etat du Washington. Pizza Guy a grandi à Seattle, au rythme des Sonics, de leurs confrontations avec les Lakers. Il revient chez lui tous les étés, au nord-ouest des States, où ça pue le basket à plein nez. Pourtant, l’équipe NBA la plus proche se trouve dans l’Oregon à Portland. Il y avait bien les SuperSonics à une époque, une franchise mythique et qui n’existe plus depuis 2008 de par son déménagement dans l’Oklahoma. Ainsi, s’il n’y a pas de franchise de la Grande Ligue, comment vit la balle orange ? Par les Huskies, l’équipe NCAA ? Un peu, oui. Mais surtout, par le Storm, une des grandes équipes de WNBA. Cette organisation est titrée (en 2004 et 2010), plus performante que son homologue masculin. Et si la passion de la gonfle et du panier-balle est toujours présente autour de Seattle, selon Isaiah Thomas, c’est grâce aux joueuses. Il a d’ailleurs emmené ses deux garçons de sept et six ans au All-Star Game de la WNBA dans la KeyArena. C’est ce type d’événement, ainsi que l’équipe féminine, qui permett aux fans de la ville d’être comme les Doors, des Riders on the Storm.

“La ville a rempli la KeyArena pendant des années, avant et après le départ des Sonics, donc personne n’a à s’inquiéter de l’engouement autour de nos matchs. Nous sommes prêts. Nous voulons un autre navire. Le Storm va être dans notre maison, et si elles parviennent à la finale, j’essayerai d’aller voir au moins un match. Mais je dois dire, aussi excitant que ce soit d’avoir le Storm en Playoffs – j’ai peur que tout le monde ne soit pas sur la même longueur d’ondes. Depuis un moment, j’entends des choses qui me dérangent. C’est quand les gens disent ‘Il n’y a plus de basket à Seattle’, ou ‘On a besoin du retour du basket pro à Seattle’. Ils parlent du départ des Sonics, je comprends. Mais il faut entendre autre chose : ils oublient le Storm. Le Storm est là depuis plus de deux décennies. […] C’est l’équipe numéro 1 à Seattle. Croyez-moi, je n’essaye pas d’assommer les Sonics. Je les aime comme n’importe qui dans cet Etat. Je veux qu’ils reviennent, je crois qu’ils reviendront, et je ferais ce que je peux pour soutenir ça. Mais les faits sont les faits. Le jeu doit reconnaître le jeu.. Et les Sonics n’ont pas joué ici depuis une décennie. Leurs derniers Playoffs étaient en 2005, leur seul titre en 1979. Le Storm est la royauté du basket à Seattle – et vous pouvez mettre ça sur un t-shirt. Ce sont des faits.”

Isaiah Thomas se rend bien compte que le basket pourrait être mort à Seattle s’il n’y avait pas eu le Storm. Tout fan de basket de l’Etat de Washington peut être reconnaissant, selon lui, envers la franchise WNBA. Mais le néo-Nugget ne s’arrête pas là, et au-delà de signaler l’intérêt immense de et pour l’équipe de Seattle, il va défendre l’intérêt de la Ligue féminine, car c’est son sport, qu’hommes et femmes pratiquent tous, qui ont le même amour pour ce jeu.

“Pour faire simple : Si vous ne respectez pas le basket féminin, vous êtes une blague. Vous êtes une blague. Je veux dire, pensez de cette manière : si vous ne voulez pas que le basketball soit le meilleur qu’il puisse être, êtes-vous vraiment un fan de basket ? Personnellement, je ne pense pas. Je le dis comme je le vois. Et la façon dont je le vois – je n’essaye même plus de convaincre les gens à quel point la WNBA est importante. Parce que les vrais esprits le savent. Ils savent que soit tu apprécies la WNBA, ou que la WNBA ne te pose pas de problème, soit, je suis désolé de le dire mais c’est la vérité : tu n’es pas quelqu’un qui mérite une place à la table de cette conversation. Parce que si vous ne donnez pas une chance à ces femmes, alors vous n’aimez pas réellement le basketball. C’est vraiment mon souci principal. NBA, WNBA, quoi que ce soit d’autre – aimons tous ce superbe jeu tous ensemble. Soutenons juste ce superbe jeu tous ensemble. Faisons en sorte que ce ne soit qu’une seule et unique communauté basket. Point.”

Isaiah Thomas a donc pris sa plume pour défendre son sport, pour diffuser le message de l’unité de la communauté autour de la balle orange. Mais il a aussi souhaité défendre le basketball féminin, et ses homologues de WNBA, qui selon lui, apportent beaucoup à ce jeu, et sont les meilleures du monde. Elles devraient être considérées comme telles dans son opinion, notamment parce qu’il sait qu’à Seattle, ce sont les femmes qui font perdurer l’amour du basketball. IT paraît sincère, et est le premier joueur NBA à s’exprimer publiquement sur ce thème. Si d’autres suivent son exemple, en en parlant, en allant voir des matchs WNBA (comme Kyrie, Kobe ou LeBron), peut-être que le sort des joueuses sera plus considéré, et les inégalités salariales commenceront peut-être à légèrement se résorber.

Source texte : The Players’ Tribune


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