Chris Paul, James Harden et Mike D’Antoni : Lose Yourself
Le 14 mai 2018 à 18:16 par Alexandre Martin
Chris Paul, James Harden et Mike D’Antoni… Pour diverses raisons et malgré tout le talent qu’on peut leur reconnaître, ces trois-là ne jouissent pas d’une grande crédibilité dès lors qu’il s’agit de vraiment passer aux choses sérieuses. Pourtant ils sont là, prêts à disputer les Finales de la Conférence Ouest face à des Warriors qu’ils connaissent bien sans pour autant les avoir déjà battus après le stade du premier tour des Playoffs, que ce soit ensemble ou chacun de son côté. Est-ce pour cette année ? Est-ce la fin de cette étiquette de loser qui leur colle à la peau ?
Le sport de haut niveau est très cruel en bien des aspects, notamment celui qui consiste à ne retenir que les gagnants, ceux qui vont au bout, sans accorder le moindre crédit aux perdants. Et ce quel que soit le stade auquel ils perdent et l’adversaire contre lequel la chute arrive. Tu as perdu ? Contre beaucoup plus fort que toi ? Peu importe, tu es un loser !
A 33 ans, Chris Paul a été le plus visé du trio par les critiques, les langues moqueuses qui l’ont sans cesse charrié sur son incapacité à franchir le cap des demi-finales de Conférence depuis qu’il est en NBA. Surtout lors de son passage aux Clippers et encore plus après l’énorme choke en 2015 contre les… Rockets de James Harden alors que CP3 et les siens menaient 3-1 dans la série qualificative pour une Finale de Conf’ ! Pour autant, c’est bien réel : en ce mois de mai 2018, CP3 va enfin goûter à une Finale de Conférence. Après 13 saisons pour près de 900 matchs de régulière (18,7 points et 9,8 passes décisives de moyenne) ainsi que 86 matchs de Playoffs (21,5 points et 9,1 assists de moyenne), on peut dire qu’il ne l’a pas volé mine de rien ! On peut même dire que c’est tout à fait logique qu’un joueur de ce calibre – un “Point God” – atteigne ce stade avancé de la très féroce compétition qu’offre la postseason dans le basket américain. D’autant plus que c’est Chris Paul lui-même qui s’est occupé de porter les Rockets lors des deux derniers matchs de la série contre le Jazz avec 27 points, 12 rebonds et 6 caviars au Game 4, puis 41 points, 7 rebonds et 10 caviars pour mettre le couvercle sur les hommes de Quin Snyder au Game 5. Solide le ChriChri, le moins qu’on puisse est qu’il a fait ce qu’il fallait pour avoir l’honneur d’une ultime série sur la Côte Ouest de la NBA.
A 28 ans, James Harden s’est vu attribuer une étiquette de loser seulement depuis les Playoffs de l’an dernier. L’incapacité à élever son niveau de jeu face à des Spurs diminués et ce Game 6 absolument horrible où, malgré l’absence de Kawhi Leonard, le Barbu a disparu inexplicablement. 10 points à 2/11 au tir, ce n’est pas du tout assez ! 6 pertes de balle c’est beaucoup trop ! Jonathon Simmons et Danny Green se sont donnés sur ce Game 6 mais Harden avait largement les moyens de propulser Houston au tour suivant. Encore aurait-il fallu qu’il s’en donne la peine. Encore aurait-il fallu qu’il soit agressif au moment le plus crucial de sa saison, au moment où son équipe en avait le plus besoin… Bref, Harden sortait d’une saison incroyable avec plus de 29 points par soir accompagnés de plus de 8 rebonds et de 11,2 passes décisives (1er de la Ligue) de moyenne. Deuxième des votes du MVP derrière un Russell Westbrook historique, il n’en fallait pas plus pour que l’image de la Barbe qui peut tout gagner en prenne un coup. Sauf qu’Harden est déjà allé en Finales lui (en 2012), sauf qu’Harden a déjà emmené les Rockets en Finales de l’Ouest (2015), sauf qu’Harden devrait être élu MVP de la régulière qui s’est terminée mi-avril. Le numéro 13 des Fusées peut en plus compter sur un Chris Paul très motivé pour prendre le relai à la création voire au scoring si jamais il a un coup de mou. A éviter mais si c’est le cas, il y a l’ami Paul qui peut assurer.
A 67 ans, Mike D’Antoni n’est pas un petit nouveau dans le coaching. Cela fait 28 ans qu’il traîne sur des bancs d’équipes de basket après avoir commencé en 1990 sur celui de Milan d’où il remportera la Coupe Korac en 1993. Mike D’Antoni, ce sont trois expériences ratées en NBA : une très courte avec les Nuggets, une trop longue avec les Knicks et une qui n’avait aucune chance d’aboutir avec des Lakers qui ne lui ont jamais donné le personnel pour réussir. Mais le grand Mike ce sont aussi deux expériences très réussies dans la Ligue. C’est lui qui a monté ces Suns irrésistibles dans les années 2000 avec lesquels il est déjà allé deux fois en Finales de Conférence. L’attaque “7 seconds or less” c’est lui, le run and gun remis au goût du jour c’est lui. Le pick-and-roll poussé à son maximum, le small ball sans modération, la défense avec modération… Mike D’Antoni est un entraîneur mythique, un entraîneur qui sait faire vivre un groupe et lui faire comprendre les principes de sa philosophie de jeu. Un entraîneur qui vient de remporter 120 matchs en deux saisons régulières aux commandes des Rockets. Un entraîneur qui vient de faire passer James Harden de talentueux barbu All-Star à superstar de calibre MVP (portant une barbe d’un swag indéniable). D’Antoni n’a jamais eu un meilleur roster à commander. Jamais. Et c’est un fan des Suns de longue date qui vous l’écrit. D’Antoni n’aura probablement pas de meilleure opportunité pour aller goûter au parfum d’une Finale NBA.
Ces trois hommes sont peut-être encore considérés comme des losers mais ils sont la base et la force principale du groupe que forment les Rockets cette saison. Ajoutez-y les progrès impressionnants de Clint Capela (auxquels notre trio n’est certainement pas étranger), ainsi que du Trevor Ariza, du P.J. Tucker, du Eric Gordon, du Gerald Green, du Mbah a Moute ou du Nene Hilario et vous obtenez une escouade qui compte bien vendre très chèrement sa peau au champion en titre. Vous l’aurez remarqué, Ryan Anderson ne fait pas partie de cette liste. L’ailier-fort n’a que très peu joué contre le Jazz car il est trop faible en défense et représente un trop gros point faible sur lequel les équipes intelligentes – comme les Warriors par exemple – peuvent s’appuyer pour mettre à mal la défense de Houston. C’est un signe fort de la part de Mike D’Antoni à son groupe : on arrose de loin et on agresse tout en se faisant plaisir en attaque mais on ne néglige pas la défense et la dureté. Car si les Rockets attaquent magnifiquement bien cette saison avec le meilleur ratio offensif en régulière comme en Playoffs pour le moment, ils se sont également montrés très sérieux en défense : 6ème meilleur ratio défensif en régulière, 2ème depuis le début des Playoffs (juste derrière les… Warriors). La défense donc, voici un paramètre assez nouveau pour notre trio de losers qui ne veulent plus l’être. Mais beaucoup de choses sont nouvelles pour ces trois hommes. Ils sont ensemble pour la première fois cette saison et donc à ce stade de la compétition. Ils sont face à un adversaire dont le niveau excède probablement tout ce qu’ils ont pu croiser auparavant. Et, en même temps, ils sont parfaitement équipés et entourés pour rivaliser.
En tout cas, Chris Paul n’a plus de temps à perdre dans sa carrière, James Harden veut (et peut) être reconnu comme le meilleur et Mike D’Antoni rêve de voir sa philosophie de jeu très offensive arriver au bout. Voici trois hommes dont le niveau de motivation n’aura certainement d’égal que ceux du jeu et de l’intensité proposés dans la série hallucinante qui nous attend entre Rockets et Warriors. Une série qui peut être le début de la win pour notre trio, ou juste la continuité de leur lose…