Rotations chaotiques et temps de jeu inconstants : Tyronn Lue a l’air perdu sur son banc

Le 21 avr. 2018 à 10:56 par Benoît Carlier

Tyronn Lue cavaliers
Source image : youtube

Encore battus dans l’Indiana hier soir, les Cavaliers commencent à se faire peur dans cette série qui semblait pourtant jouée d’avance pour beaucoup de monde. LeBron James n’était pas aussi chaud que lors du Game 2, mais c’est surtout Tyronn Lue qui semble complètement dépassé par les événements depuis le début de ce premier tour avec une rotation chaotique et incohérente d’un soir à l’autre.

Pas besoin d’être spécialiste pour comprendre que c’est le bordel à Cleveland. Si on oublie leur bonne passe pour terminer l’année civile et le beau retour en fin de régulière, les finalistes ont quasiment été dans le dur toute l’année. Avec un gros changement d’effectif le soir de la deadline et l’arrivée de quatre joueurs avec un temps de jeu moyen supérieur à 20 minutes, cela n’a pas facilité la tâche de l’entraîneur qui a dû apprendre ses semblants de systèmes aux nouveaux arrivants en deux mois tout en les intégrant à sa rotation. Un vaste programme pour une équipe construite autour de LeBron James et qui souhaite gagner immédiatement pour ne pas risquer de perdre l’enfant du pays cet été. Le titre n’est pas un rêve, c’est un objectif et ne même pas rallier les Finales pour la quatrième année consécutive serait perçue comme une énorme contre-performance dans l’Ohio, surtout depuis que la concurrence s’est affaiblie à Boston. Mais, on a appris à le connaître, Tyronn Lue n’est pas le coach le plus doué de sa génération et il ne faut ainsi pas trop lui en demander. En 2016, il avait profité de tout le travail de fond de son prédécesseur, David Blatt, ainsi que de la réaction d’orgueil du King et de Kyrie Irving pour réaliser l’un des plus gros exploits de l’histoire des Playoffs. Mais ce come-back face aux Warriors n’a dupé personne et rares sont ceux à le mettre au crédit de l’ancienne victime d’Allen Iverson. Souvent critiqué mais jamais éjecté par sa direction, Ty semble aujourd’hui se retrouver à bord d’un bolide de course dont il ne sait pas changer les vitesses. Il a beau chercher le mode de transmission automatique, son véhicule n’en est pas pourvu. A la vitesse où les Cavaliers avancent, cela pourrait se terminer par un terrible crash dans le mur de la Bankers Life Fieldhouse.

Car c’est bien de la série contre les Pacers dont il est question ici. Alors que cette match-up semblait proposer à Cleveland un petit tour de chauffe agréable et idéal pour se mettre en route, elle s’est peu à peu transformée en un gigantesque piège dont le quadruple MVP et ses coéquipiers auront du mal à se dépêtrer. Non pas que la série soit déjà pliée, loin de là. A 2-1 en faveur d’Indiana, tout reste évidemment possible alors que les hommes de Nate McMillan n’ont fait que récupérer l’avantage du terrain grâce à leur victoire à la Q lors du Game 1. Mais c’est surtout la manière de faire de Coach Lue qui interpelle tant il a l’air perdu depuis une semaine. Après la gifle reçue en ouverture de la série, le technicien décidait de changer d’approche en sortant Rodney Hood et Jeff Green du cinq pour intégrer J.R. Smith et Kyle Korver à leur place. Jusque-là rien d’anormal, mais c’est surtout dans la gestion des minutes que les fans des Cavs peuvent réclamer quelques explications. 26 minutes pour Jean-François Vert dans le premier match, seulement 12 au suivant et 16 la nuit dernière. Même impression de freestyle pour l’ancien joueur du Jazz utilisé 20 minutes en tant que starter pour passer à 15 le match d’après et remonter à 28 en tant que remplaçant ce vendredi. Pourtant, Monsieur Capuche n’était pas dans un grand soir avec seulement 8 points à 4/8 au tir. Un temps de jeu inégal qui l’est tout autant pour Gérard, Larry Nance Jr. ou Kyle Korver et qui démontre l’amateurisme de Tyronn Lue, incapable de conserver une certaine continuité dans la gestion de sa rotation.

A partir de là, comment réussir à mobiliser un groupe sans un minimum de cohérence dans ses décisions d’une soirée à l’autre ? Tyronn Lue donne parfois l’impression d’être en totale impro sur son banc, un YOLO qui commence à se voir et qui empêche ses joueurs de bien cerner leur rôle. Or, sans avoir une idée approximative de combien de temps ils vont passer sur le terrain et avec qui ils vont partager ces minutes, difficile de rentrer dans son match correctement et de gérer ses efforts ou au contraire de tout lâcher pour faire la différence sur une courte séquence. Imaginez alors la difficulté pour les derniers arrivant dans l’Ohio de se faire une place dans cette équipe en sachant qu’ils peuvent passer moins de temps sur le terrain que leur back-up en commençant dans le cinq majeur et qu’ils peuvent totalement disparaître des plans de Lue le lendemain. A 40 ans, Tyronn Lue est illisible pour ses adversaires mais il l’est aussi pour ses propres joueurs, ce qui complique nécessairement leur tâche au moment de prendre des réflexes et de développer des automatismes avec leurs coéquipiers. Car c’est aussi à cela que sert une saison régulière, une étape négligée par le front office de l’Ohio qui a préféré tenter un coup de poker au milieu de la saison, quitte à détruire le peu de cohésion qui existait dans l’équipe. Aujourd’hui, Cleveland en paye les frais et ça pourrait lui coûter cher.

Bien sûr, les joueurs ne sont pas exempts de tout reproche et ce sont eux qui sont sur le terrain pour rentrer des paniers. Mais en persistant dans cette sorte de schizophrénie, Tyronn Lue n’aide pas son groupe à construire des réflexes pourtant essentiels au sein d’une équipe. C’est d’ailleurs pour cela que le basket est un sport collectif et pas individuel. S’il ne fait confiance qu’à LeBron, le coach pourrait avoir des désillusions. Car tout cyborg qu’il est, il a besoin de soutien pour franchir toutes les barrières qui se trouvent sur la route du titre.


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