Le fabuleux destin du millésime 96 – Allen Iverson : talent hors normes et cœur immense

Le 07 juin 2017 à 20:01 par Alexandre Martin

Allen Iverson
Source : Screen / The Answer Documentary

On parle beaucoup de la Draft de 1984 ou de sa petite sœur de 2003 en termes élogieux, comme les meilleures que la NBA ait pu connaître. Pourtant, intercalée entre ces deux générations dorées, une autre cuvée a son mot à dire. Avec 18 titres de champion, 2 MVP des Finales, 4 MVP de saison régulière et 10 All-Stars, la classe 1996 mérite toute notre attention. Ce millésime – qui vient de voir son dernier représentant tirer sa révérence avec un feu d’artifice à 60 points – fête donc cette saison les 20 ans de son arrivée dans la Ligue. Et, force est de constater que ces gars ont non seulement brillé sur les parquets mais aussi grandement contribué à changer le visage de la NBA. Pour le meilleur ou le pire, n’est-ce pas monsieur Stern ?

Allen Iverson… Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit sur ce petit bonhomme de 183 centimètres qui a débarqué en NBA en 1996 et qui a réussi à y déplacer des montagnes à force d’envie, de mental et surtout de talent ? Pour conclure notre série d’articles sur cette hallucinante cuvée que représente la Draft 96, nous nous intéressons donc en particulier au parcours de ce nabot génial, ce scoreur qui avait réponse à (presque) tout. 

Rookie Origins – du foot, du basket, de la prison et les Hoyas

Quand on parle d’Allen Iverson, on fait toujours référence à sa petite taille pour souligner l’exploit qui a été le sien de s’imposer et de dominer en NBA, ce monde de grands. Pour autant, on en oublie trop souvent de préciser l’athlète incroyable qu’A.I. était. Au lycée, ce bon Allen jouait dans l’équipe de football – en tant que quarterback le plus fréquemment mais aussi en tant que running back – et il était également le meneur titulaire de l’équipe de basket. Il fut d’ailleurs élu meilleur joueur lycéen de l’année par la fameuse Associated Press, aussi bien en football qu’en basketball ! Rien que ça ! Néanmoins, un soir de février 1993, le destin d’Allen Iverson a failli basculer à cause de son implication dans une grosse altercation dans un bowling à Hampton en Virginie (sa ville natale). Accusé d’avoir cassé une chaise sur la tête d’une femme pendant cette bagarre, Iverson fut d’abord condamné à 15 ans de prison dont 10 avec sursis. Il avait 17 ans et il a passé 4 mois dans une maison correctionnelle avant d’obtenir la clémence du gouverneur de Virginie et donc d’être relaxé. Ce passage en “prison” a clairement permis au jeune Allen de se blinder mentalement. Et même s’il a dû jouer au basket dans une école spécialisée pour les étudiants à risques lors de sa dernière année de lycée, cela n’empêcha pas l’université de Georgetown de lui offrir une bourse afin qu’il rejoigne les Hoyas à Washington.

Il faut dire que John Thompson – le coach des Hoyas à l’époque – avait été contacté directement par Ann, la mère d’Allen. Elle lui expliqua qu’il était le parfait entraîneur pour son fils et c’est ainsi que Thompson accepta de rencontrer celui qu’on surnommera plus tard The Answer. Thompson fut impressionné par la détermination du gamin qu’il avait en face de lui et quand il le vit balle en main lors de quelques workouts, tous les éventuels doutes se dissipèrent instantanément. Iverson démarra la saison 1994-95 en tant que titulaire à la mène pour Georgetown et il y fit le bonheur des siens. Car non seulement, son talent naturel et ses aptitudes physiques le rendaient injouable mais en plus il faisait preuve d’un mental, d’une agressivité et d’une énergie hors normes sur un parquet.

“Quand vous allez en prison, si quelqu’un voit une faiblesse en vous, il va l’exploiter. Je n’ai jamais montré de faiblesse. Je me suis juste conduit comme quelqu’un de fort jusqu’à ce que je sorte.” – Allen Iverson

Ainsi, Allen Iverson posera plus de 20 points, 3,3 rebonds, 4,5 passes décisives et 3 interceptions de moyenne sur sa première saison universitaire, emmenant ses Hoyas jusqu’au Sweet 16 du championnat NCAA. L’année suivante, A.I. augmentera encore ses statistiques dans tous les domaines avec notamment 25 points par match et portera son équipe encore plus loin au niveau national. Impressionnant basketballistiquement et voyant tous les scouts NBA baver sur lui, Allen Iverson décide – après cette deuxième saison – de se déclarer éligible pour la Draft qui arrive…

Rookie year – une tornade balle en main, un cross pour l’éternité

Le 26 juin 1996, les Sixers – munis du premier choix de Draft – ne vont pas hésiter une seconde et vont sélectionner Allen Iverson, faisant de lui le plus petit premier choix de l’histoire NBA. Et le moins qu’on puisse dire c’est que personne ne regrette ce choix à Philadelphie. Titulaire pour son premier match dans la Grande Ligue – la réception des Bucks par les Sixers – Iverson va tout de suite se signaler avec 30 points et 6 passes décisives. Il empilera 13 double-doubles points / passes et un points / rebonds au cours de cette première saison, qu’il finira avec 23,5 points de moyenne accompagnés de 7,5 passes décisives, plus de 4 rebonds et 2 interceptions ! Les Sixers ont beau avoir dans leurs rangs un Jerry Stackhouse tout jeune et considéré comme le nouveau Jordan ou un Derrick Coleman en pleine force de l’âge (18 points et 10 rebonds par soir sur l’exercice 1996-97), c’est bien Iverson qui est la star de l’équipe. Et ce malgré son statut de rookie.

En même temps, le garçon est petit, il peut parfois paraître frêle mais dès qu’il se met à jouer, il éblouit. Le 12 mars 1997, alors que les Sixers affrontent les Bulls intouchables du non moins intouchable Michael Jordan, Iverson se paie le luxe de poser 37 points sur la défense rugueuse des Taureaux et surtout, il mettra dans le vent Son Altesse Jojo 1er d’un crossover magnifique. Un crossover qui restera comme un des symboles du culot et du talent balle en main d’A.I.. Mais au-delà de ce match, c’est tout au long de la saison qu’Allen Iverson va impressionner. A vingt reprises il a va marquer 30 unités ou plus dont une pointe à 50 points le 12 avril 1997 lors d’un déplacement à Cleveland. Une pointe au scoring qui fait partie d’une série de cinq matchs d’affilée dans lesquels Iverson plantera 40 points ou plus. Un délire. Du jamais vu et d’ailleurs c’est un record pour un rookie, un record piqué à un certain Wilt Chamberlain qui avait réalisé une série de trois matchs à 40 points ou plus lors de sa première saison dans l’élite. Bref, vous l’aurez compris, la discussion a tourné court quand il a fallu choisir le rookie de l’année. Kobe Bryant, Steve Nash ou encore Ray Allen ont regardé bien sagement l’ami Iverson recevoir la première grosse récompense individuelle de sa carrière.

Petit rookie deviendra grand – une mini révolution, un grand MVP, un Hall of Famer

En septembre 2016, à peine plus de cinq ans après avoir raccroché, Allen Iverson a fait son entrée au Hall of Fame accompagné de Shaquille O’Neal et de Yao Ming. Ce fut l’occasion pour lui de se présenter devant la très solennelle audience de Springfield dans une tenue bien plus sobre que celles qu’on a pu le voir porter autour des terrains et que David Stern a fini par interdire via un dress code peu permissif. Ce fut également l’occasion de le voir nous prodiguer un discours tout en émotion, sans filtre ni compromission. Un discours à l’image du bonhomme et de sa façon de jouer finalement. Car Allen laissait tout sur le parquet à chaque match, il jouait avec le cœur et les tripes. Il jouait comme si chaque match était une question de survie. Et ensuite, son talent faisait le reste…

“Il (A.I.) donne son corps sur le terrain, il joue dur à chaque minute. J’adore le regarder jouer.” – Kevin Garnett

24 368 points en 914 matchs de régulière soit une moyenne de 26,7 par sortie. C’est très sérieux et cela demande effectivement le genre d’investissement que KG décrit ci-dessus. En plus, à chaque fois qu’il est allé en Playoffs, Iverson a su élever son niveau de jeu. Sur 71 matchs de post-season, il propose une moyenne de presque 30 points (29,7). Seul Michael Jordan a fait mieux en termes de scoring après la mi-avril… Meilleur scoreur de saison régulière à quatre reprises, trois fois meilleur intercepteur, Allen Iverson a toujours jonglé entre le poste 1 et le poste 2 selon les choix et les besoins de ses coachs respectifs et à cause de son physique de meneur mais de ses aptitudes plus conformes à celle d’un arrière. Mais quoi qu’il advienne, Iverson fascinait et faisait rêver les fans et même les observateurs les plus chevronnés.

“Je paierais pour voir Allen Iverson jouer.” – Phil Jackson

Malheureusement pour lui, Allen Iverson ne connaîtra jamais de consécration collective ultime. Il sera bien MVP en 2001 et emmènera ses Sixers jusqu’en Finales sous la houlette de coach Larry Brown. Mais s’il enjambera sans problème un certain Tyronn Lue, l’obstacle Lakers se révélera lui, absolument infranchissable.

Par la suite, Iverson continuera de dominer individuellement pendant pas mal d’années mais sans jamais retourner aussi loin en Playoffs, sans jamais vraiment trouver le moyen de bonifier le travail d’un collectif grâce à son talent. Il fait partie de ces monstres sans bague (encore un !), ces types tout aussi dominateurs qu’inoubliables. Ces types dont le nom est gravé dans le marbre de la NBA et dont les exploits tournent encore en boucle à travers la planète. 

Un bout de plamarès : 

  • MVP en 2001
  • 11 fois All-Star (de 2000 à 2010)
  • 2 fois MVP du All-Star Game (2001 et 2005)
  • Rookie de l’année en 1997
  • 4 fois meilleur marqueur (1999, 2001, 2002, 2005)
  • 3 fois meilleur intercepteur (2001, 2002, 2003)
  • Numéro 3 retiré par les Sixers

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