Derrick Rose : des shoots, des shoots et encore des shoots. Et les victoires, c’est pour quand ?
Le 05 févr. 2015 à 16:00 par David Carroz
Nouvelle déconvenue cette nuit pour les Bulls, face aux Rockets de James Harden. Les maux sont nombreux du côté de Chicago comme nous l’avions déjà évoqué courant janvier, et le renouveau passera forcément par plus d’intensité et une défense retrouvée. Mais pas seulement. Il est également temps pour Derrick Rose de revenir à ce qu’il sait faire : être agressif et créer des solutions pour ses coéquipiers, et non pas se prendre pour un sniper qu’il n’est pas.
Pourtant, la question ne semble toujours pas se poser pour le meneur. À la sortie des vestiaires après la défaite à Houston, D-Rose a une fois de plus évoqué les soucis collectifs, tout en assurant faire de son mieux pour tirer sa franchise vers le haut en se comportant en leader.
Rose on issues: “Effort and lack of communication on the defensive side. We’ve been saying this for a couple of weeks, but it’s so true.”
— Sam Smith (@SamSmithHoops) 5 Février 2015
Rose sur les problèmes : “Effort et manque de communication en défense. On le dit depuis deux semaines, mais c’est tellement vrai.”
Rose: “I’m trying my hardest. I’m trying to lead by example and going out there and giving it my all. We’re just trying to figure it out.”
— Sam Smith (@SamSmithHoops) 5 Février 2015
Rose : “J’essaie de faire de mon mieux. J’essaie de guider par l’exemple et d’aller sur le terrain en donnant tout. On essaie juste de résoudre ça.”
Même si ces problèmes existent, il est difficile de nier que Derrick Rose porte aujourd’hui une grande responsabilité dans le marasme chicagoan. Bien entendu, loin de nous l’idée de l’accabler après presque 2 ans de blessures et de refuser un temps nécessaire pour retrouver le rythme. Ni non plus minimiser les manques des autres membres de l’effectif, à l’instar d’un Joakim Noah en difficulté et loin de son niveau de l’an dernier, comme le prouve son 0/8 (un seul point marqué) cette nuit, malgré ses 19 rebonds. C’est d’ailleurs tout le secteur intérieur qui a sombré avec 10 tirs réussis sur 35 tentatives face aux Rockets, pourtant privés de Dwight Howard. Mais il est impossible de laisser de côté les prestations récentes de Derrick Rose, alors qu’il n’est plus limité en minutes, car elles pèsent sur les résultats des Bulls, et d’une façon négative.
Pourtant à première vue, avec 22,5 points lors de ses 13 dernières apparitions, D-Rose semble de nouveau avoir un impact sur le match, en témoigne son game winner face aux Warriors, la dernière victoire des Bulls. Mais déjà sur cette rencontre, certains aspects avaient entaché sa presatation : 11 balles perdues, et 12 tirs à 3 points pris. Et finalement, ce ne sont pas les turnovers les plus dramatiques.
En effet, sur ces 13 matches (depuis la blessure de Mike Dunleavy), Derrick Rose perd en moyenne 3,6 ballons, ce qui est supérieur à sa moyenne en carrière (3,0) mais pas forcément éloigné de ses standards lors de sa saison MVP (3,4). Il est même en progression (alors que son temps de jeu est plus important) puisque cette année il tourne à 3,9 ballons perdus par rencontre. Il a par exemple, pour compenser sa soirée savonnette à Golden State, sorti un match avec 10 passes décisives et 0 turnover face aux Celtics un peu plus tôt en janvier. En outre, si on se penche sur l’ensemble de la saison, les pertes de balle de Rose n’ont pas une incidence néfaste sur les résultat des Bulls, puisqu’ils remportent 62,5% de leurs matches (10-6) lorsqu’il commet au moins 4 turnovers, contre 56,5% (13-10) lorsqu’il est au dessous de ce chiffre.
Non, le vrai problème, c’est que Derrick Rose ne joue pas son jeu. Forcément, on s’attendait à une adaptation dans son style. Plus distributeur, moins en pénétration, plus doux pour son corps. Pour la distribution, on repassera, puisque ses stats sont inférieures (4,9 passes soit 5,7 en 36 minutes) à ses moyennes en carrière (6,5, soit 6,6 en 36 minutes). Là encore, ce n’est pas ce qui pénalise le plus Chicago puisque le bilan lorsqu’il distribue au moins 5 passes (12-8) est équivalent ou presque à celui lorsqu’il ne lâche pas autant la gonfle (11-8). Il faut donc chercher ailleurs, et en particulier dans son choix de tir.
Depuis le début de la saison, l’adresse de Derrick Rose diminue : de 43,2% en novembre, il est passé à 41,4% en décembre et 39,2% en janvier. Étonnant, puisqu’il devrait avoir plus de rythme avec l’accumulation des rencontres. Mais aujourd’hui, son corps et son cerveau sont encore en phase de reprise, même si son temps de jeu n’est plus limité. Cela se traduit clairement par un manque de toucher pour finir au panier et une mauvaise sélection de shoots, ainsi que par une inconstance sur la durée d’un match, à l’instar de ce que proposent les Bulls.
Aujourd’hui, plutôt que d’insister en étant agressif, Derrick Rose a installé son campement derrière la ligne des 3 points. Il a déjà pris 223 shoots à 3 points depuis le début de la saison, en 39 matches. Soit plus que des allumés de la gâchette comme Brandon Jennings ou J.R. Smith. Son record en carrière est de 385 en 81 rencontres lors de sa saison MVP, et nul doute qu’il sera battu à ce rythme. Pourquoi pas me direz-vous, Stephen Curry, le plus apte à dégainer parmi les meneurs, en a déjà pris 376. Et bien parce que chez les 30 joueurs tentant au moins 5 ogives par rencontre, Rose est le second plus maladroit avec seulement 29,6% de réussite. Heureusement pour lui que Kobe Bryant est resté bloqué à 29,4%.
Malgré cette maladresse, Derrick arrose (ok, elle est facile) et plombe les Bulls par la même occasion. Sur les 13 matches jouées en janvier (et février maintenant) sans Dunleavy, il prend 7,2 tirs à 3 points par rencontre. Bilan des Taureaux ? 4-9. Depuis le début de la saison, Chicago n’a remporté que la moitié des matches lorsque Derrick Rose a pris au moins 5 tirs longue distance (14-14), contre 9 victoires et 2 défaites lorsqu’il ne passe pas son temps à shooter du parking. Sur ces 13 rencontres donc, 34% des tirs (93/266) qu’il a pris l’ont été derrière l’arc (à l’image de sa saison où ils représentent 33%) alors qu’il prend moins de 17% de tirs de loin en carrière (960/5709). Certes, il est également en progrès puisqu’il est un peu plus adroit (34,4% – 32 réussis sur 93 tentés), mais les résultats collectifs confirment qu’il y a un problème avec cette stratégie.
Surtout que dans le même temps, Pau Gasol – qui avait porté les Bulls en début de saison avec Jimmy Butler – est moins alimenté et apporte moins offensivement. Si on enlève sa pointe à 46 points (17/30) contre les Bucks lors d’un match sans Derrick Rose, ses statistiques sont en baisse. Sur les 13 matches évoqués ci-dessus, il tourne à 16 points, en prenant 12,9 tirs, contre 18,1 et 14,6 sur l’ensemble de la saison. Pourtant, le duo a montré de belles choses lors de plusieurs rencontres, en particulier sur pick’n’roll et pick’n’pop. Rose doit être celui qui dirige l’attaque en s’appuyant sur ses coéquipiers, pas celui qui construit un mur de briques.
Les Bulls ont besoin que Derrick Rose soit agressif et attaque le cercle. Son corps répond convenablement et il peut retrouver une partie de son jeu. Bien évidemment, il va devoir travailler son jump shot et son tir longue distance, mais il est évident que son geste aujourd’hui est loin d’être bon. De toute façon, c’est quand il provoque que le meneur des Bulls est le plus utile à sa franchise. Lorsqu’il va sur la ligne de faute, Chicago gagne. S’il prend plus de 5 lancers francs, Chi-town remporte 66,6% des matches (8-4), contre seulement 55,6 (15-12) le reste du temps. Ses meilleurs matches cette saison sont ceux où il n’a pas hésité à pénétrer. Pour conclure, mais aussi pour ouvrir des brèches et offrir de bons ballons aux autres joueurs. C’est son style, et ce qui a fait sa force. Lors de sa saison MVP, il disposait 6,6 lancers par match, contre seulement 4,4 cette année. Si on ne lui demande pas d’aller s’exploser constamment contre les intérieurs adverses, il ne doit pas pour autant oublier d’aller leur chatouiller les aisselles.
Derrick Rose est aujourd’hui dans une bonne forme compte tenu de ses longues absences. Avoir un joueur capable de tourner à 21,9 points, 3,7 rebonds et 5,6 passes décisives (stats ramenées à 36 minutes de temps de jeu) après d’aussi grosses blessures n’était pas acquis. Certes, son adresse (40,8%) laisse encore à désirer, mais personne n’attendait de lui d’avoir retrouver l’intégralité de ses moyens et de jouer au niveau de sa saison MVP. Personne d’ailleurs aujourd’hui lui demande de faire plus. Non, il doit juste faire mieux en étant plus juste et en profitant des forces qu’il a à ses côtés. Surtout s’il veut véritablement endosser le costume de leader.
Source image : Bleacher Report et www.tour-du-monde-autostop.fr, montage TrashTalk