Quand une ville possède deux équipes professionnelles dans le même sport, on a toujours tendance à se poser la question de savoir laquelle d’entre elles domine les débats. Mais à Los Angeles, domicile des Lakers et des Clippers, ce n’est pas le cas. Dans la Cité des Anges, les Lakers ont toujours été rois, et ce ne sont pas les récents résultats des deux équipes qui vont venir changer la donne.
Ce sera toujours la ville des Lakers. Nous n’allons pas essayer. Nous allons juste nous battre pour nos fans. On ne veut pas prendre leurs fans. Ils sont supers. Ils ont forgé leur propre histoire.
Ces mots signés Doc Rivers, actuel coach des Los Angeles Clippers, résument parfaitement la situation. A Los Angeles, les Lakers seront toujours numéro un, peu importe ce qui peut arriver d’un point de vue sportif.
En l’espace de trois ans, les Clippers et les Lakers ont pris deux trajectoires diamétralement opposées. Les premiers ont connu une ascension fulgurante, alors que les seconds se sont écroulés tel un Lance Stephenson en mode flopping. Avec la draft de Blake Griffin, le transfert de Chris Paul et l’arrivée de Doc Rivers sur le banc, les Clippers sont devenus l’une des équipes les plus spectaculaires et compétitives de la Conférence Ouest, eux qui étaient habitués à la loose depuis si longtemps. Dans le même temps, la franchise pourpre et or est en mode autodestruction depuis 2011 et le départ de Phil Jackson. Les mauvais choix du propriétaire Jim Buss ont complètement coulé les Lakers, lui qui a notamment préféré prendre Mike Brown au lieu de Brian Shaw, et Mike d’Antoni au lieu du Zen Master. Il n’y a pas de doute, les Clippers sont clairement la meilleure équipe de la ville, et ce depuis plusieurs saisons maintenant. Pourtant, ils vivent toujours dans l’ombre de leur imposant voisin.
Si les deux franchises partagent bien la même salle, elles n’évoluent par contre pas du tout dans la même dimension, que ce soit au niveau médiatique, au niveau historique ou au niveau du prestige. Evidemment, si on compare les deux palmarès, c’est le jour et la nuit (voir le tableau ci-dessous). D’un coté, il y a 16 bannières de champion et des MVP en pagaille, de l’autre, c’est le néant. Aux Lakers, il existe une véritable tradition de la victoire, une longue histoire caractérisée par des actions inoubliables et des légendes qui font la popularité de cette franchise aujourd’hui : Magic, Wilt, Worthy, Baylor, Jabbar, West, Shaq, Kobe…Aux Clippers, aucun joueur n’a jamais eu son maillot retiré. A partir de là, vous comprendrez rapidement que l’exposition médiatique qui en découle est largement à l’avantage des Lakers dans la Cité des Anges. Que ce soit dans les journaux locaux ou sur les réseaux sociaux englobant le monde entier, la franchise pourpre et or écrase sa voisine. A Los Angeles, on parlera toujours plus du retour de Kobe Bryant que des chances de titre des Clippers. Ces derniers seront toujours considérés comme l’équipe « bis », « la petite sœur » des Lakers. Bien sûr, les récents résultats ont augmenté la popularité de « Lob City », mais nous sommes ici dans quelque chose d’éphémère, de non durable. Les Clippers surfent sur la vague et représentent l’équipe sexy du moment, alors que dans le même temps, leur voisin se ridiculise avec Swaggy P et Robert Sacre aux commandes. Mais à la seconde où Blake Griffin et Chris Paul quitteront la franchise, cette dernière repartira aux oubliettes. C’est ce qui fait toute la différence avec les Lakers. Dans la Cité des Anges, la seconde franchise la plus titrée de l’histoire de la NBA est une institution, un mode de vie, une tradition familiale, elle fait partie du quotidien, peu importe ses résultats et les joueurs qui composent l’équipe. De plus, quand vous avez Jack Nicholson et Lou Adler qui viennent vous mater au premier rang à chaque match, vous savez que vous êtes au top de la popularité. Cela se ressent d’ailleurs dans toute la ville. Que ce soit sur les murs, dans les rues, les restaurants, les bars, à la radio, les Lakers monopolisent toujours l’espace et l’attention, et ce malgré leur faible niveau actuel. C’est un fait, et c’est quelque chose qui ne changera sans doute jamais. Même si les Clippers se mettent à gagner un titre ou deux, c’est impossible pour une franchise beaucoup plus jeune et beaucoup moins prestigieuse d’effacer autant d’histoire, autant de succès en si peu de temps.
Voici ci-dessus un tableau comparant les résultats des Lakers et des Clippers, durant leurs 30 saisons communes à Los Angeles. Le jour et la nuit au niveau du palmarès…
Au niveau économique, il existe également un gouffre entre les deux franchises. Selon Forbes, les Lakers sont classés seconds au rang des franchises NBA à la plus grande valeur économique, tout juste derrière les New York Knicks. Ils valent actuellement 1,35 milliards de $, et leurs revenus sont estimés à 295 millions de $ en 2014. Trois ans plus tôt, la franchise pourpre et or avait signé un énorme contrat TV de deux décennies et 3,6 milliards de $ avec Time Warner Cable, l’un des principaux câblo-opérateurs US. Au niveau du merchandising, les Lakers sont également classés deuxièmes par rapport aux ventes de produits dérivés en 2014 (derrière le Miami Heat), et le maillot de Kobe Bryant reste l’un des plus vendus sur le marché puisqu’il est toujours en troisième position, derrière celui de LeBron James et Kevin Durant (source : ventes sur nbastore.com). En comparaison, les Clippers valent deux fois moins (575 millions de $, 13è rang de la NBA), et leurs revenus ne sont estimés « qu’à » 128 millions de $. Concernant les ventes des produits à leur effigie, ils sont classés 10è dans toute la NBA, ce qui est plutôt encourageant, même s’ils sont encore bien derrière les Lakers. Autre point de comparaison, c’est le fameux contrat TV. En 2009, les Clippers avaient trouvé un accord avec Fox Prime Ticket, concernant un contrat d’environ 120 millions de $ sur six ans. Rien à voir évidemment avec le deal gigantesque des Lakers et Time Warner Cable. Tout cela confirme un peu ce qui a été dit jusqu’à maintenant. Ce n’est pas un hasard si les sociétés préfèrent miser sur les Lakers à long terme, car elles savent que ces derniers resteront populaires voir compétitifs (bon là, on avoue que c’est mal barré) dans le temps. Les Clippers, avec leur passé de loser, ne possède pas cette crédibilité, cette assurance, cette durabilité. Aujourd’hui évidemment, ils ont la cote, c’est une équipe excitante, avec deux des meilleurs joueurs du monde, mais les Clippers ne sont pas encore devenus cette « marque commerciale », mondialement connue. La franchise est aujourd’hui plus célèbre pour l’affaire Donald Sterling que pour tout le reste.
Les 30 franchises NBA classées selon leur valeur économique.
Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus, l’augmentation progressive de la valeur des Clippers est surtout liée à leurs récentes bonnes saisons. A l’inverse, la valeur des Lakers a explosé ces dernières années, et ce malgré leurs mauvais résultats sportifs.
Soyons clairs, la finalité de cet article n’est pas de casser du sucre sur le dos des Los Angeles Clippers, ou de sous-estimer quoi que ce soit les concernant. Ils seront encore une fois largement supérieurs aux Lakers cette saison, et on a hâte de les voir jouer tellement ils nous offrent un superbe spectacle soir après soir. Après l’épisode Sterling, on ne peut que leur souhaiter de continuer leur remarquable ascension. Mais dans un marché comme Los Angeles, ils ne seront jamais vraiment reconnus à leur juste valeur, ils ne pourront jamais vraiment avoir la reconnaissance qu’ils méritent et faire leur trou. Cela n’a rien à voir avec leurs performances sportives, c’est juste qu’ils partagent la ville avec une franchise plus ancienne, plus mythique, plus prestigieuse, plus puissante, plus swag, plus tout. Cela fait tellement longtemps que la Cité des Anges appartient aux Lakers, que c’est impossible pour leur voisin de prendre le dessus. C’est comme quand vous vous baladez à New York et que vous voyez 80% de produits dérivés à la gloire des Yankees, alors que dans le même temps, les Mets passent presque inaperçus. On parle ici de franchises surpuissantes, qui ont un impact non seulement local mais aussi national et international. Le logo des Lakers, tout comme le NY des Yankees et l’étoile des Dallas Cowboys, c’est quelque chose qui dépasse le simple cadre du sport. Même si les attentes sportives sont élevées chaque année pour ces franchises, elles n’ont pas besoin de gagner pour avoir de la valeur et être reconnues. Elles ne passeront jamais au second plan, elles seront toujours aimées ou détestées, et on en parlera encore et encore dans la presse, tout simplement car elles représentent un nombre incalculables de choses, et qu’elles font vendre. C’est impossible de rivaliser avec cela. Si les Clippers évoluaient dans une ville comme Seattle par exemple, ils seraient des héros soutenus par toute une communauté. A Los Angeles, ils sont suivis uniquement parce qu’ils sont performants et spectaculaires. Evidemment, ils possèdent bien quelques fans fidèles dans la Cité des Anges, mais ils sont peu nombreux. Aujourd’hui, les Clippers sont un peu comme l’attraction à la mode de la ville, mais cela ne durera qu’un moment.
Malgré des résultats sportifs désastreux et l’ascension de leur voisin, les Lakers restent l’équipe phare de Los Angeles. Que ce soit d’un point de vue médiatique, historique, économique ou symbolique, la franchise pourpre et or restera toujours reine de la Cité des Anges. De Magic à Kobe, en passant par Shaq et Kareem, les Lakers ont connu trop de joueurs d’exception et de moments inoubliables pour que cela puisse en être autrement…
Source couverture : artkor7 de TrashTalk
