Le meilleur casseur de chevilles de l’histoire ? Jamal Crawford brise 34 ans aujourd’hui
Le 20 mars 2014 à 20:45 par Nathan
Il mesure 1 mètre 96, il est né à Seattle et il a 34 ans ce 20 mars. On ne risque pas grand chose en disant que ça doit faire 20 ans qu’il casse des chevilles sans les toucher. Vous le reconnaissez : il s’agit du fabuleux Jamal Crawford, officiellement élu meilleur Sixième Homme en 2010 et officieusement considéré comme l’un des meilleurs dribbleurs de la planète.
Avertissement : si vous vous attendez à trouver dans ce papier des phrases qui parlent de défense, de jeu collectif ou encore de basket léché rempli de systèmes complexes – vous serez décu, mais lisez-le quand même.
L’actuel arrière remplaçant des Clippers ne finira jamais de surprendre le petit monde de la NBA. On l’oublierait presque, mais Jamal a 14 ans de carrière. Drafté en 2000 par les Cavaliers, il est immédiatement envoyé aux Bulls. C’est à partir de sa troisième saison qu’il s’affirme. A partir de l’édition 2002-2003 en effet, Crawford ne passera jamais sous la barre des 14 points de moyenne. Car oui, quand on parle de Jamal Crawford, on parle d’un attaquant incroyable.
Mais pas de n’importe quel attaquant. Si Jamal Crawford ne cesse de surprendre (ou de traumatiser, ça dépend si vous regardez ou si vous défendez sur lui), c’est qu’à 34 ans, c’est comme s’il jouait tel un jeune arrière de 18 ans, qui sort de l’université, la tête et les jambes pleines des heures passées sur les playgrounds du coin. Mais, si Dirk Nowitzki a son fadeway, si Ray Allen a son shoot à trois points, si Shaquille O’neal avait son… postérieur – Jamal Crawford, quant à lui, a une arme de destruction massive : le dribble, le crossover, un handle de folie.
Ne nous méprenons pas : la capacité de dribble dont on parle, on ne la rencontre pas partout. Vous prenez le meilleur dribbleur que vous ayez vu en vrai, vous le multipliez par deux, vous lui rajoutez 10 centimètres, des bras qui descendent aux genoux , enfin de la lucidité et vous obtenez quelque chose qui se rapproche de Jamal Crawford. Car, comme il l’a dit lui-même, le dribble n’est pas chez lui un grigri pour faire de l’ornement (coucou Lance Stephenson). Non, il a compris que le crossover nécessite un entrainement intensif et qu’il peut constituer une arme offensive réellement efficace au même titre que les autres moves consacrés dans notre si beau sport. Dans la lignée d’un joueur comme Allen Iverson, Jamal Crawford est l’un de ceux qui ont donné ses lettres de noblesse à la sous-culture streetball, contenue en creux derrière chaque parquet NBA mais qu’on tend à cacher par artifice, par luxure ou par Steve Novak.
C’est qu’il a élevé le crossover à un tel niveau que les coaches l’ont pris au sérieux. L’idée qu’un bon dribbleur, impressionnant face à des amateurs sur un playground, ne ferait rien face à un “vrai” défenseur du “vrai” basket, qu’une défense collective peut éteindre un joueur comme celui-là – cette idée, Jamal Crawford l’a refusé. Lucidité, sens du rythme, faire le bon geste au bon moment, ne pas confondre vitesse et précipitation, concilier sens du spectacle et efficacité : c’est possible en étant presque uniquement un bon dribbleur. Comme un virtuose, Crawford manie la balle avec intuition, élégance et improvisation. Regardez ci-dessous : vous verrez que certes, il a un handle incroyable, mais que ce ne serait rien sans sa lecture des défenses, sans son sens du rythme qui lui permet de changer de direction pile au moment de la reprise d’appui de son défenseur. Chez tous les meilleurs, le dicton “l’art cache l’art” s’applique à merveille : quand on regarde Crawford, se jouer des défenses et contourner les écrans a rarement paru aussi facile. Mais à 34 ans, dribbler comme ça : c’est le fait d’un vieux singe, il ne faut pas s’y tromper.
C’est pourquoi Jamal Crawford est un joueur d’isolation. Il a connu 6 clubs différents (Bulls, Knicks, Warriors, Hawks, Blazers, Clippers), mais il a eu à chaque fois le même rôle et le même rendement. Dynamiter les défenses en sorties de banc, créer de l’épaisseur offensive en étant le lien entre l’apport du cinq et celui des remplaçants. Quand il ne reste que quelques secondes sur l’horloge des 24 secondes : passez la gonfle à Jamal, il saura créer un espace. Oubliez la défense : lui n’est là que pour mettre ses 18 points par match. Mais cela ne l’empêche pas d’être un joueur extrêmement important dans une rotation – bien au contraire. Comme l’atteste sa réputation et les dizaines d’os qu’il a cassés : avoir Crawford sur un terrain, c’est s’assurer au moins des belles possessions offensives avec de la vitesse et de la percussion.
C’est pourquoi, aussi, Jamal Crawford a été sixième homme pendant l’essentiel de sa carrière. C’est un joueur type “micro-ondes” (oui, on joue à 2K aussi), qui peut prendre feu après seulement deux shoots consécutifs. Impossible de constituer un système stable avec lui : bien au contraire, il est là pour être insaisissable et imprévisible. On a l’impression que les cris du public et le tremblement des chevilles de ses adversaires lui chauffent les mains – si tant est que la fameuse “main chaude” existe vraiment. Combien de fois Jamal a-t-il réveillé une salle en 10 secondes après avoir envoyé un défenseur à l’hosto avant de rentrer un trois point plus la faute ?
D’ailleurs, parlons-en du trois point plus la faute. En sus de sa capacité de dribble, J-Crawford en a fait sa spécialité, son hors d’œuvre, sa touche personnelle. L’action à quatre points est à Jamal Crawford ce que le flip-flap était à Ronaldinho : quelque chose qui dégoûte le défenseur, parce qu’il le savait, nom d’un chien, qu’il allait partir à gauche le Roni. Pareil pour Crawford : à tel point qu’il est, ni plus ni moins, le meilleur de l’histoire en la matière (40 actions à 4 points, loin devant Reggie Miller avec 23 unités). Sa capacité à shooter très haut en suspension, son tir qui place le ballon très au-dessus de la tête et son talent de flopping lui permettent de forcer le défenseur à prendre des risques pour le gêner, et donc à faire faute. Car, malgré sa mécanique plutôt impure, Jamal est un excellent shooteur : il tourne à 45% aux tirs dont 35% à trois points en carrière (pour 15,6 points de moyenne). Son shoot arc-en-ciel a fait frissonner pendant des années les publics NBA – et chauffe cette année un public déjà bouillant sous le soleil de L.A.
Donc non, Jamal Crawford, ce n’est pas que le “shake-and-bake”. Ah oui, si vous ne connaissez pas le shake-&-bake : un dribble ultra rapide, très dur à réaliser en vitesse, qui consiste à … non regardez, ça sera plus simple :
Le shake-&-bake, oui c’est impressionnant, oui c’est très dur, mais réduire Jamal Crawford à ça serait une erreur. Discrètement, Jamal Crawford s’est imposé comme l’un des plus purs joyaux offensifs des années 2000. Le shake-&-bake n’est qu’une manifestation superficielle (mais ô combien spectaculaire) de son innovation : faire du dribble un outil efficace et pas seulement un joujou pour humilier son défenseur. Un joueur unique, qui arrive à nous faire aimer le dribble presque comme on aime, par analogie, le jeu collectif des Spurs. Je ne sais pas vous, mais moi ça fait deux ans que je l’essaie, ce shake-&-bake, et pas moyens : en vitesse, c’est toujours moi qui tombe.
En bonus, des highlights de l’arrière aux Clippers.
Source image : Layne Murdoch/NBAE via Getty Images