Indiana Pacers, histoire d’une reconstruction – Partie 1/3 : “The Brawl”

Le 04 déc. 2013 à 16:24 par Nathan

Indiana Pacers. Depuis l’année dernière, ce nom est un incontournable en NBA. Indiana paraît être une franchise solide, bâtie sur des fondements stables et dotée d’une forte identité collective. C’est en effet le cas. Mais ce que nous observons aujourd’hui est le résultat de plusieurs années de labeurs, fruit d’une volonté de refonder une équipe, de ressouder une franchise avec ses fans qui lui avaient tourné le dos après un événement qui détruira un groupe pourtant prometteur. Grâce à deux hommes – Larry Bird et Donnie Walsh, deux architectes, les Pacers peuvent enfin penser au Titre après une décennie d’incrédulité. Chronique d’une reconstruction sportive dans l’Etat où le Basket est roi.  

  L’édifice immense de la désillusion

Saison 2003-2004. Les Pacers affichent une des équipes les plus prometteuses de la Ligue. Avec Larry Bird comme Président des opérations basket, avec Rick Carlisle comme coach – avec le All-Star et extrêmement talentueux Jermaine O’neal, le Hall of Famer Reggie Miller et le Défenseur de l’Année Ron Artest, Indiana peut fièrement exhiber le meilleur bilan de NBA avec 61 victoires pour 21 défaites. La route semble tracée vers le Titre suprême. Un avenir radieux qui va, en l’espace de quelques mois, considérablement s’assombrir. Une équipe (aussi rugueuse qu’elle, d’ailleurs) va lui barrer la route par trois fois – dans des contextes bien différents : les Detroit Pistons.

Alors qu’elle élimine plutôt facilement les Celtics (4-0) et le Heat (4-2), Indiana tombe sur le futur champion emmené par son fabuleux Big-Four : les tours Rasheed et Ben Wallace, le meneur Chauncey Billups et l’arrière au shoot d’école, Richard Hamilton. Les Pacers s’inclinent contre une équipe plus forte qu’elle en 6 matches (4-2). Si la déception est grande, les projets à court terme sont encore d’actualité – le titre, rien que le titre. Le Graal semble à portée de ballon pour une franchise qui n’a plus gagné de bague depuis la saison 72-73, quand elle évoluait dans l’antique ABA.

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Source : thesportsfan.com.

L’intersaison est marqué par le recrutement de Stephen Jackson, autre gueulard s’il en est, en échange de Al Harrington, parti chez les Hawks. Encore un élément qui ne peut que faire du bien. Et la saison 2004-2005 commence sur les chapeaux de roue pour Indiana : le noyau dur Miller-Artest-O’neal fait encore des merveilles, Rick Carlisle est respecté, le groupe confirme que la finale de Conférence, c’était pas du bol. Mais l’ironie de l’Histoire, la volonté Divine ou la dure Loi du Sport (vous choisissez), c’est que les Pacers vont encore tomber sur les Pistons, pour un deuxième affrontement qui ne marquera pas les esprits de la même manière que les autres. Le 19 novembre 2004, au Palace d’Auburn Hill, aura lieu la tristement fameuse bagarre  surnommée depuis lors : « The Brawl » ou encore « Malice in the Palace ».

On connaît l’histoire : après une faute idiote de Ron Artest sur Ben Wallace, les esprits s’échauffent (c’est un pléonasme). Un gobelet jaillit des tribunes en direction d’Artest. Ce dernier entre dans une colère aussi idiote que dantesque, et accoure pour trouver le malheureux qui a eu la présence d’esprit de jeter un objet aussi contondant qu’un verre en plastique. Et puisque les Pistons aiment leurs fans, Wallace et d’autres suivent Artest dans les gradins. Et puisque Jermaine O’neal et Stephen Jackson n’aiment pas les Pistons, ils se mêlent à la bagarre pour défendre Artest qui est attaqué par les Pistons qui veulent défendre un fan  (vous suivez ?). En tout cas, vous connaissez la suite : s’ensuivront un énorme bordel, des coups violents, des maillots déchirés, des fans choqués, un David Stern interloqué, des sanctions bien méritées et des conséquences  qui s’étendront bien plus loin qu’à la seule édition 2004-2005.

Trente matches pour O’neal, quinze pour Jackson, toute une saison pour Artest. La saison débute plutôt mal. Mais Indiana accroche quand même une place en playoffs, et se hisse en demi-finale de Conférence, pour tomber sur…les Pistons, qui éliminent en 6 manches la troupe de Rick Carlisle. Are you kidding me ?! De toute façon, c’est trop tard : le mal est fait. Les images ont fait le tour de la planète, les Pacers ont une réputation de brutes – la franchise, déjà pas très bankable, s’est tuée elle-même dans la course au hype. Désabusés, énervés, humiliés, les fans des Pacers perdent de leur fougue et commencent à tourner le dos à leur franchise NBA. Le Bankers Life Fieldhouse se vide et affiche le plus mauvais taux d’affluence de la ligue, avec tout juste 12 000 sièges occupés en moyenne par match, contre 17 000 avant l’incident du Palace.

De l’élite à l’infréquentable

Donnie Walshgeneral manager de la franchise de 1988 à 2008, doit faire face aux faits. L’équipe qui devait aller jusqu’au titre est morte.

Il nous fallait tout refaire, tout depuis le début.” – Donnie Walsh

Et ce n’est pas un petit chantier. La reconstruction n’a pas commencé, mais tout le monde peut déjà savoir que la route va être très, très longue. En tant que petit marché, Indiana ne peut se permettre de vider son effectif, de dépasser le salary cap pour s’offrir d’autres joueurs,  ou de payer la très onéreuse luxury tax. Elle ne peut pas non plus attirer les meilleurs joueurs de la Ligue, ou des free-agents de luxe, puisque depuis l’incident du Palace elle a autant de charisme qu’un Josh Smith en plein jumpshot. Indiana n’est pas un marché aussi attrayant que des destinations comme Miami, Los Angeles ou New York.

Le plan est simple : tout refonder sur des bases saines, quitte à prendre des risques et à ce que cela prenne du temps.Donnie Walsh

Donnie Walsh – crédit photo : AP

” Il fallait nous sortir de tout ce désordre. Mais il n’y a pas de raccourci, à moins d’avoir immédiatement le premier choix, et de choisir LeBron James. Quand vous construisez une équipe, il faut être patient, car vous comptez sur des jeunes joueurs qui n’ont jamais joué à ce niveau, quel que soit leur talent. Larry [Bird] était prêt à mettre la main à la pâte, et il disait ‘Ca va marcher, ça va finir pas payer’, pendant que tout le monde pensait le contraire.”

Et les raisons de douter ne manquaient pas. Pendant 5 saisons consécutives (2007-2011), les Pacers perdent plus de matches qu’ils n’en gagnent. Comment se rassurer sur les choix qu’on prend quand on perd des matches, des fans et de l’argent ? Selon Larry Bird, on n’a aucun moyen : c’est un pari pris sur l’avenir. Larry Legend, qui a tout gagné avec les Celtics, a une longue histoire avec les Pacers. De coach d’une équipe finaliste à Président des Opérations basket en pleine tempête, des années se sont écoulées. Le seul moyen de se rassurer, c’est de garder le cap, de continuer à construire un plan, tout en pensant à ce que l’on veut fuir.

Larry Bird

Larry Bird – crédit photo : AP

“Je me sentais coupable envers les fans, envers les gens qui ont dédié leur temps et leur argent, qui, au lieu de partir en vacances, viennent nous voir 41 fois par an.”

Ce que les fans ne veulent plus voir, ce sont les joueurs de l’époque Malice, ces éléments perturbateurs qui, malgré eux, ont introduit une ambiance malsaine qui rayonne sur toute la franchise de l’Indiana. Stephen Jackson, Ron Artest, Jamaal Tinsley : les uns après les autres, d’année en année, ils vont quitter les Pacers, non pas en raison de leurs qualités intrinsèques de joueurs NBA, mais à cause de l’étiquette qu’ils portent – ou qu’on leur colle, ce qui revient au même. C’est la dure loi de la productivité : si vous avez merdé, vous dégagez. Ils ont commis une faute professionnelle, extra-sportive, qui leur collera à la peau s’ils restent dans l’Indiana – et qui collera à Indiana s’ils y restent.

Il fallait changer la culture de la franchise. Je savais que notre base de fans allait s’affaiblir. Je savais que les revenus ne seraient pas au niveau où on l’espérait.”

Mais les préjugés ont la vie dure. Pendant longtemps, les Pacers ont eu du mal à se défaire auprès de l’opinion de cette image de brutes, de franchise ghetto où tous les infréquentables de la Grande Ligue s’entassent.

C’était très dur. Je devais aller en personne à des meetings où on essayait de vendre des places. J’ai tout déballé à mon propriétaire [ndlr : Herb Simon], j’ai tout déballé à l’équipe de communication. Je leur ai dit ‘Ecoutez, je ne veux pas dériver de ce cap. Mais il y aura des moments où vous allez douter de moi, comme tout le monde. Je le comprendrais, ça fait partie de la chose – mais ne me lâchez pas.

Les Pacers n’ont pas dérivé. Larry Bird et Donnie Walsh ont gardé le cap. Ils ont collecté les morceaux qui, mis ensemble, permettent de passer d’une franchise détruite et infréquentable, à l’un des principaux prétendants au titre. Mais sans un peu de chance, même la meilleure volonté ne suffit pas à braver une tempête comme celle-là. Or, c’est un fait que la chance ne sourit qu’à ceux qui la provoquent : c’est ce que Bird et Walsh ont réussi à faire. Suite au prochain épisode.

Source : Indy Star

 


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