Drazen Petrovic : l’étoile filante

Le 22 oct. 2013 à 14:39 par Alexandre Martin

Drazen Petrovic 10 juin 2020
Source image : YouTube

Il y a quelques jours, les Nets ont retiré le maillot de Jason Kidd floqué du numéro 5. Le jersey du néo-coach et ex-star de la franchise s’est donc retrouvé accroché au plafond du Barclay’s Center aux côtés de ceux des légendes qui ont porté le maillot des Nets et notamment celui de Drazen Petrovic qui devrait  fêter aujourd’hui ses 49 ans.

Un génie de la balle orange

Drazen Petrovic n’a passé que deux saisons et demi (195 matchs) chez les Nets de janvier 1991 à juin 1993, il n’a rien gagné dans le New Jersey pourtant le maillot floqué de son nom et du numéro 3 y a été retiré. Il n’a passé que 4 saisons dans la Grande Ligue et pourtant, en 2002, il fut intronisé au Hall of Fame. C’est dire à quel point celui qu’on surnommait “Mozart” a marqué la NBA, à quel point il a éclaboussé le basket de son talent et à quel point le fait qu’il nous ait quitté en pleine gloire, à 28 ans, a laissé tout le monde sur sa faim devant ce génie qui commençait à donner sa pleine mesure de l’autre côté de l’Atlantique.

Car avant de s’expatrier aux Etats-Unis, le génial Croate dominait outrageusement en Europe. En 1986, quand les Blazers choisissent “Petro” au 3ème tour de la draft (60ème), il vient de gagner deux fois de suite l’EuroLeague avec son club du Cibona Zagreb, il score régulièrement 40, 50 voire 60 points même sur la scène européenne ou sur la scène internationale sous les couleurs de l’équipe de Yougoslavie avec laquelle il a été champion d’Europe en 1989 et champion du Monde en 1990…

Juste avant de partir en NBA, Petrovic fit une saison au Real Madrid (1988/89). Il y détient d’ailleurs toujours deux records qui n’ont pas été battus lors d’une série de Finales de Liga ACB : celui du nombre de points marqués sur un match (42) et celui du nombre de 3 points réussis en un match (8). Malgré cette domination en Europe, Petrovic n’est pas titulaire pendant ses deux premières saisons en NBA (une et demie aux Blazers et une demie aux Nets). Mais Bill Fitch, alors coach des Nets, lui donne sa chance en starter au poste 2 (son poste naturel) dès le début de la saison 1991/92.
A partir de ce moment, “Petro” exploite tout son potentiel et ne quittera plus le 5 majeur. Il double toutes ses moyennes statistiques et affiche une feuille digne des meilleurs arrières avec 20,6 points, 3,1 passes décisives et 3,3 rebonds par rencontre (82 matchs). Il shoote à plus de 50% (50,8) dont un 45% derrière l’arc ! Ses feintes, sa vitesse, son incroyable qualité de shoot mais aussi de dribble voire de passe et surtout sa régularité émerveillent tous les observateurs. En playoffs cette année-là, les Nets se font sortir dès le premier tour par les Cavs mais Petrovic, lui, évolue toujours à un très haut niveau, encore supérieur même à ce qu’il a montré en saison régulière avec notamment ces 40 points (à 17/31 au tir) lors du premier match. Petrovic savait tout faire quand il s’agissait de marquer : pénétrer et finir main droite ou main gauche, shooter en sortie de dribble ou en catch and shoot. Il était un cauchemar pour les défenseurs.

Putain de camion !

L’année suivante, sous les ordres de Chuck Daly,  Petrovic est attendu au tournant mais ce n’est pas ce genre de pression qui va faire peur à un tel joueur. On attend de lui qu’il confirme, qu’il continue sur sa lancée et c’est ce qu’il fait avec 22,3 points (52% au tir dont 45% à 3 points), 3,5 passes et 1,3 interceptions. Il forme, avec Kenny Anderson, une des paires d’arrières les plus dures à défendre à l’époque en NBA. Petrovic se voit même honoré par une sélection dans la All NBA Third Team en 1993. Le Croate marque les esprits. Il régale les spectateurs par son jeu offensif varié, imprévisible mais tellement efficace. Un soir de janvier 1993, il marque 44 points (son record en NBA) face aux Rockets, le tout en shootant à 17/23 et en étalant toute sa panoplie de scoreur ! Rien que sa feinte, en début de match, où il fait perdre le nord à Hakeem Olajuwon lui même, est une démonstration de plus du génie du bonhomme (cf la vidéo en fin d’article). Cette année-là, avec en plus l’apport de Derrick Coleman et Jayson Williams dans la raquette, les Nets retournèrent en playoffs et se firent à nouveau sortir au premier tour, encore par Cleveland…

“A mon avis, Drazen était un des meilleurs shooteurs en NBA. En un seul match, avec un excellent défenseur sur lui (Vernon Maxwell), il nous a marqué 44 points. Il avait un grand cœur, un désir puissant de jouer au basketball et il jouait comme quelqu’un qui aime le basketball.” Rudy Tomjanovich, Head-Coach des Houston Rockets de 1992 à 2003.

Alors qu’il a 28 ans et donc encore beaucoup de belles années devant lui, la carrière NBA de Petrovic semble enfin décoller, il semble enfin être reconnu pour son talent par les observateurs américains. Il est en train de devenir un incontournable dans les discussions sur les meilleurs arrières même si, bizarrement et à sa grande déception, “Petro” n’est pas invité au All Star Game en 1993. Peut-être que les coachs se disent qu’il aura sa chance, qu’il y sera dans les années qui vont suivre…

“Il avait un shoot impressionnant à 3 points, il était capable d’attaquer le cercle et de faire la passe. C’était un grand joueur sur la voie du All Star Game.” Clyde Drexler

Et bien non ! Malheureusement, il n’aura pas eu cette chance. Il ne foulera plus les parquets de la Grande Ligue, la faute à un camion sur une autoroute allemande au mois de juin 1993. Quelques mois plus tard, son maillot floqué du numéro 3 sera retiré par des Nets encore sous le choc d’avoir perdu un des leurs, un génie en train d’exploser à la face de la NBA.

Fauché en pleine ascension,comme une rock star qui meurt d’overdose ou qui se noie dans son vomi au sommet de sa carrière, Drazen Petrovic n’a pas eu le temps de s’exprimer totalement aux Etats-Unis, dans le meilleur championnat du Monde. Mais, à la manière d’une étoile filante, il a tout de même eu le temps d’éblouir la planète basket dans son ensemble et il fut d’ailleurs reconnu pour ça, à titre posthume. Qui sait s’il aurait encore haussé son niveau de jeu ou jusqu’où il aurait pu aller ? Personne malheureusement… Il parait que les meilleurs partent les premiers. Une expression tout à fait contestable quand on voit le nombre de légendes vivantes qui arpentent encore les sentiers de la NBA mais une expression qui, dans le cas de Petrovic, prend beaucoup de sens. 

Ses 44 points face aux Rockets