Qui l’eut cru, alors que le jeune Nicolas n’évoluait encore qu’à l’US Pont-l’Evêque Basket en catégories jeunes, que le fils de Richard Batum, professionnel camerounais, foulerait un jour les parquets de la Grande Ligue ? À force de travail et d’abnégation, le kid du Calvados a su s’imposer pour inscrire son nom en lettres capitales, dans le monde impitoyable du basket-ball international.
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Une adaptation fulgurante à la jungle NBA
Loin d’être simple, l’accession de Nicolas Batum à l’élite du sport de la balle orange a été semée d’embûches. En mai 2008, après des PlayOffs de Pro A frustrants sous les couleurs du MSB et un parcours stoppé en demi-finale, Nic’ fait des adieux humides à son public d’Antarès et à Vincent Collet, « son deuxième père ». S’en suit alors une interminable série de workouts outre-Atlantique, au sein des franchises intéressées par le profil du Français. Entre tests physiques et psychologiques, tout y passe pour Nico qui ne se démonte pas, bien conseillé par son agent Bouna Ndiaye. Mais le 18 juin 2008, l’avenir du Frenchie semble s’obscurcir. Tandis qu’il réalise une visite médicale de routine avant son workout pour les Toronto Raptors, son test d’effort est jugé limite. Le sort tragique de son père, décédé sur les parquets à l’âge de 32 ans, ne fait qu’augmenter la paranoïa des Canadiens qui finissent par annuler le workout. Quelques jours plus tard, c’est au tour des Nets et des Sixers d’avorter les tests du Français.
À moins de deux semaines de la Draft, Nicolas Batum se retrouve dans la tourmente et ne peut s’entraîner durant une semaine de purge. Sa cote est alors en chute libre et plus rien ne semble acquis, ni même une sélection au premier tour lui garantissant un contrat. Afin de rassurer les franchises NBA, l’agent du joueur décide d’envoyer son poulain à Cleveland le 23 juin, pour y passer des tests approfondis dans l’un des meilleurs centres cardiologiques du monde. À trois jours du verdict final, toute crainte est écartée et le Normand peut repartir en campagne.
Le 26 juin, soir de la Draft au Madison Square Garden, le clan Batum est tendu et Nico tient la corde pour être choisi en 26ème position par les San Antonio Spurs de Tony Parker et Ian Mahinmi. Mais la NBA reste un business sans état d’âme, et Houston, qui avait pressenti l’intérêt de son voisin texan pour le Français, choisit de l’en priver en draftant l’ailier en 25ème choix. Un quart d’heure plus tard, Nicolas Batum apprend qu’il est tradé aux Portland TrailBlazers, faisant l’expérience précoce d’un monde où seul l’argent décide. Après ces multiples rebondissements, Nic’ fait bel et bien son entrée dans la Grande Ligue, le Batman était né.
Gestion risquée d’un corps blessé, la marque des grands
Dans une équipe très jeune, Nicolas âgé d’alors 19 ans, va se voir offrir l’opportunité de devenir un élément moteur de l’effectif de Nate McMillan. Brouillé avec son entraîneur en tout début de saison suite à une mésentente sur le rôle du Batman, ce dernier gagne rapidement la confiance de son coach pour intégrer le cinq majeur dès la quatrième rencontre de la saison et ne plus jamais le lâcher ensuite. Le début d’une belle aventure pour le Français qui essuyait dans le même temps ses premiers bizutages aux côtés de son ami rookie, l’Espagnol Rudy Fernandez.
Sur le terrain, il allait rapidement devenir le chien de garde attitré de la star adverse. LeBron James, Kobe Bryant ou encore Carmelo Anthony, tous s’y sont frottés avec peu de réussite et toujours beaucoup d’appréhension. En une saison, Nicolas Batum est parvenu à se faire un nom dans la Ligue, malgré des statistiques limitées à 5,4 points et 2,8 rebonds. Titulaire d’un vrai fan club dans l’Oregon, le Normand rend populaire son #88 – année de sa naissance – au sein du mythique Rose Garden. Mais les performances du Frenchie, qui n’aime définitivement pas la voie de la facilité, sont vite limitées par une épaule droite meurtrie par les chocs. Sans broncher, il décide de passer outre la douleur pour continuer sa progression grâce à une assiduité à la salle d’entraînement remarquée par son coach et l’ensemble de ses coéquipiers.
Seulement à l’automne 2009, ce qui devait arriver arriva, et Nicolas est stoppé net dans son élan des suites d’un coup (fatal) reçu lors d’un training de pre-saison. Il sera alors opéré puis immobilisé trois mois durant. Une blessure malvenue qui écourte sa saison régulière de moitié (37 matches) mais ne l’empêchera pas de s’améliorer dans tous les compartiments de jeu et notamment derrière l’arc (40,9%). Le plus dur semble alors passé et Nic’ serre les dents.
Fort défenseur, Batum n’en oublie pas de progresser de l’autre côté du parquet, bien au contraire. Il va développer au fil des saisons un shoot de plus en plus fiable from downtown, jusqu’à devenir la quatrième option offensive des Blazers la saison dernière, juste derrière Wesley Matthews, du haut de ses 14,3 points de moyenne. Une évolution logique pour Français qui lui confère une autre dimension au sein du collectif. Prétendant au titre de MIP en 2013 et cité pour participer au concours à 3-Points de Houston, il représente aujourd’hui l’avenir de la franchise pour laquelle il est lié jusqu’en 2016.
Sans son avalanche de pépins physiques (poignet, dos et toujours cette satanée épaule), le troisième membre du Big Three aux côtés du rookie de l’année Damian Lillard et du neo All Star LaMarcus Aldridge aurait certainement pu prétendre à une plus longue expérience en PlayOffs, où il reste bloqué au premier tour jusque là. Pour preuve, la performance historique du Français un certain soir de décembre 2012. Omniprésent sur le parquet du Rose Garden, Batum s’offre le premier five by five de la Ligue depuis 2006 et un certain AK47. Mieux encore, jamais LeBron James ou Kobe Bryant n’ont pu se targuer d’un tel exploit. Une soirée qui fait rentrer notre Nico national dans l’histoire tout simplement. “National” car oui, Nicolas Batum est de ceux qui aiment le maillot bleu et le chérissent plus que tout.
Un homme de parole, attaché à ses origines
À l’instar de Tony Parker, le Batman se fait une réelle joie de porter le maillot Bleu une fois l’été annoncé. Sans revenir sur les choix récents de certaines gloires du basket français évoluant par delà l’Atlantique, il semble tout de même légitime de féliciter Nicolas Batum pour son comportement exemplaire à l’égard de l’équipe de France. Tout le monde sait, mieux que jamais à présent, que représenter sa patrie n’est plus un devoir mais un droit de l’avis de nombreux joueurs. Et il est toujours réconfortant de voir à quel point certains de nos Bleus le prennent à cœur et se battent avec passion pour défendre des couleurs sans chercher nécessairement de récompense économique à la clé.
Le Blazer fait partie de cette catégorie, jusqu’à prendre le risque de jouer sans contrat assuré lors d’un match amical face à l’Espagne à l’été 2012, rongé par l’envie de rejoindre ses collègues, ses amis même, et de représenter sa nation dans un Bercy faisant salle comble. On ne privera jamais les plus grands de cet amour pour le maillot et pour le pays qui les a construit.
Chaque été donc, Nico rejoint les tauliers de l’EDF, Tony, Babac et Turiaf, mais il retrouve aussi son ancien mentor du Mans en la personne de Vincent Collet. Deux fois champion d’Europe en catégories jeunes, Batum poursuit son épopée bleue et entame une rivalité indescriptible avec les voisins hispaniques. Finaliste malheureux à l’Euro 2011, il se fait la promesse de les battre aux Jeux de Londres. Un an plus tard, au terme d’un match très âpre dans le pays de Shakespeare, la France est éliminée en quart par ces diables d’Espagnols. Le Batman se fait tristement remarquer en fin de match, auteur d’une faute anti-sportive de frustration sur Juan Carlos Navarro. Mais peut-on vraiment lui reprocher une telle passion, une telle débauche d’énergie pour sa patrie ? La réponse tombe sous le sens.
N’hésitant pas à retourner en France durant le lock-out 2011 pour retrouver un public de Pro A toujours conquis, Nicolas Batum reste un homme simple et altruiste, qui aime à donner du plaisir à ses fans sans forcément réfléchir aux retombées possibles. Souvent comparé à Scottie Pippen, le Batman ne manquera pas de challenge s’il veut rejoindre son champion préféré dans l’histoire de ce sport. Mais pour Nicolas, l’essentiel semble bien résider dans l’amour du jeu, quelques soient les barrières à franchir…