Arrières shooteurs : Grands gagneurs ou croqueurs fous ?
Le 10 mai 2013 à 18:06 par Alexandre Martin
En basket, il y a les bons shooteurs et les mauvais shooteurs. Quand il voit un panier, le mauvais shooteur prend le ballon, s’il ne l’a pas déjà, et il tire. Alors que quand le bon shooteur voit un panier, il prend le ballon, s’il ne l’a pas déjà, et il tire mais c’est un bon shooteur… Et oui, la frontière entre bons et mauvais shooteurs assez floue.
Pour tenter d’aller plus loin sur le sujet, intéressons nous aux performances, ramenées sur 36 minutes, de cinq arrières shooteurs pendant la saison régulière écoulée. Cinq des meilleurs attaquants de la ligue jouent à ce poste : Kobe Bryant, James Harden, Monta Ellis, Dwyane Wade et JR Smith. Cinq joueurs tout aussi souvent loués pour leurs qualités de scoreurs que critiqués pour leur propension à croquer…
Commençons par JR «Gérard» Smith qui est en train de taper sérieusement sur les nerfs de son coach qui lui reproche sa mauvaise sélection de shoot et surtout le fait que rien ne rentre dernièrement. Visez plutôt : sur les 4 derniers matchs de playoffs (2 contre les Celtics et 2 contre les Pacers), l’arrière des Knicks shoote à un horrible 26,3 % (15/57) tout en prenant quand même près de 15 shoots par match !! On comprend mieux l’énervement de Mike Woodson…
Pourtant, cette saison, l’homme aux 100 tatouages a fait bien mieux ce qui lui a valu d’être récemment élu meilleur 6ème homme de la ligue. Sur les 80 matchs auxquels il a participé, Smith a pris en moyenne 16,8 shoots le tout à 42,2% dont 5,9 3-points tentés à 35,6%. Pas des pourcentages incroyables mais honorables tout de même et agrémentés de 4,7 rebonds ainsi que 1,4 interceptions mais de seulement 3 passes décisives ce qui n’est pas surprenant dans le jeu en isolation proposé par New York. JR Smith est un croqueur, un croqueur talentueux mais qui a besoin de passer des paliers mentalement avant de peut-être devenir plus qu’un sixième homme chargé de booster le scoring d’une seconde unit. Catégorie Scoreur-Croqueur fou.
Du côté de South Beach, Dwyane Wade n’a joué «que» 69 rencontres. Prenant 16,5 shoots de moyenne à 52,1% pour 22 points avec 5,2 rebonds, 5,3 passes décisives et 1,9 interceptions. Voilà une ligne de stats qui classe un joueur. Wade n’a jamais été et ne sera jamais un immense shooteur mais sa capacité à pénétrer de l’arrière du Heat associée à la qualité de ses appels de balle, notamment ligne de fond, lui permettent de souvent pouvoir finir près du cercle et donc d’avoir un excellent pourcentage de réussite.
Seul bémol : Wade n’a tenté qu’un seul 3-points par match. En même temps, ce n’est pas plus mal car il n’a tourné qu’à un tout petit 25,8% derrière l’arc. D’ailleurs ce manque de régularité au shoot est clairement le seul point noir de la panoplie de Wade mais il semble en être conscient et ne force pas trop. Il préfère souvent se faire oublier, se faufiler et profiter des caviars de son pote Lebron James. Plus qu’un «shooteur-croqueur» Flash est un arrière ultra complet offensivement comme défensivement. Athlète exceptionnel capable de museler l’arrière adverse (n’est-ce pas Monta…), il peut peser sur un match bien au delà des points qu’il apporte ce qui a toujours fait de lui un formidable gagneur. Catégorie Scoreur-Gagneur.
James Harden, lui, a franchi ce cap cette saison. L’iroquois barbu a débarqué dans le Texas l’été dernier et Houston a retrouvé les playoffs après trois saisons blanches. Houston a même posé de vrais problèmes au Thunder lors du premier tour. Harden en 2012/2013, c’est 16,1 shoots pris pour 24,4 points à 43,8% dont 5,9 tirs primés tentés à 36,8% de réussite. C’est aussi 4,6 rebonds, 5,5 passes décisives et 1,7 interceptions. Très complet, le gaucher aux appuis si déroutants a harcelé les défenses tout au long de la saison. Ses drives, ses shoots de loin, ses crossovers alliés à sa puissance font de James Harden l’un des arrières les plus indéfendables de la ligue et celui qui shoote le plus de lancers par match (9,6). Un vrai franchise player qui tire vers le haut la jeune équipe des Rockets et qui représente l’avenir au poste d’arrière shooteur en NBA. Catégorie Scoreur, mi-Croqueur et bientôt Gagneur.
Dans le Wisconsin, Monta Ellis a joué les 82 rencontres des Bucks cette saison. Il a pris 16,8 shoots par match pour 18,5 points à 41,6% auxquels il a ajouté 3,7 rebonds, 4,7 passes et 2 interceptions. Comme Dwyane Wade, l’ex petit arrière des Warriors reste un véritable acrobate en pénétration mais son shoot reste trop irrégulier notamment à 3-points. Ellis a pris, cette saison, presque 4 tirs primés par match pour seulement 29% de réussite. Le Most Improved Player de 2007 est capable de fulgurances offensives, il est capable de beaucoup marquer lorsqu’il prend feu car son talent est indéniable mais il est tout aussi capable de rendre une feuille à 3/18 au shoot dans un match serré que son équipe va perdre de justesse.
Monta Ellis peut-il franchir un cap afin d’emmener une équipe loin en playoffs ? Il a le talent pour mais a-t-il le niveau mental requis ?Au vu des dernières déclarations de son ancien coach Mark Jackson, on peut en douter… Catégorie Scoreur-Croqueur fou.
Et pour finir, le doyen des ces 5 joueurs, le patron des scoreurs, le dieu des croqueurs mais surtout l’un des plus grands gagneurs que la NBA ait connu : Kobe Bryant. Cette saison a été plus que difficile collectivement pour le Black Mamba mais d’un point de vue individuel, la ligne de stats de l’arrière Angelino est impressionnante pour un joueur de presque 35 ans. 19,1 shoots pris pour 25,5 points à 46,3% dont 4,9 tirs primés tentés à 32,4% de réussite. Devant l’avalanche de blessures et le manque d’harmonie dont ont souffert les Lakers, Kobe a pris ses responsabilités afin de maintenir à flots et de qualifier son équipe de toujours pour les playoffs. Ajoutant 5,2 rebonds, 5,6 passes décisives (record en carrière) et 1,3 interceptions à sa ligne de stats, Bryant a tout donné. Il a d’ailleurs certainement un peur top donné car, malheureusement pour lui, et pour son équipe, une grave blessure au tendon d’Achille l’a empêché de participer aux joutes d’après saison.
Le numéro 24 aurait-il pu changer le résultat de la série face aux Spurs ? Certainement pas mais sa présence aurait sûrement permis d’éviter ce sweep que San Antonio a infligé, sans forcer, à des Lakers sans réponse. Tout au long de sa carrière le Black Mamba a été accusé de «croquer le ballon» par ses détracteurs. C’est vrai, Kobe peut énerver par son arrogance, son égoïsme ou sa propension à enchaîner les shoots plus difficiles les uns que les autres même lorsqu’il n’est pas dans un bon soir. C’est vrai mais, il faut aussi reconnaître, au-delà des incroyables dons de basketteur de ce joueur, ses qualités mentales qui font de lui l’un des plus grands combattants à avoir jamais foulé un parquet NBA. Catégorie Scoreur-Croqueur-Gagneur.
Alors oui, ces joueurs ont parfois tendance à énerver leurs fans lorsqu’ils sont dans un mauvais jour mais quel plaisir de les voir évoluer. Et puis au final, ils restent les points d’appuis offensifs d’équipes qui, chacune à leur niveau, profitent de leurs talents…
Tous les cinq capables de prendre, et de rentrer, beaucoup de shoots, de finir de manière acrobatique, dans des positions hallucinantes ou finalement de s’adapter en délivrant quelques bons caviars et en coupant les lignes de passes adverses, ces arrières modernes sont avant tout des joueurs capables de faire gagner des matchs. Ces cinq joueurs ont grandement participé à emmener leurs équipes respectives en playoffs cette saison mais avec des fortunes diverses. Le plus jeune d’entre eux, James Harden n’a que 23 ans et est encore probablement à l’aube d’une grande carrière qu’on espère couronnée de titres tant le talent du joueur crève l’écran. Monta Ellis et JR Smith, tous deux âgés de 27, ans sont assez similaires finalement : du talent plein les mains mais un mental d’enfant de huit ans. On a cru pendant la saison régulière que l’arrière new yorkais avait enfin pris de bonnes résolutions mais ses dernières performances en playoffs iraient plutôt dans le sens contraire.
Dwyane Wade et le doyen Kobe sont les deux «vieux» de la bande, ils ont pour eux l’expérience, le mental de champion et surtout les titres. 7 bagues à eux deux, 3 titres de MVP des finales. Flash et surtout le Black Mamba sont sur la pente descendante de leurs superbes carrières. Une chose est sûre : ils resteront dans les mémoires par leurs performances, leurs titres et leurs mentalités de gagneurs…