Bill Walton, le pionnier de la passe qui déclarait son amour à Nikola Jokic

Le 28 mai 2024 à 15:16 par Julien Vion

bill walton couverture
Source image : YouTube

Avant Nikola Jokic, le meilleur passeur chez les pivots s’appelait Bill. Du haut de ses 2m11 et de son profil de golgoth, Bill Walton était l’un des précurseurs de l’altruisme et des caviars depuis le poste 5. Plusieurs décennies plus tard, et à la suite de l’éclosion de nouveaux profils de pivots, le MVP 1978 n’avait d’yeux que pour Nikola Jokic. Prônant une vision collective et poétique du basketball et de la vie en général, Walton clamait haut et fort son amour pour celui qui porte son héritage. 

Bill Walton, ce qui passe et ce qui demeure

“Le bonheur commence là où l’égoïsme prend fin. Dans un jeu dominé par le dribble incessant, Nikola Jokic est une véritable bouffée d’air frais. Et c’est grâce à son imagination. Le regarder jouer au basket, c’est comme regarder Bob Dylan composer une chanson.” – Bill Walton

Si sa fin de carrière a été précipitée par les blessures, Bill Walton ne s’est jamais trop éloigné de sa raison d’être. Après un parcours en tant que commentateur dans les années 1990-2000, le pivot prend une retraite bien méritée. Mais quand Nikola Jokic commence à émerveiller les observateurs NBA avec un jeu révolutionnaire, l’ancienne légende des Portland Trail Blazers est un des premiers touchés. Au milieu de la série entre les Nuggets et les Lakers en 2020, il appelle par exemple le média GQ pour parler de ce qu’il aime chez le Serbe. Walton aime le jeu, et pour lui, Nikola est ce qu’il y a de plus beau dans le jeu.

Mais avant Nikola, Bill était le jeu.

Ou au moins un certain type de jeu. Au fil des 500 matchs qu’il a disputés dans sa carrière, Bill Walton a eu un impact comme peu de big men peuvent s’en targuer. Essentiellement dans ses premières années avec l’uniforme rouge et blanc de Portland, il a façonné l’un des premiers profils de pivots qui ne servent pas qu’à prendre des rebonds, contrer des tirs et écraser des dunks à bout portant. Walton était d’abord un génie de la passe.

“What [Nikola Jokic] has done to revolutionize the center position, … the closest comparison to Jokic is Bill Walton.”@wojespn on Bill Walton’s legendary career as a player and broadcaster 👏 pic.twitter.com/EgNb54uIha

— NBA on ESPN (@ESPNNBA) May 27, 2024

En 1977-78, il est élu MVP pour avoir hissé les Blazers à la première place de toute la Ligue. Mais au-delà de ses 19 points et 13 rebonds de moyenne, dans les standards de l’époque, ses 5 passes décisives par soir sortaient du lot. En tête de raquette ou au poste bas, Walton cherchait à impliquer ses coéquipiers quand les défenseurs adverses avaient les yeux rivés sur ses 95 kilos et sa longue chevelure bouclée. Il raconte par ailleurs que le plus beau compliment qu’il ait jamais reçu, c’est d’entendre qu’il rend ses coéquipiers meilleurs.

Bill a contribué à ouvrir la voie aux pivots passeurs, un style que Nikola Jokic a perfectionné. Si les deux joueurs ne sont évidemment pas identiques, notamment en défense, ils partagent une vision précise du basket. Et c’est justement ce que Walton admire chez le triple MVP.

“Le basketball est l’expression de ce que vous êtes et la célébration d’un monde tel qu’il pourrait et devrait être. Et quand vous le regardez, il fait des choses qui vous font sourire (…) Il me fait sourire. Et je rayonne. Il y a une chaleur dans mon cœur. C’est fun. C’est créatif, c’est imaginatif, et ils {les Denver Nuggets, ndlr} gagnent.”

Le basketball comme une ode au collectif

Mais la philosophie de Walton ne se limite pas à la balle orange. C’est au-delà de ce qui se déroule sur le parquet que Bill Walton se retrouve dans ce que prône Jokic. Dans son style bien à lui, et ses comparaisons merveilleuses, le natif de Californie n’a cessé de chanter des louanges à celui qu’il faisait rêver le Colorado.

“C’est un joueur magnifique qui joue comme un fou. Il possède ce qui semble avoir été perdu dans le monde, à savoir la vision périphérique. Quand vous marchez dans la rue, quand vous conduisez une voiture, quand vous faites du vélo dehors, c’est stupéfiant de constater le manque de vision périphérique. Mais Nikola Jokic est l’antidote à tant de nos problèmes dans le monde.”

Le Hall of Famer, qui était aussi un activiste engagé et brièvement emprisonné pour son opposition à la guerre du Vietnam, apparaissait régulièrement en roue libre dans ses années de commentateur. Il aimait balancer des cacahuètes sur la tête de son collègue ou croquer dans un muffin à pleines dents devant la caméra. Mais par-dessus tout, Bill aimait les artistes qui parvenaient à impacter les gens au-delà de leur discipline. Bob Dylan ou Nikola Jokic, la finalité est similaire. Et Walton, c’est tout ça en même temps.

“J’aime vraiment regarder ce mec jouer. J’aimerais beaucoup jouer avec lui, j’aimerais beaucoup jouer contre lui, j’aimerais beaucoup jouer au basket. Cela fait 34 ans que je n’ai pas pu jouer au basket. Mais vous savez, je peux regarder. J’adore les artistes géniaux.”

Si son corps, cassé par ses années sur le parquet, n’a pas permis à Bill Walton de continuer à jouer – ni à disputer un H.O.R.S.E avec Nikola Jokic (dont c’est le dada) – il n’a eu cesse d’apprécier son art. Lors du All-Star Game 2024, les deux légendes du sport sont apparues à plusieurs reprises complices à Indianapolis. Quand on essaye d’imaginer un front-court composé de ces deux esthètes, on ne peut que commencer à esquisser un sourire, peu importe le spacing.

Sad to hear the news about Bill Walton

He was at the All Star Game this year, excited about this Luka and Jokic passing sequence

Bill was a passing genius when he played himself

🎥@nikolaesthetic pic.twitter.com/MLtywQaChj

— Mavs Film Room 🐴🎥 (@MavsFilmRoom) May 27, 2024

Bill Walton est décédé hier à l’âge de 71 ans dans son domicile de San Diego en Californie. Entre les passes, les muffins, Bob Dylan, le Vietnam, la chevelure bouclée, le grand sourire ou l’amour de Nikola Jokic, il suivait une philosophie des plus altruistes. Et rien que par son jeu, le Serbe continuera à l’honorer sur les parquets. On ne se fait pas de Bill.

Sources texte : GQ, The Athletic


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