Black History Month : Nathaniel Clifton, des Harlem Globetrotters à la NBA

Le 18 févr. 2023 à 09:01 par David Carroz

TrashTalk Black History Month Nathaniel Clifton
Source image : Negro League History, montage Léonce MVP

Dans le trio des joueurs qui ont ouvert la voie aux Afro-américains en NBA, Nathaniel Clifton prend l’étiquette de “premier à avoir signé un contrat”, pendant que Chuck Cooper est le premier drafté et Earl Lloyd le premier à avoir disputé une rencontre. C’est en tout cas ce que l’histoire raconte. Même si elle est partiellement erronée, cela n’enlève rien au rôle de précurseur de Sweetwater.

Je vais vous dire une chose. Je veux que soit approuvé le droit d’avoir des joueurs noirs dans notre ligue. Si je ne peux pas obtenir Sweetwater Clifton dans l’équipe de New York, alors New York ne fera plus partie de cette ligue.

Le propriétaire des Knicks Ned Irish menace. Alors que d’autres franchises NBA sont encore réticentes à ouvrir la ligue aux Afro-américains, il refuse cette ségrégation, persuadé que la pièce manquante pour faire de son équipe un candidat au titre est Nathaniel Clifton. Et il est prêt à mettre la présence de sa franchise en jeu pour pouvoir récupérer l’intérieur des Harlem Globetrotters.

Il faut dire que le CV de Nat “Sweetwater” Clifton commence à être fourni. Ses performances avec les Trotters lui confèrent un statut de star, comme lorsqu’ils viennent à bout des Minneapolis Lakers pour la seconde année consécutive en 1949 (Clifton n’était pas présent lors de la première rencontre). Une victoire qui accélère l’ouverture de la NBA aux Afro-américains quelques mois plus tard.

Finalement, Irish n’a pas besoin de mettre sa sommation à exécution. Les proprios votent en faveur de sa demande. Il peut désormais négocier avec Abe Saperstein, le boss des Trotters, pour aller au bout de son idée. S’il jubile, son homologue des Philadelphia Warriors Eddie Gottlieb enrage :

Vous venez de ruiner la ligue. Dans cinq ans, 75% de la ligue va être noire. Nous n’attirerons plus de foule. Les gens ne viendront pas les voir.

Ned Irish s’en cogne. Sa requête repose purement sur des questions sportives et peu lui chaut l’avancée sociale. Nathaniel Clifton signe son contrat avec les Knicks en mai 1950, ce qui fait de lui le premier Afro-américain ayant apposé sa griffe sur un tel deal. C’est ainsi que l’histoire laisse de côté Harold Hunter et son contrat avec les Capitols paraphé quelques jours plus tôt. Mais coupé avant la saison, il ne foule jamais les parquets NBA.

Pour autant, le rookie âgé (28 ans) ne dispose pas d’un rôle de franchise player, malgré son expérience accumulée chez les Trotters. Si sa réputation et son charisme ont pesé dans la réflexion de Ned Irish lors de son recrutement, cela ne lui garantit aucun passe-droit. C’est en défense, pour freiner les pivots adverses, et au rebond qu’on l’attend avant tout. Un rôle qui revient souvent chez les pionniers afro-américains en NBA, à savoir permettre aux stars blanches de briller – Max Zaslofsky, Harry Gallatin puis Carl Braun du côté de Big Apple.

Au moment de se coltiner les Ed Macauley, Alex Groza, Dolph Schayes ou George Mikan tous mesurés au-dessus du double mètre, Sweetwater leur rend quelques précieux centimètres et kilos. Mais la longueur de ses bras lui permet de compenser ce déficit de taille en défense, tout comme ses bonnes mains et ses qualités athlétiques – surtout de jump – peuvent lui offrir des opportunités en attaque.

Pour cela, il faut toucher la gonfle sur les situations offensives et jouer à un rythme plus élevé. Si Joe Lapchick le coach des Knicks a donné son aval pour l’arrivée de Nat Clifton, il ne compte pas pour autant revoir sa copie quant à son style de jeu très conservateur qui ne sied pas forcément aux aptitudes de son intérieur. L’autre souci pour Sweetwater, c’est qu’il manque d’agressivité à ses débuts. Même si ce constat soulevé par son coach est à mettre en perspective avec l’arrivée dans un nouvel environnement, un rôle plus défensif et peu de tickets-shot, Nathaniel reconnaît aussi de son côté qu’il ne voulait pas forcer avec son statut de pionnier. Ou rendre les choses plus difficiles plus les ballers afro-américains qui viendraient après lui.

Si les trois finales atteintes – mais perdues – par les Knicks lors des trois premières saisons de Clifton confirment que cette attitude maximise les chances de sa franchise – en faisant de lui le premier Afro-américain à atteindre ce niveau de la compétition – il refuse par contre de tendre l’autre joue face aux comportements racistes. S’il sait s’accommoder depuis sa période Globetrotters à la ségrégation en dehors des parquets, il ne laisse rien passer une fois sur le terrain. Bob Harris des Celtics est le premier à en faire l’expérience lors d’un match de pré-saison suite à une prise de bec entre les deux joueurs. Puis plus tard dans sa carrière, alors qu’il porte désormais le jersey des Pistons, en se jetant dans les gradins pour défendre son coéquipier afro-américain Walter Dukes pris à partie par la foule – raciste – des St. Louis Hawks.

Entre ces deux moment, Nat prouve aussi qu’il a bien sa place dans la Ligue, au point de devenir All-Star en 1957. À 34 piges, il devient le troisième joueur afro-américain à honorer une sélection étoilée, lors de son ultime saison aux Knicks avant son passage d’un an aux Pistons. S’il quitte ensuite la NBA, il n’oublie pas pour autant le basket puisqu’il rejoue un peu avec des équipes de tournée. Jusqu’à une blessure au genou qui lui impose une reconversion comme chauffeur de taxi à Chicago, la NBA n’offrant pas de système de retraite comme aujourd’hui afin d’aider ses anciens joueurs. C’est dans son outil de travail qu’il décède d’une crise cardiaque en 1990. 24 ans avant un dernier aboutissement, son intronisation au Hall of Fame à titre posthume.

Son héritage dépasse clairement ses 10 points et 9 rebonds par rencontre. Son style, son attitude, son refus de se laisser intimider diffèrent de ses paires Chuck Cooper et Earl Lloyd. Il est celui qui apporte l’aspect urbain des Afro-américains en NBA et qui va ouvrir la voie à de nombreux autres athlètes qui pourront s’identifier à lui et s’affirmer.

Source : They Cleared The Lane de Ron Thomas, Breaking Barriers de Douglas Stark